Conformément aux Orientations Royales et aux recommandations du Rapport sur le Nouveau Modèle de Développement, les deux derniers gouvernements ont fait de la promotion de l’autonomisation des femmes une priorité. Les résultats sont certes encourageants, mais les lacunes restent toujours de taille. Eclairage.
En 2019 déjà, le ministère de l’Agriculture avait réalisé une analyse sectorielle genre dans le cadre du programme d’appui de l’AFD à la Budgétisation Sensible au Genre (BSG) au Maroc, en partenariat avec le Centre d’Excellence BSG. Plus récemment, en 2023, une évaluation genre du secteur agricole a été conduite avec la FAO. Cette étude a mis en évidence les inégalités entre les femmes et les hommes dans plusieurs soussecteurs agricoles ainsi que dans les institutions et services ruraux. Elle a également analysé les causes de ces écarts et leur impact sur le développement économique et social des territoires, la gestion des ressources naturelles et la sécurité alimentaire.
Pour remédier à ces inégalités, le ministère a lancé le Registre National Agricole (RNA), présenté comme un outil stratégique pour améliorer le ciblage des bénéficiaires de ses programmes. Le RNA devrait notamment faciliter l’accès des femmes exploitantes agricoles aux différents services proposés : accompagnement technique, structuration, financement et autres appuis.
Dans cette même logique, la stratégie agricole « Génération Green 2020-2030 » se veut une initiative qui place les femmes rurales au cœur de la dynamique de développement agricole et rural. Elle prévoit des actions ciblées pour répondre à leurs besoins spécifiques : appui technique, formation, encadrement et renforcement des capacités productives et de gestion de projets. « Cette stratégie vise l’inclusion des femmes dans l’ensemble des projets liés à l’entrepreneuriat, à la formation et à l’accès aux incitations », souligne le rapport accompagnant la Loi de Finances 2025 et axé sur les résultats sensibles au genre.
Les résultats montrent que les coopératives ont un impact positif global sur le niveau d’autonomie des femmes membres. L’indice moyen d’autonomisation atteint 3,72 sur 5, reflétant un niveau d’empowerment modéré mais encourageant. En particulier, les femmes engagées dans des activités à forte valeur ajoutée, comme la culture des arbres fruitiers ou l’apiculture, affichent les scores les plus élevés.
L’étude révèle cependant d’importantes disparités entre zones rurales et urbaines, mais aussi entre types d’activités. Les femmes rurales, souvent engagées dans l’élevage, secteur jugé peu rentable et physiquement exigeant, restent les moins autonomes. Leur GEI moyen plafonne à 3,5, contre 3,9 pour les femmes en milieu urbain. Le faible niveau d’instruction reste également un frein majeur. Les femmes sans formation scolaire obtiennent un GEI de 3,17, bien en dessous des 4,06 atteints par les diplômées universitaires. La faible participation des femmes aux formations et expositions agricoles, pourtant proposées par plusieurs programmes nationaux, s’explique en partie par l’inadéquation des contenus avec leurs besoins réels et leur quotidien.
Pour dépasser ces blocages et maximiser le potentiel des coopératives féminines, les chercheurs appellent au renforcement des programmes de formation adaptés aux réalités rurales. « Les contenus doivent être pratiques, contextualisés et orientés vers l’amélioration des compétences en gestion, commercialisation et valorisation des produits agricoles », peuton lire dans le rapport.
Il s’agit aussi de développer des programmes de mentorat, en connectant les femmes les plus expérimentées avec les nouvelles membres afin de créer une dynamique d’entraide et de transmission des savoirs. L’étude relève que le nombre de coopératives reste freiné par des difficultés d’accès aux financements et appelle ainsi à la mise en place de dispositifs de microcrédit spécifiquement dédiés aux femmes rurales qui pourrait lever cet obstacle.
Les auteurs appellent surtout à des campagnes de sensibilisation ciblées afin de déconstruire les normes patriarcales qui freinent la participation féminine à la vie économique et sociale.
Cela dit, au moment où les coopératives féminines agricoles se révèlent être un outil efficace pour renforcer l’autonomie économique et sociale des femmes, l’étude rappelle que leur impact reste limité par des facteurs structurels, culturels et institutionnels. Pour faire de ces structures des véritables moteurs de développement rural et d’égalité des genres, une approche multidimensionnelle, à la fois éducative, économique et sociale, reste indispensable. L’enjeu est de taille du fait que derrière chaque coopérative, ce sont des dizaines de familles rurales qui peuvent voir leur avenir transformé.