« Amis de l’homme en noir, bonsoir! »: adepte des interviews et des formules choc, l’animateur et producteur Thierry Ardisson, figure impertinente et prolifique de la télévision française, est décédé lundi à 76 ans.
« Thierry est parti comme il a vécu. En homme courageux et libre. Avec ses enfants et les miens, nous étions unis autour de lui. Jusqu’à son dernier souffle », a écrit sa femme, la journaliste de la chaîne de télévision TF1 Audrey Crespo-Mara.
Toujours tout de noir vêtu – ce qui lui a valu son surnom – et flanqué d’un éternel sourire, Ardisson a bousculé le paysage cathodique avec ses talk-shows à succès en soirée.
Le Tout-Paris s’est rendu à ses émissions, parmi lesquelles « Bains de minuit », présentée depuis la boîte de nuit des Bains Douches à Paris, « Lunettes noires pour nuits blanches » au mythique Palace et « Rive droite / Rive gauche », premier magazine culturel télé quotidien en France.
Ses interviews cash, parfois à rebrousse-poil voire intrusives, ont établi sa réputation.
L’animateur, qui aimait désarçonner ses invités, avait le sens de la formule. Certains rituels, comme ses « Bonsoirs » ou « Magnéto, Serge! », restent indissociables de son personnage.
« Quand je suis arrivé, il y avait à l’antenne un langage télévisuel prude et compassé. On s’est mis à parler comme dans la vie, de sexe, d’alcool et de drogue », rembobinait l’ancien publicitaire, à l’origine de slogans passés à la postérité.
Il a connu ses plus belles heures avec « Tout le monde en parle », une émission hebdomadaire sur la chaîne publique France 2 (1998-2006) aux côtés de son acolyte Laurent Baffie, où ses questions cash, parfois trash, ont souvent créé le buzz.
Il est ensuite passé aux commandes de « Salut les Terriens » (2006-2019), sur les chaînes privées Canal+ puis C8, qu’il dut arrêter après avoir refusé de baisser le budget de l’émission.
Jamais à court de concepts, il a aussi présenté « 93, Faubourg Saint-Honoré », des dîners éclectiques filmés à son domicile, sur Paris Première.
Le vétéran du PAF était revenu brièvement en 2022 avec « Hôtel du temps » sur France 3, où il interrogeait des stars défuntes recréées grâce aux nouvelles technologies.
Né le 6 janvier 1949 à Bourganeuf, dans une région rurale du centre de la France, d’un père ingénieur et d’une mère femme au foyer, Thierry Ardisson a passé une partie de son enfance en Algérie, puis en internat catholique dans les Alpes françaises.
« L’homme en noir », son dernier livre paru en mai, aborde notamment son rapport à sa famille issue d’un milieu social modeste, qu’il a tout fait pour dépasser.
En 2020, c’est la consécration avec « Arditube », chaîne YouTube lancée par l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et dédiée à l’impressionnant patrimoine télévisuel – 35 émissions – d’un animateur aux convictions ouvertement royalistes, peu connu pour sa modestie, mais aussi bosseur acharné.
Il ne s’était pas fait que des amis dans le milieu: pour le critique littéraire Bernard Pivot, autre star des écrans français (décédé en mai 2024), il était « tellement mégalo qu’il (croyait) avoir inventé la vulgarité à la télévision ».
L’écrivaine Christine Angot s’était dite humiliée à plusieurs reprises sur le plateau de « Tout le monde en parle », en se souvenant de rires face à l’inceste qu’elle relate dans son oeuvre.
Lors de sa dernière apparition à la télé, le 10 mai dans « Quelle Epoque! » sur France 2, il avait comparé l’actuelle guerre à Gaza à Auschwitz, ce qui avait fait polémique – il avait ensuite demandé pardon à « ses amis juifs ».
L’homme de télé fut aussi patron de presse, à la tête de « L’Ebdo des Savanes » et du mensuel « Entrevue », avec lequel il a été condamné pour des articles racoleurs. Il a aussi fait de la radio, produit des séries et des films.
Le président Emmanuel Macron lui avait remis la Légion d’honneur début 2024.
Marié à trois reprises, Thierry Ardisson a eu trois enfants avec la musicienne Béatrice Loustalan. Il partageait la vie de la journaliste et présentatrice de TF1 Audrey Crespo-Mara, qu’il avait épousée en 2014.