Le Maroc vient de franchir un cap dans l’édition 2025 du Global Innovation Index (GII), publié par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Classé 57ème sur 139 économies, le Royaume gagne neuf places en un an et signe son meilleur score historique.
L’index souligne la montée en gamme de l’appareil productif marocain. Le pays occupe désormais le 12ème rang mondial pour la fabrication high-tech, un secteur qui représente près de 50 % de sa production industrielle. L’automobile, l’aéronautique et l’électronique constituent les vitrines de cette mutation, portée par des investissements étrangers massifs et par des politiques industrielles ciblées. Le Maroc confirme ainsi sa volonté de passer d’une économie d’assemblage à une économie de conception…
Autre atout majeur : les actifs immatériels. Le pays se classe 6ème mondial pour les dessins et modèles industriels, 24ème pour les marques déposées et 26ème pour les actifs immatériels dans leur ensemble. Ces performances traduisent une appropriation croissante de la propriété intellectuelle par les entreprises, ainsi qu’un cadre réglementaire mieux adapté à la valorisation des innovations locales.
Sur le terrain éducatif, le Royaume affiche une 16ème place mondiale en dépenses dans l’éducation. Si la qualité de l’enseignement reste inégale, cet effort financier contribue à renforcer le capital humain, condition indispensable à la création de valeur. De plus, le Maroc se hisse au 24ème rang mondial en productivité du travail, un signe d’efficacité accrue de son tissu productif.
L’Algérie, en revanche, reste engluée dans le bas du classement (115ème). Malgré quelques résultats notables – 44ème pour la collaboration université-industrie, 30ème pour les brevets d’origine –, le pays souffre d’un secteur privé peu investi dans la recherche et d’une dépendance persistante aux hydrocarbures. Cette inertie empêche la construction d’un véritable écosystème d’innovation.
La Mauritanie, classée 131ème, illustre le retard structurel d’une économie encore très dépendante de l’extraction minière. Le rapport relève pourtant deux points positifs : une 9ème place mondiale pour l’attractivité des investissements directs étrangers et une 8ème place pour le dividende démographique des jeunes. Mais faute de politiques éducatives et scientifiques ambitieuses, ces atouts restent sous-exploités.
Dans ce paysage contrasté, le Maroc s’impose comme le leader incontesté de l’Afrique du Nord (hors Égypte, 86ème). Ce statut consolide sa position stratégique dans la région MENA, où seuls Israël (14ème), Chypre (25ème) et les Émirats Arabes Unis (30ème) occupent des places plus avancées.
Le second défi touche au lien entre universités et entreprises. Bien que des incubateurs et clusters technologiques se développent, la conversion des résultats académiques en innovations commercialisables reste insuffisante. Le Maroc devra renforcer ce chaînon pour rivaliser avec des économies émergentes comme la Turquie (43ème), l’Inde (38ème) ou le Vietnam (44ème), qui investissent massivement dans la recherche appliquée.
Le troisième défi est celui de l’inclusion territoriale. Si Casablanca, Tanger et Rabat tirent la dynamique d’innovation, de larges pans du pays demeurent à l’écart. Les inégalités d’accès au numérique et à l’éducation limitent l’essor d’écosystèmes régionaux capables de contribuer à la compétitivité nationale. L’innovation marocaine gagnerait à être pensée comme un levier partagé, et non concentré dans quelques pôles.
Toutefois, le Royaume dispose d’avantages structurels non négligeables : une stabilité politique relative, un réseau diversifié d’accords de libre-échange et une position géographique stratégique reliant l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient. Ces facteurs en font une plateforme attractive pour les multinationales à la recherche de relais d’innovation.
À moyen terme, le succès marocain dépendra de sa capacité à instaurer un cercle vertueux : améliorer la qualité de l’éducation, accroître la recherche scientifique, attirer davantage de capitaux privés et intégrer les jeunes diplômés dans l’économie de la connaissance. L’édition 2025 du GII marque une étape, mais la route reste longue pour rivaliser avec les grandes puissances émergentes.