Hassan Sentissi El Idrissi : « Le Maroc doit devenir une plateforme industrielle vers les États-Unis »

Alors que les États-Unis renforcent leur partenariat avec le Maroc, l’ASMEX appelle à en faire un levier de repositionnement économique, selon son président Hassan Sentissi El Idrissi.

Au-delà des déclarations diplomatiques, les récentes discussions bilatérales entre les ministres des Affaires étrangères marocain et américain ont permis de réaffirmer un socle commun fondé sur des intérêts économiques convergents. Pour Hassan Sentissi El Idrissi, invité de 2M le 12 avril, cette continuité stratégique « s’inscrit dans une logique historique », rappelant que le Maroc fut le premier pays à reconnaître l’indépendance des États-Unis en 1777.

Selon lui, cette relation privilégiée, consolidée par un accord de libre-échange entré en vigueur en 2006, doit désormais servir de tremplin pour positionner le Maroc comme une plateforme industrielle et commerciale de choix pour les investisseurs internationaux en quête de compétitivité logistique, notamment vers le marché nord-américain.

« Si j’étais un industriel européen, je verrais d’un bon œil une implantation au Maroc », déclare le président de l’ASMEX. Il souligne que les avantages douaniers négociés dans le cadre de l’accord de libre-échange peuvent atteindre jusqu’à 20 %, un levier considérable pour relocaliser une partie de la production destinée au marché américain. Le Maroc, grâce à sa stabilité, à ses infrastructures portuaires comme Tanger Med, et à sa proximité géographique de l’Europe et de l’Afrique, offre une alternative stratégique face à la saturation des chaînes d’approvisionnement européennes.

Cette configuration ouvre la voie à la transformation du Maroc en hub industriel régional, notamment à travers l’attraction de relocalisations industrielles à haute valeur ajoutée. C’est un phénomène que l’ASMEX anticipe et prépare activement.
 

Substitution aux importations : Vers une production locale renforcée
 
L’ASMEX a récemment mené une étude sectorielle de substitution aux importations, qui démontre que le Maroc peut produire localement de nombreux biens actuellement importés d’Europe, sans coûts additionnels significatifs. Cette capacité productive ouvre de nouvelles perspectives pour l’exportation vers les marchés américains, renforçant l’argument du « Made in Morocco » dans les chaînes de valeur mondiales.

Cette logique d’intégration industrielle s’appuie sur l’expérience réussie du Maroc dans des secteurs comme l’aéronautique. « Aujourd’hui, le Maroc produit des composants aéronautiques intégrés dans plusieurs avions en circulation à l’échelle internationale. Cela prouve que nous avons franchi un cap », soutient Hassan Sentissi El Idrissi.

Pour aller plus loin, le président de l’ASMEX insiste sur la nécessité de maîtriser la souveraineté logistique, notamment dans le transport maritime. Il appelle à un renforcement du pavillon marocain pour garantir la fluidité et la compétitivité des exportations. Selon lui, les infrastructures existent, mais elles doivent être consolidées par une stratégie de contrôle sur les maillons logistiques essentiels, condition sine qua non d’une véritable montée en gamme industrielle.

Le Maroc dispose des ingrédients d’un futur pays industriel majeur, à condition de faire preuve, selon lui, de « volonté, de courage et d’ambition ».
 

Automobile, composants, agroalimentaire : Les nouvelles cibles de l’export
 
Pour renforcer la dynamique actuelle, l’ASMEX prépare une série de recommandations pour accompagner les filières exportatrices, notamment l’automobile, l’agroalimentaire, les composants industriels et les énergies renouvelables. L’objectif est de garantir la pérennité des exportations marocaines tout en misant sur les filières à plus forte valeur ajoutée et à plus forte intensité technologique.

Le commerce extérieur, dans cette optique, est considéré par l’ASMEX comme un levier central de développement. Il permet de capter les devises indispensables, de renforcer la résilience économique et de consolider la place du Maroc dans les circuits du commerce international.

Hassan Sentissi El Idrissi rappelle, in fine, que cette stratégie d’ouverture et de montée en puissance à l’international est soutenue par la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, dont les orientations ont permis au Maroc d’asseoir progressivement sa souveraineté économique. Son message aux exportateurs est sans ambiguïté : « Travaillez pour votre pays. L’exportation est essentielle. Grâce à elle, nous bâtissons notre autonomie et notre avenir ».

Commerce mondial : Quelle place pour le partenariat avec les États-Unis ?

Malgré une croissance notable des échanges bilatéraux, les États-Unis restent un acteur secondaire dans le commerce extérieur du Maroc. Mais les tensions commerciales mondiales, initiées par la politique protectionniste de Trump, pourraient peser lourdement sur l’économie nationale.

Même si l’ALE a boosté les échanges commerciaux entre les deux pays, passant de 1,3 milliard de dollars en 2006 à 5,5 milliards de dollars en 2023, soit une multiplication par plus de 4 en dix-sept ans, les États-Unis restent marginaux dans l’ensemble du commerce extérieur marocain. En effet, ils ne représentent pas plus de 3,3% des exportations marocaines et 7,4% de ses importations.

Contrairement à d’autres pays, le Royaume reste relativement à l’abri des répercussions directes des nouveaux droits de douane imposés par Trump. Toutefois, à un niveau plus global, l’onde de choc déclenchée par cette escalade vers une guerre commerciale mondiale pourrait bien finir par affecter son économie.

Effectivement, l’économie nationale est résolument tournée vers l’extérieur, avec des secteurs orientés vers l’exportation et intégrés dans les chaînes de valeur mondiales, à l’image de l’automobile, de l’aéronautique ou encore de l’électronique. Que ses principaux partenaires commerciaux, au premier rang desquels l’Union Européenne, choisissent eux aussi de se barricader serait lourd de conséquences pour notre économie.

De plus, selon plusieurs observateurs, cette action brutale de Trump risque de plonger l’économie mondiale en récession, les chutes des principales Bourses internationales et l’effondrement du cours du baril de pétrole en étant les premiers signes annonciateurs. Cela se traduirait par une contraction des marchés d’exportation des produits marocains, entraînant un recul des ventes et un affaiblissement des recettes en devises.

Dans ce climat d’incertitude, les investissements directs étrangers (IDE) pourraient aussi marquer le pas, les investisseurs étrangers adoptant une posture attentiste ou réorientant leurs capitaux vers d’autres zones. Une telle évolution risquerait de freiner la dynamique de croissance et de compromettre les perspectives de création d’emplois.

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