Inclusion financière : Le paradoxe marocain entre connectivité numérique et faible bancarisation

Malgré un taux de pénétration numérique élevé, le Maroc reste à la traîne en matière d’inclusion financière. D’après les dernières données du rapport Global Findex 2025 de la Banque Mondiale, seuls 44 % des adultes marocains disposent d’un compte bancaire ou d’un portefeuille électronique.

Le dernier rapport Global Findex publié ce mercredi par la Banque Mondiale met en lumière une situation préoccupante : le Maroc accuse un retard notable en matière d’inclusion financière. En 2025, seuls 44 % des adultes disposent d’un compte bancaire classique ou d’un portefeuille électronique. Ce taux est nettement inférieur à ceux enregistrés dans des pays comparables de la région, comme la Jordanie (66 %), l’Égypte (64 %) ou encore l’Algérie (51 %). Les champions du monde arabe en matière de bancarisation restent les Émirats Arabes Unis (88 %) et l’Arabie Saoudite (79 %).

Ces chiffres révèlent un décalage criant entre la disponibilité des outils numériques et leur usage effectif dans le système financier. En effet, le Maroc affiche un taux de possession de téléphones portables parmi les plus élevés de la région (90 %), devant l’Égypte (88 %), l’Algérie (85 %) et la Tunisie (84 %). De même, 65 % des Marocains utilisent Internet de manière régulière, ce qui le classe parmi les pays les plus connectés d’Afrique du Nord.
 

Un usage encore timide des services financiers numériques
 
Le rapport souligne également la faible utilisation des moyens de paiement digitaux au Maroc. Seuls 32 % des adultes déclarent avoir effectué ou reçu un paiement numérique au cours des douze derniers mois. À titre de comparaison, cette proportion atteint 50 % en Égypte et 57 % en Jordanie. Ce décalage met en évidence une fracture fonctionnelle entre la possession d’outils technologiques et leur intégration dans les habitudes financières quotidiennes.

La situation est encore plus préoccupante lorsqu’il s’agit d’épargne ou de crédit formel. À peine 6 % des Marocains déclarent épargner de l’argent auprès d’une institution financière, contre 17 % en Égypte et 15 % en Jordanie. Quant à l’emprunt, seulement 1 % des adultes ont contracté un crédit auprès d’un établissement financier formel. L’écrasante majorité continue de se tourner vers des circuits informels, principalement le cercle familial ou amical.
 

Une inclusion financière genrée et socialement inégalitaire
 
Le rapport de la Banque Mondiale met également en lumière l’écart persistant entre les hommes et les femmes dans l’accès aux services financiers dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). La différence atteint jusqu’à 15 points de pourcentage entre les sexes en ce qui concerne la détention d’un compte bancaire, ce qui représente l’un des plus grands écarts de genre à l’échelle mondiale. Bien que le document ne fournisse pas de chiffres précis pour le Maroc, les estimations disponibles laissent entendre que les femmes marocaines sont confrontées à des obstacles similaires.

Cette fracture genrée se superpose à une autre inégalité structurelle : l’accès limité des populations à faibles revenus aux services financiers formels. Le rapport insiste sur le fait que les politiques publiques actuelles, bien qu’orientées vers la numérisation et la modernisation de l’économie, ne parviennent pas à toucher efficacement les couches les plus marginalisées de la société.
 

Des pistes pour une stratégie inclusive et durable
 
Face à ces constats, la Banque Mondiale appelle à une refonte ciblée des politiques d’inclusion financière. Elle recommande au Maroc de renforcer l’éducation financière, d’étendre les services de paiement mobile à des coûts abordables et d’appuyer leur déploiement à travers des réseaux de distribution de proximité, notamment dans les zones rurales.

Le rapport suggère également de mettre en œuvre des dispositifs spécifiques en faveur des femmes et des ménages vulnérables, afin de combler les disparités persistantes et d’assurer une participation plus équitable au système financier.

Si le Maroc se distingue par son avancée technologique et sa connectivité numérique, le véritable défi reste celui de l’usage effectif des services financiers formels, condition essentielle pour une croissance inclusive et durable. Le Royaume est ainsi invité à transformer son potentiel digital en levier d’inclusion sociale et économique, en plaçant l’équité et l’accessibilité au cœur de sa stratégie financière.

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