Interview avec Abdellah Hajjab : Aux origines de la collecte des données GPS dans le football

Abdellah Hajjab, inventeur, a réussi à concevoir une technologie de collecte d’informations des entraînements de football par GPS. Il revient, dans cet entretien, sur cette expérience passionnante dont il révèle les détails inédits.

Vous gérez plusieurs entreprises à ce jour, en lien avec l’innovation et la collecte de données par GPS, pouvez-vous nous en dire plus ?
Je gère trois entreprises. Ce sont toutes des SARL AU, c’est-à-dire à associé unique. HJB Systems, que j’ai créée en 2011, fait du développement et met en place la base de la technologie, à savoir un GPS ultra-précis. HJB Technologies est l’entreprise qui a commencé à appliquer cette application dans différents domaines. Enfin, la HJB Holding s’occupe des licences.
  Vous avez développé une technologie applicable au football, comment fonctionne-t-elle ? Il s’agit d’une technologie que j’ai appelée BIPS, à savoir Ball Intelligent Position System. Il y a trois volets à cette technologie. Le premier est le referee-assist, c’est-à-dire un assistant d’arbitre. Pour ce qui du second, il est le match-analyse, dans lequel on passe en revue toutes les données relatives à une rencontre. Quant au troisième volet, il est le training-analyse. Ce dernier est le plus sophistiqué, il permet notamment au staff technique de mettre en application des tactiques en mettant à sa disposition un nombre important de données relatives aux positions des joueurs et à l’intensité de leurs efforts. Il est également personnalisable à chaque entraîneur souhaitant, par exemple, mettre en place une tactique défensive ou, au contraire, offensive.
  «J’ai présenté mon invention à Nasser Larguet, en 2016, il était agréablement surpris»   Pourquoi ne pas l’avoir mise en application ?
  J’ai développé cette technologie jusqu’à 2004, année à laquelle elle était prête pour la démonstration. D’ailleurs, j’en ai réalisé une à l’intention de Robert Sterckx, qui était alors le secrétaire général de la Jupiler Pro League, le championnat belge. Lorsque je lui ai exposé l’idée, dans son bureau, il était ébahi : « Nous n’avions jamais pensé à cela, c’est possible ? ». Mais malheureusement, il était encore un peu trop tôt peut-être pour lancer cette invention dans le milieu professionnel, peut-être n’était-elle pas assez mâture.

Par la suite, en 2006, j’ai fait une nouvelle démonstration du volet entraînement à Ariël Jacobs, qui était directeur sportif du club de Genk, avec également un capteur de fréquence cardiaque Polar et un émetteur GPS de la taille d’une carte bancaire fixé sur chaque joueur (aujourd’hui, cet émetteur est bien plus petit et pèse uniquement 20g contre presque 100 g à l’époque). Bien que la technologie ait impressionné, cela n’a pas abouti sur une application au marché. En 2016, j’ai présenté BIPS à Nasser Larguet, alors directeur technique de la Fédération royale marocaine de football, à Maâmora, qui était lui aussi agréablement surpris.
  Quelles peuvent être les applications à d’autres disciplines sportives ?
  Il est possible d’utiliser cette technologie, basée sur le GPS, avec un système de chronométrage précis au millième de seconde, au mononautisme de vitesse offshore, ou plus communément appelé la Formule 1 de bateau. Elle s’adapte d’autant plus aux bouées qui ne sont pas stationnaires, et qui bougent continuellement et légèrement, sans que ce ne soit visible à l’œil nu. Au niveau des disciplines pratiquées aux Jeux Olympiques, la technologie s’applique à tout ce qui est métrique. Pour le lancer de javelot, par exemple, le système peut indiquer en temps réel la position de la lance. En outre, il est possible de l’utiliser dans différentes courses : chevaux, chameaux, lévriers, etc.
Et en dehors du sport ? Je développe des technologies pour le domaine agricole, qui s’appuie aussi sur l’équipement de drones. Il est, dès lors, possible de tracer le bétail et d’éviter le vol grâce au GPS. Je développe également des technologies pour tout ce qui est logistique, pour la sécurité routière, le parking pay, le péage d’autoroutes. Au lieu d’une puce Jawaz, il serait possible d’équiper une automobile pour que son péage soit enregistré sans marquer d’arrêt, même à une vitesse de 120 km/h. J’ai aussi développé une technologie en rapport avec la gestion de l’eau des barrages.
  Quels sont vos projets professionnels en cours de maturation ?
Je suis en train de mettre à jour un programme de GPS qui s’applique au transport public. Mais il s’agit d’une technologie qui va prendre un peu de temps à se mettre en place et qui concerne les taxis. Cela permettra de prendre en charge les clients plus rapidement et d’avoir un système de traçage plus précis que celui utilisé actuellement par les VTC.
 

Recueillis par Rabei BENKIRAN

 

Biographie : Un inventeur autodidacte
​Abdellah Hajjab a atterri en Belgique avec sa famille à 8 ans, son père occupant un poste de souffleur de verre en CDI dans une usine. Il a appris le néerlandais et s’est adapté au style de vie de la Belgique flamande, à Boom. Après avoir sauté une classe, il a continué ses études au sein d’un lycée professionnel (mécanique, électro-mécanique, soudure, etc.). N’ayant pas réalisé d’études supérieures, il s’est formé seul, en autodidacte, aux technologies de pointes et notamment à la technologie du GPS.

Jusqu’à ses 23 ans, il a aidé financièrement sa famille, l’usine de son père ayant fermé ses portes. Il a travaillé en tant qu’électricien, plombier ou bricoleur, et a été pris sous l’aile d’un patron du bâtiment. Il a ensuite réalisé une formation dans la société de surveillance « SGS », faisant des contrôles de matériaux avec des tests non destructifs, et atteignant le niveau 2 d’expertise (sur 3 niveaux), puis il a travaillé dans la menuiserie pendant quelques années, créant sa propre entreprise et travaillant en collaboration avec son ancien patron. Après un vol de son matériel de travail en 1998, il s’est lancé dans la technologie du GPS, une idée qu’il avait mûrie depuis plusieurs années. De cette époque à aujourd’hui, d’importants investissements ont été effectués en développement et recherche, notamment pour fabriquer des prototypes et effectuer des tests. Grâce à cela, il a mis en place une technologie précise au centimètre près pouvant modéliser en trois dimensions et en temps réel des objets et des individus.

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