Auteure d’un ouvrage intitulé « Le médecin à l’ère de l’Intelligence Artificielle », Amal Bourquia, Professeure en néphrologie, explore l’impact de l’IA sur la médecine au Maroc. Entretien.
Avec cet ouvrage, avez-vous espoir d’influencer la façon dont l’IA sera perçue par la médecine au Maroc et la manière dont elle sera utilisée ? La publication d’un ouvrage rigoureux et contextualisé peut jouer un rôle déterminant dans l’évolution des mentalités médicales face à l’IA, et pour transformer la perception de l’IA en santé au Maroc. Dans un contexte où l’IA est souvent perçue comme abstraite, ou réservée aux grandes puissances technologiques, un tel livre peut démystifier ces technologies, en exposant clairement ce qu’elles sont, ce qu’elles ne sont pas, et comment elles peuvent devenir des outils au service du soin.
Pensez-vous que la relation entre le patient et son médecin puisse être altérée par l’influence de l’utilisation d’un outil comme l’IA ? L’introduction de l’IA dans le processus de soin peut profondément modifier la relation entre le patient et son médecin. Cette transformation peut se faire dans un sens positif ou négatif, selon la manière dont ces outils sont intégrés dans la pratique clinique. Lorsqu’ils sont mal utilisés ou placés au centre de l’interaction, les outils d’IA peuvent altérer la qualité du lien humain.
À quelles étapes de la consultation pourrait intervenir un tel outil ? L’IA peut intervenir à chaque étape de la consultation médicale : en amont (triage, préanalyse), pendant (aide au diagnostic, transcription, suggestions thérapeutiques), après (rédaction de comptes rendus, suivi personnalisé), et entre les consultations (prévention, rappels, coaching santé). Bien encadrée, elle offre un gain de temps, améliore la précision et renforce la personnalisation des soins. Mais ces outils ne doivent jamais remplacer la relation humaine. La technologie peut accompagner, mais non se substituer à l’écoute, à l’empathie et au discernement éthique. Quelle est, selon vous, la place de l’humain dans cette révolution technologique ? Pensez-vous qu’elle sera préservée ? Dans la révolution technologique actuelle, l’humain doit rester au cœur de la médecine. L’Intelligence Artificielle ne pourra jamais remplacer l’écoute, l’empathie et la compréhension du vécu du patient. Elle peut, cependant, devenir un allié puissant : en allégeant les tâches répétitives, en affinant les diagnostics, en soutenant les décisions complexes. À condition d’être pensée comme un outil au service de l’humain, et non comme un substitut. Préserver cette place humaine exige de repenser la formation des soignants, d’intégrer l’éthique dans la conception des outils, et de garantir que chaque innovation respecte la dignité du patient. Pour finir, quels sont les enjeux éthiques autour de l’utilisation de ce nouvel outil ? Les enjeux éthiques sont majeurs. Le médecin reste responsable des décisions prises, même avec l’IA. Les algorithmes doivent donc être transparents et explicables. Le respect du secret médical est essentiel face aux risques de fuite ou de mauvais usage des données. L’IA ne doit pas aggraver les inégalités ni reproduire des biais discriminants.