Le Dr Allan Pampa, Consultant en santé publique et Vice-président exécutif de Roche Diagnostics Afrique, alerte sur les dangers des hépatites B et C. À l’occasion de la Journée mondiale contre cette maladie, célébrée le 28 juillet, il insiste sur l’urgence d’une stratégie nationale de dépistage au Maroc.
Quels sont les bénéfices d’un dépistage précoce ?
Quelles sont les conséquences d’un dépistage tardif ?
Quelles sont les catégories jugées à risque ?
Quels sont les facteurs qui peuvent contribuer à déclencher une épidémie ?
Quel est le risque que la maladie devienne chronique ?
Depuis la Covid-19, les gens sont très méfiants vis-à-vis des campagnes de vaccination et de dépistage. Comment peuton assurer le succès d’une campagne nationale à grande échelle aujourd’hui ?
Anass MACHLOUKH
Cette journée rappelle que chacun mérite de connaître son statut hépatique et de se faire dépister, car l’hépatite est la deuxième cause infectieuse de mortalité dans le monde après la tuberculose.
Le Royaume a déjà connu deux épidémies simultanées d’hépatite, il y a seulement sept ans, soulignant la nécessité de rester vigilant. L’hépatite peut être traitée lorsqu’elle est détectée à temps, et certaines souches, notamment l’hépatite B, peuvent être évitées grâce à la vaccination.
L’hépatite est une inflammation du foie pouvant être causée par des virus ou d’autres facteurs non infectieux. Il existe cinq virus principaux : A, B, C, D et E. Les virus B et C sont particulièrement préoccupants car ils peuvent entraîner des infections chroniques touchant des centaines de millions de personnes dans le monde. Ces infections sont responsables de la majorité des cas de cirrhose, de cancer du foie et de décès liés à l’hépatite, et 354 millions de personnes vivent actuellement avec l’hépatite B ou C sans avoir accès au dépistage ni au traitement.
Au Maroc, les hépatites B et C sont qualifiées de « tueurs silencieux » car elles peuvent évoluer sans symptômes pendant plusieurs années, parfois des décennies.
Le CDC recommande un dépistage au moins une fois dans la vie pour ces virus, mais au Maroc, le dépistage reste volontaire et souvent négligé. Une étude menée par Roche a montré que 60 % de Marocains interrogés sont peu enclins à se faire dépister.
L’absence de dépistage et de traitement précoces entraîne des complications graves nécessitant des soins lourds, des hospitalisations prolongées, voire des greffes de foie, inaccessibles à la majorité des familles marocaines en raison de leur coût.
Un test de dépistage coûte entre 100 et 150 MAD, alors que le traitement des stades avancés peut coûter des dizaines de milliers de dirhams par patient et par an, mettant en péril la soutenabilité du système de santé.
Les principaux freins au dépistage incluent un manque de sensibilisation du grand public, la fausse croyance que seule une population « à risque » est concernée, la méconnaissance des modes de transmission (matériel médical non stérilisé, rasoirs partagés, transmission mère-enfant) et la stigmatisation entourant la maladie, particulièrement l’hépatite C.
La stigmatisation peut conduire des personnes suspectant une infection à éviter de se faire dépister par peur du jugement ou de la discrimination au sein de leur famille ou de leur communauté.
Le pays dispose déjà d’un Plan Stratégique National contre l’hépatite, mais l’intégration du dépistage dans tous les niveaux de soins et l’accès équitable aux outils diagnostiques restent des défis majeurs, en particulier dans les zones rurales.
L’utilisation de l’infrastructure existante (comme les équipements utilisés pour le suivi de la charge virale du VIH) pourrait permettre un dépistage multi-maladies (hépatites B et C, VIH, tuberculose, HPV), réduisant ainsi les coûts et améliorant l’accès dans les zones reculées.
L’exemple de l’Égypte démontre que la mobilisation d’un partenariat public-privé et un programme de dépistage massif peuvent conduire à des résultats spectaculaires, allant jusqu’à l’éradication de l’hépatite C (reconnaissance OMS « Gold Tier »). L’appel à l’action au Maroc est clair : se faire dépister est un geste simple, confidentiel et vital. Connaître son statut protège non seulement sa santé, mais aussi sa famille, sa communauté et contribue au développement national.