En marge de la cinquième édition du Congrès Mondial du Soufisme, le Dr Aziz El Kobaiti, président du Centre Académique International d’Études Soufies et Esthétiques, met en lumière le rôle essentiel des valeurs de l’Islam authentique dans la construction d’une paix mondiale. Dans cette interview, il propose des pistes de réflexion pour lutter contre l’extrémisme sous toutes ses formes.
– Le soufisme marocain a une Histoire ancienne. Son influence ne s’est pas arrêtée aux frontières du Royaume; elle s’est étendue vers l’Orient, et même jusqu’à l’Occident. Mais le soufisme ne se limite pas à une pratique religieuse ou à un courant spirituel, il joue aussi un rôle social, culturel, politique et diplomatique important. Il contribue à préserver la sécurité spirituelle du pays et sert, à l’international, les intérêts du Maroc dans un esprit de paix et de dialogue. C’est aussi une voie qui participe à la construction de l’être humain. Le soufisme rappelle que chaque individu porte en lui la responsabilité d’habiter la Terre avec justice, d’être utile à la société, et de porter les valeurs de miséricorde, de respect et de fraternité. C’est cette vision qui fait du soufisme marocain une richesse pour notre nation et pour l’humanité.
Le Congrès, que nous avons organisé, rassemble des participants venus de plus de 30 pays, principalement des penseurs et soufis d’élite, parmi lesquels figurent des présidents d’institutions académiques internationales, des cheikhs de confréries et des érudits renommés du monde entier. Ils se sont réunis, au Maroc, pour explorer cinq grands axes portant sur les différentes approches du soufisme, les méthodes de purification de l’âme, ainsi que la contribution du soufisme au progrès civilisationnel et à la réforme sociale et économique des nations islamiques. Cette rencontre revêt une importance particulière dans un contexte mondial marqué par les guerres, les tensions et les conflits. Elle répond à un besoin urgent qui est celui de se rassembler pour promouvoir la paix, l’amour et les valeurs islamiques de tolérance, fondées sur la purification de l’âme et la voie du salut.
– Quelle est la place des femmes dans le soufisme ? Sont-elles suffisamment représentées ?
– Les femmes ont toujours contribué à la diffusion de l’Islam. Aujourd’hui, encore, elles continuent de jouer ce rôle. Le soufisme se concentre sur l’âme, indépendamment du genre. La femme, par sa spiritualité, est particulièrement apte à s’élever dans les degrés de la perfection, tout comme l’homme. Au Maroc, les femmes ont joué un rôle de premier plan dans tous les domaines, y compris dans le soufisme. C’est pourquoi nous avons convié plusieurs femmes d’élite, issues de divers horizons, à prendre part à ce congrès afin de partager leur vision éclairée sur le rôle des femmes dans le soufisme, leur contribution à la production du savoir spirituel et intellectuel, ainsi qu’à la promotion de la paix dans le monde. Aux côtés de ces intervenantes remarquables, de nombreuses participantes, venues des quatre coins du globe, se sont également réunies pour assister à cette enclave dédiée au soufisme, marquant ainsi la richesse et la diversité de la présence féminine dans cet espace de réflexion et de spiritualité.
– Le thème « Science de la Purification : Édification de l’Homme et Préservation des Patries » semble résumer une vision profonde du rôle spirituel et social du soufisme. Pouvez-vous nous en donner un aperçu détaillé ?
– Ce thème s’inscrit dans la continuité d’une série d’événements initiés par le Centre Académique International d’Études Soufies et Esthétiques. L’objectif principal est de moraliser l’être humain en approfondissant la méthode de purification de l’âme, appelée « Tazkiyat an-Nafs » en arabe. Cette méthode vise à construire l’individu de l’intérieur, en lui permettant d’atteindre un équilibre spirituel profond. C’est cet équilibre qui rend la personne à la fois productive et engagée, capable de contribuer activement à l’édification de sa patrie et de sa nation. Par conséquent, le travail sur soi devient un levier pour instaurer la paix et la sécurité non seulement au niveau national, mais aussi à l’échelle de l’humanité tout entière.
Cette démarche s’inscrit, également, dans le cadre de l’Appel royal suprême de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste, qui insiste sur la nécessité de moraliser la vie publique. Cet objectif ne peut être atteint que par la moralisation de l’être humain, lui-même, ce qui suppose de suivre le modèle prophétique parfait. Ce modèle repose sur la purification intégrale de l’être, tant extérieurement qu’intérieurement, afin que chaque individu puisse être pleinement productif sur le plan matériel tout en maintenant son équilibre spirituel. Ce congrès ambitionne de promouvoir cette vision globale et profonde, en plaçant la transformation intérieure au cœur du développement personnel et collectif.
– Comment le soufisme peut-il aujourd’hui contribuer à réduire l’extrémisme ?
– Y a-t-il des programmes de réinsertion des détenus qui intègrent le soufisme comme outil d’accompagnement ?
– Nous avons développé un programme complet de purification et avons organisé une série de cours destinés aux détenus au Maroc, afin de les initier à l’éducation de leur esprit à travers le soufisme. Le véritable problème réside dans la perte d’identité et la confusion concernant le but de l’existence, des facteurs qui poussent certains individus à commettre des crimes. C’est pourquoi nous les aidons à redécouvrir un sens à leur vie et à travailler sur cette reconquête, tout en supervisant l’éducation de leur esprit.