À l’approche de l’été, le teint hâlé est plus que jamais recherché. Si le soleil reste le moyen naturel de bronzer, les cabines UV séduisent une clientèle de plus en plus large au Maroc. Une tendance qui gagne du terrain, souvent sans réelle conscience des dangers qu’elle implique. Le Dr Loubna El Machbouh, dermatologue, nous met en garde.
Le bronzage artificiel en cabine connaît un véritable essor, notamment en été. Tandis que certains en vantent les bienfaits, d’autres mettent en garde contre ses risques. Quel est votre avis à ce sujet ?
Le bronzage artificiel consiste à exposer la peau à des rayons ultraviolets, appelés rayons UVA, qui sont émis en très forte concentration par des lampes spéciales dans les cabines de bronzage. Ces rayons sont beaucoup plus puissants que ceux que vous recevez naturellement du soleil, ce qui rend cette exposition particulièrement agressive pour la peau.
Cette forte exposition aux rayons UVA augmente considérablement le risque de développer des cancers de la peau. Ce risque est particulièrement élevé chez les jeunes, dont la peau est plus sensible. En fait, plus vous commencez à utiliser des cabines de bronzage tôt dans la vie, plus le risque de cancer augmente.
En plus du risque de cancer, ces rayons UVA accélèrent le vieillissement prématuré de la peau. Ils cassent les fibres de collagène et d’élastine, qui sont importantes pour garder la peau ferme et souple. À cause de cela, la peau vieillit plus vite, avec l’apparition de rides, de ridules et un teint qui devient moins uniforme.
Le bronzage artificiel peut aussi provoquer des troubles pigmentaires. Cela signifie que des taches sombres ou irrégulières peuvent apparaître sur la peau, ce qui altère son apparence. Parfois, il y a aussi des brûlures, similaires à des coups de soleil, qui peuvent être très douloureuses et aggravent encore le risque de dommages cutanés. Ces rayons UVA peuvent aussi abîmer les yeux. Sans lunettes ou protections spécifiques, l’exposition peut entraîner des problèmes comme des inflammations ou des atteintes plus graves comme des cataractes.
Quels types de cancers de la peau sont les plus fréquemment associés au bronzage artificiel ?
Les cabines de bronzage sont fortement associées à un risque accru de plusieurs types de cancers de la peau. Parmi ceux-ci, le carcinome basocellulaire est le plus fréquent ; il se manifeste souvent par des lésions localisées, mais peut tout de même causer des dégâts importants s’il n’est pas traité. Par ailleurs, le carcinome spinocellulaire, bien que moins courant, est plus agressif et peut se propager plus rapidement dans l’organisme, rendant son traitement plus complexe.
Le risque le plus sérieux de ce bronzage artificiel, c’est le mélanome, un cancer de la peau très grave et parfois mortel. D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, faire une seule séance de bronzage artificiel avant 35 ans augmente de 75 % le risque de développer ce cancer. C’est un chiffre qui montre bien à quel point s’exposer tôt aux UV artificiels peut abîmer la peau et augmenter les chances d’avoir un cancer dangereux, donc les cabines de bronzage sont vraiment risquées, surtout pour les jeunes, et il faut faire très attention si on les utilise.
Est-ce que le bronzage naturel au soleil est une alternative moins risquée, ou c’est dangereux aussi ?
Oui, l’exposition au soleil reste la meilleure façon d’obtenir un bronzage naturel, mais cela doit toujours se faire avec beaucoup de précautions pour protéger la peau des effets néfastes. Il est essentiel d’utiliser une protection solaire élevée, idéalement un écran avec un facteur de protection SPF 50, qui aide à bloquer une grande partie des rayons UV responsables des coups de soleil et des dommages à long terme.
En plus de la crème solaire, il faut éviter de s’exposer entre 11 heures du matin et 16 heures, car c’est pendant ces heures que le soleil est le plus intense et donc le plus dangereux pour la peau. Porter des lunettes de soleil permet de protéger les yeux, qui peuvent aussi être endommagés par les UV, et un chapeau aide à protéger le visage et le cuir chevelu, des zones souvent exposées.
Il est important de rappeler que le bronzage ne doit jamais être un objectif en soi. Avoir bonne mine peut être agréable, mais il ne faut pas le rechercher au détriment de la santé de la peau. La peau, lorsqu’elle est exposée sans protection, peut subir des brûlures, un vieillissement prématuré et surtout un risque accru de développer des cancers cutanés. Protéger sa peau, c’est donc prendre soin d’elle sur le long terme, en adoptant de bonnes habitudes d’exposition solaire. Cela signifie s’hydrater, renouveler régulièrement l’application de la crème solaire, porter des vêtements protecteurs, et rester à l’ombre lorsque le soleil est trop fort.
Des campagnes de sensibilisation sont-elles nécessaires ou envisagées au Maroc, selon vous ?
Absolument, il est crucial de renforcer la sensibilisation autour des risques liés aux UV artificiels. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes utilisent les cabines de bronzage sans vraiment connaître les dangers qu’ils encourent. Ce manque d’information est un vrai problème de santé publique, car ces expositions peuvent entraîner des risques graves. Pour changer les comportements, il faudrait mettre en place une campagne nationale de sensibilisation forte, qui mobilise les dermatologues, les médias et les établissements scolaires.
Les dermatologues ont aussi un rôle clé à jouer en informant leurs patients sur les risques et en proposant des alternatives plus sûres. À long terme, cela pourrait sauver de nombreuses vies en diminuant l’incidence des cancers cutanés liés à une mauvaise exposition aux UV. Il est donc urgent d’agir ensemble pour mieux protéger la peau et la santé de tous.
Y a-t-il des contre-indications médicales formelles au bronzage artificiel ?
Le bronzage artificiel, que ce soit en cabine ou avec d’autres appareils, n’est pas sans risques et il existe plusieurs situations où il est formellement déconseillé, voire interdit. Tout d’abord, certaines maladies de la peau rendent la peau particulièrement sensible aux rayons ultraviolets. C’est le cas des photodermatoses, comme le lupus, la porphyrie ou le xeroderma pigmentosum. Ces affections provoquent une réaction anormale et souvent dangereuse à la lumière, qui peut aggraver la maladie ou entraîner des lésions cutanées graves. Dans ces cas, le bronzage artificiel est strictement contre-indiqué.
Ensuite, les personnes ayant une peau très claire, que l’on appelle les phototypes I et II, sont aussi fortement déconseillées de s’exposer aux UV artificiels. Ces phototypes brûlent facilement au soleil et ont un risque plus élevé de développer des cancers de la peau.
Par ailleurs, toute personne ayant des antécédents de cancer de la peau, ou présentant des grains de beauté atypiques, ou encore des lésions précancéreuses comme la kératose actinique, doit absolument éviter le bronzage artificiel. Ces conditions indiquent une peau déjà fragilisée ou à risque, et toute exposition supplémentaire aux UV peut aggraver la situation.
Chez les femmes enceintes, même si les risques sont moins bien documentés, il est recommandé de ne pas utiliser les cabines de bronzage par mesure de précaution, pour protéger la santé de la mère et du bébé.
De plus, certains médicaments augmentent la sensibilité de la peau aux UV. On parle alors de médicaments photosensibilisants. Il peut s’agir de certains antibiotiques, d’anti-inflammatoires, ou d’autres traitements. Sous traitement photosensibilisant, l’exposition aux UV artificiels peut provoquer des réactions cutanées sévères, comme des brûlures, des rougeurs ou des éruptions. Il est donc essentiel de vérifier avec un médecin ou un pharmacien avant d’envisager une séance de bronzage artificiel.
Il faut aussi souligner que les enfants de moins de 6 mois ne doivent jamais être exposés au soleil, encore moins aux UV artificiels. Leur peau est très fragile et immature, et l’exposition peut avoir des conséquences graves et durables.
Recueillis par
Mariem LEMRAJNI