Les défis de la gestion responsable des ressources hydriques sur le continent, l’accompagnement des Etats, le rôle de la jeunesse, son accession au poste prestigieux de Directeur Exécutif de l’Association Africaine de l’Eau et de l’Assainissement (AAEA), la tenue du 22ème Congrès international de cette Organisation, ainsi que la Journée internationale de l’eau, François Olivier Gosso dit tout dans cette interview exclusive. Explications.
En Afrique, l’eau et l’assainissement demeurent les fondements invisibles de la prospérité, de la paix et du développement durable. Dans un contexte marqué par les dérèglements climatiques, ils révèlent autant notre résilience que nos vulnérabilités, et appellent à une coopération panafricaine renforcée. Former et sensibiliser les jeunes, c’est bâtir une gouvernance de l’eau éclairée, au service des générations futures et d’un continent en pleine transformation.
Vous venez d’accéder à la direction exécutive de l’AAEA, que représente pour vous cette marque de confiance ?
Accéder à la direction exécutive de l’AAEA est un immense honneur et une marque de confiance qui m’engage pleinement au service de l’Organisation et de ses Membres. Certes, j’ai officiellement pris mes fonctions le 1ᵉʳ janvier 2024, mais il convient de souligner que mon engagement envers l’AAEA ne date pas d’aujourd’hui.J’ai eu l’honneur de présider le Conseil Scientifique et Technique (CST) de l’AAEA de 2014 à 2018, ce qui m’a permis d’approfondir ma connaissance des enjeux stratégiques du secteur. Par ailleurs, fort d’une expérience de plus d’un quart de siècle dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, notamment à travers les hautes responsabilités que j’ai assumées au sein de la Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire (SODECI), je mesure pleinement l’ampleur des défis et des attentes liés à cette fonction. C’est donc avec humilité, détermination et un profond sens du devoir que je m’engage à œuvrer pour le renforcement de la coopération entre les acteurs du secteur et pour le développement durable des services d’eau et d’assainissement en Afrique.
Quelles ont été vos actions prioritaires depuis votre prise de fonction ?
Depuis ma prise de fonction, mes actions prioritaires se sont articulées autour de plusieurs axes stratégiques afin de consolider le rayonnement et l’efficacité de l’AAEA. Tout d’abord, j’ai dû relever le défi majeur de l’organisation de trois Congrès en trois ans, de 2024 à 2026, en veillant à garantir leur succès tant sur le plan logistique que sur leur portée scientifique et institutionnelle.Par ailleurs, j’ai œuvré à la diversification des partenariats techniques et financiers, essentielle pour renforcer la reconnaissance et l’image de l’association à l’échelle internationale. Dans cette dynamique, l’un de mes objectifs majeurs a été d’accroître significativement le membership, en proposant une offre plus diversifiée et attractive aux membres, répondant aux attentes des différents acteurs du secteur.Enfin, le renforcement du plaidoyer institutionnel a constitué un axe clé de mon action, afin de positionner l’AAEA comme interlocuteur incontournable dans les grandes décisions et politiques liées à l’eau et à l’assainissement en Afrique.
Qu’en est-il des actions de l’AAEA en matière d’accompagnement des Etats dans la gestion et la recherche de solutions innovantes dans le domaine des ressources en eau ? L’AAEA joue un rôle clé dans l’accompagnement des États africains face aux défis croissants, liés à la gestion des ressources en eau, particulièrement dans un contexte marqué par les effets du changement climatique et la multiplicité des usages de cette ressource vitale.À cet effet, l’Association déploie des programmes de renforcement des capacités, aussi bien à destination des acteurs des collectivités que du milieu académique, afin de favoriser l’émergence de solutions innovantes adaptées aux réalités locales.Par ailleurs, sur le plan institutionnel, l’AAEA mène un plaidoyer actif auprès des gouvernements et des partenaires stratégiques afin que l’eau et l’assainissement figurent parmi les priorités majeures des politiques publiques, garantissant ainsi un engagement durable en faveur de la sécurité hydrique et du bien-être des populations africaines.
Quel rôle peut jouer la jeunesse africaine afin de relever les défis liés à cette denrée qui se fait de plus en plus rare dans beaucoup de régions ?
Depuis 2014, l’AAEA s’engage activement dans l’implication de la jeunesse africaine à travers un programme dédié aux jeunes professionnels de l’eau et de l’assainissement. Ce dispositif vise à renforcer leurs compétences et à encourager leur contribution à la recherche de solutions innovantes face aux défis croissants liés à la raréfaction des ressources hydriques. Grâce à l’attribution de bourses, de nombreux étudiants ont pu développer des approches pertinentes pour répondre aux problématiques actuelles du secteur. Par ailleurs, l’AAEA œuvre à garantir une transition générationnelle harmonieuse, en intégrant les jeunes talents dans les dynamiques institutionnelles et opérationnelles du secteur, afin de pérenniser l’expertise et assurer une gouvernance durable des ressources en eau et de l’assainissement en Afrique.
La satisfaction de l’objectif numéro 6 des ODD, qu’est l’accès universel à l’eau et à l’assainissement, est un grand défi mondial. Comment votre organisation s’y prépare-t-elle ?
L’atteinte de l’Objectif de Développement Durable n°6 constitue un défi majeur pour notre organisation, auquel nous répondons par une approche holistique qui conjugue innovation, financement pérenne et renforcement des capacités. Nous mettons à la disposition de nos membres des stratégies ambitieuses visant à optimiser l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, notamment par des investissements ciblés dans les infrastructures, la consolidation des partenariats public-privé et la promotion de solutions adaptées aux spécificités locales.En outre, nous œuvrons au renforcement de la gouvernance sectorielle à travers la formation des acteurs et l’accompagnement dans l’élaboration de cadres réglementaires efficients. Une attention particulière est également portée à la résilience face aux changements climatiques et à l’inclusion des populations vulnérables, afin de garantir un accès équitable et durable aux services essentiels.
Un mot sur vos partenariats à travers le continent ?
Nos partenariats à travers le continent sont au cœur de notre stratégie pour accélérer l’atteinte des Objectifs de Développement Durable liés à l’eau et à l’assainissement. Nous collaborons étroitement avec les institutions publiques, les opérateurs du secteur. Cette collaboration concerne également les organisations internationales, ainsi que le secteur privé et la société civile, afin de promouvoir des solutions innovantes, renforcer les capacités et mobiliser des financements durables. Grâce à ces synergies, nous favorisons le partage de bonnes pratiques, l’implémentation de projets structurants et l’adoption de cadres réglementaires adaptés aux réalités locales. Ces alliances nous permettent ainsi de répondre efficacement aux défis du secteur et de garantir un accès équitable et pérenne aux services essentiels sur tout le continent.
Naturellement, on ne peut terminer cet entretien sans parler du 22ème Congrès international et Exposition de l’AAEA, qui s’est déroulé courant février 2025 à Kampala, en Ouganda. Quelles ont été les principales recommandations issues de cette rencontre ?
Le 22ème Congrès International et Exposition de l’AAEA, qui s’est tenu sous le thème «Eau et assainissement pour tous : un avenir sécurisé pour l’Afrique», a rassemblé environ 2.200 participants de 67 pays, l’événement a favorisé les échanges sur les défis du secteur et présenté des innovations à travers 116 exposants. Il a également offert 58 sessions et plusieurs dialogues de haut niveau pour renforcer la coopération et le développement des services d’eau et d’assainissement.Les recommandations majeures issues de ce congrès soulignent la nécessité d’une approche résiliente face au changement climatique, s’appuyant sur une gestion optimisée des infrastructures et la préservation des écosystèmes. En matière de gestion de l’eau, l’adoption de cadres novateurs et l’alignement sur la Vision Africaine de l’Eau 2025 ainsi que l’Agenda 2063 ont été préconisés.S’agissant de l’assainissement, l’accent a été mis sur le développement de mécanismes de financement innovants et l’optimisation des infrastructures de traitement. Le renforcement des capacités requiert la mise en place de formations adaptées et la consolidation des partenariats stratégiques pour améliorer la performance des services.Sur le plan de la gouvernance et du financement, la réduction du déficit budgétaire passe par une efficacité opérationnelle accrue et une diversification des sources de financement domestiques. Enfin, la recherche et l’innovation doivent être stimulées par des investissements renforcés et la valorisation de solutions locales adaptées aux réalités africaines.