Les récentes précipitations ont-elles suffi à sauver la campagne agricole marocaine ? Pas si sûr, répond Mohamed Taher Sraïri, spécialiste des systèmes de polyculture/élevage et professeur à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II (IAV Hassan II). Dans cet entretien, il dresse un bilan alarmant de la situation et propose des pistes pour un avenir plus durable.
Cependant, la réalité sur le terrain est bien plus nuancée. Les principales régions céréalières, comme Abda, Doukkala, Chaouia, Zaër et Saïss ainsi que le Gharb, présentent un paysage peu réconfortant : des terres parfois encore nues, un couvert végétal déficient et des cultures en détresse. La conjonction de facteurs climatiques défavorables et de l’épisode d’inflation mondialisée accentue la vulnérabilité du secteur agricole et met en péril la production céréalière, pilier du système alimentaire national.
Le secteur fait face à des défis majeurs en raison des années successives de sécheresse, entraînant une baisse significative de la production, notamment pour les céréales pluviales. Quel bilan en tirez-vous ?
En effet, la production des fourrages pluviaux (avoine, orge, bersim, etc.) et la régénération des parcours naturels, essentiels à l’élevage, sont également compromises. Ce scénario pourrait même précipiter davantage la fin de l’autosuffisance du Maroc en matière de produits animaux : viandes rouges et produits laitiers.
Comment promouvoir une agriculture plus durable et résiliente face au changement climatique ?
Cela implique aussi de repenser les modes de gestion de l’eau dans la diversité de ses sources, donnant l’absolue priorité à la valorisation de la pluie. Il faut aussi cesser de considérer l’irrigation comme la solution au manque d’eau, les aides et l’appui technique devant davantage se focaliser sur l’agriculture pluviale.
De plus, le couplage systématique des cultures et de l’élevage doit redevenir des axes essentiels pour asseoir la souveraineté alimentaire du pays. Les enjeux sont donc réels et pressants : prôner des systèmes alimentaires durables tout en préservant les ressources naturelles et en œuvrant à créer des emplois durables dans les zones rurales.
En termes de recherche scientifique, quelles sont les nouvelles technologies (capteurs, drones, etc.) qui peuvent aider à optimiser l’utilisation de l’eau en agriculture ?
Evidemment, ce sont des programmes à établir sur le long terme, dans des approches inclusives impliquant les pouvoirs publics, les agriculteurs et les interprofessions qui les représentent ainsi que les institutions d’enseignement et de recherche agronomique. Ce sont des schémas de recherche sur plusieurs décennies. Il faut décliner ces schémas aussi dans la diversité des territoires agroécologiques dont regorge notre pays, à savoir : plaines atlantiques, piémonts, hautes montagnes, oasis, etc.
Quid des rôles des races locales en élevage ?
Pour cela, il est important d’assurer leur sauvegarde, en évitant de les impliquer dans des croisements systématiques avec des races importées. En outre, il faut penser à des programmes de sélection sur le long terme, afin de valoriser leurs atouts : faible poids, rusticité, aptitudes à résister au stress thermique et au manque d’aliments, etc. Comme je le mentionnais précédemment, ce doit être des programmes planifiés sur le long terme, et bénéficiant d’un appui systématique des pouvoirs publics (établissement de stations de recherche, de programmes de contrôle des performances, etc.), tout en impliquant les éleveurs concernés, bien entendu dans les territoires où ces races évoluent.
De manière plus générale, quel est le poids de l’agriculture et de l’élevage dans l’économie marocaine ?
Les bonnes performances du secteur agricole se répercutent positivement sur la croissance économique, sur la consommation des ménages et sur le moral de la population dans son ensemble. Inversement, les mauvaises campagnes agricoles, comme celles que nous avons connues ces dernières années, ont des conséquences néfastes sur l’ensemble de l’économie et peuvent générer un sentiment de pessimisme.
Safaa KSAANI
El Bouari a fait savoir que plusieurs mesures ont été mises en place pour soutenir la capacité de production des agriculteurs, particulièrement en matière d’approvisionnement en intrants tels que : les semences et les engrais, le développement des filières de production, la gestion de l’irrigation, l’assurance agricole et le financement.
Selon le responsable gouvernemental, ces mesures consistent à fournir 1,3 million de quintaux de semences certifiées pour les céréales à des prix relativement inférieurs à ceux de la campagne précédente, à subventionner pour la première fois. Il s’agit des semences certifiées des légumineuses alimentaires et fourragères (entre 20% et 26% du coût de production) et l’approvisionnement du marché national en engrais phosphatés (650.000 tonnes) aux mêmes prix que ceux de la campagne écoulée. Le ministre a également fait état de la poursuite du soutien à l’achat d’engrais azotés, qui concerne 200.000 tonnes, ainsi que du renforcement de l’assurance agricole à travers un nouveau système basé sur l’augmentation du capital assuré dans les zones favorables et l’instauration d’un régime d’assurance spécifique pour les autres zones.
À cet effet, il est prévu d’assurer 1 million d’hectares dans le cadre de l’assurance multirisque climatique pour les céréales, les légumineuses et les cultures oléagineuses, ainsi que 50.000 hectares dans le cadre de l’assurance multirisque pour les arbres fruitiers.