Interview avec Samya El Mousti : « Nous faisons front pour éviter l’abandon des enfants sinistrés »

Depuis sa création, SOS Villages d’Enfants Maroc œuvre pour accompagner les enfants privés de cadre familial jusqu’à leur pleine autonomie. Suite au séisme d’Al-Haouz, l’Association a redoublé d’efforts pour accueillir les nourrissons devenus orphelins. Aujourd’hui, Samya El Mousti, Directrice Nationale, annonce un projet ambitieux : la construction d’un sixième village à Dakhla, pour répondre aux besoins croissants des enfants vulnérables du Sud.

– SOS Villages d’Enfants Maroc œuvre depuis des années pour offrir un avenir meilleur aux enfants. Trois programmes structurent cet engagement. De quoi s’agit-il, et comment influencent-ils le quotidien des enfants ?

– Les programmes de SOS Villages d’Enfants Maroc sont pensés pour intervenir à différentes étapes du parcours des enfants privés de soutien familial, en situation de détresse ou de grande vulnérabilité. L’essence même de notre action réside dans le fait d’offrir un cadre familial à ceux qui en ont été privés. Mais notre engagement va plus loin : nous agissons en amont à travers un programme de renforcement familial pour prévenir les situations d’abandon, et nous accompagnons également les jeunes jusqu’à leur autonomie et leur insertion socio-professionnelle. C’est pourquoi notre prise en charge s’inscrit sur le long terme, avec une moyenne de 20 ans, afin de garantir que chaque enfant puisse, le moment venu, prendre son envol dans un environnement stable et épanouissant.

Par ailleurs, en tant qu’organisation profondément engagée, nous intervenons aussi dans des actions d’intérêt général et développons des programmes d’urgence adaptés aux besoins du moment. Ce fut le cas, notamment, lors du séisme d’Al-Hoceima, en 2004, ou plus récemment celui d’Al-Haouz, en 2023, où nous nous sommes mobilisés pour apporter une aide humanitaire multisectorielle aux familles touchées, tout en assurant la protection des enfants non accompagnés ou exposés au risque de perdre leur garde parentale.

– Quels sont les éléments pris en compte pour intégrer un enfant au programme de protection à long terme ?

– Nous collaborons étroitement avec les autorités locales et judiciaires pour identifier les enfants que nous accueillons dans nos Villages et que nous accompagnons tout au long de leur parcours. Notre approche repose sur le principe que chaque enfant, privé de soutien familial, mérite une éducation de qualité, un accès aux soins et aux loisirs, ainsi qu’un environnement affectueux et sécurisant pour grandir.

Nous accordons une attention particulière aux enfants de moins de six ans ne disposant d’aucun lien connu avec leur famille biologique. L’accueil se fait ensuite au cas par cas, en fonction des situations et des capacités d’accueil disponibles, avec une préparation assurée par nos équipes administratives et éducatives.

– Comment assurez-vous l’éducation de ces enfants sans soutien familial, tout en prenant en compte leurs problèmes psychologiques ?

– Les enfants que nous accompagnons poursuivent leur scolarité dans des conditions normales à l’école. Nous assurons un suivi régulier de leurs résultats scolaires ainsi que de leur santé physique et mentale. Nos spécialistes et psychologues interviennent selon des besoins spécifiques, avec une fréquence adaptée à chaque enfant. Chaque enfant est accueilli dans un foyer familial où il vit aux côtés de ses frères et sœurs de cœur, sous la responsabilité d’une mère SOS, soutenue par une assistante familiale (tante) et accompagnée par une équipe pédagogique composée d’éducateurs, d’assistantes sociales et d’animateurs.

– Comment s’investir dans des actions de solidarité pour venir en aide à cette catégorie d’enfants ?

– Nous avons la chance d’être soutenus par des partenaires fidèles et profondément engagés. Nous organisons régulièrement des événements solidaires, auxquels participent non seulement nos partenaires, mais aussi nos marraines et parrains, des personnes qui ont choisi de soutenir des enfants via un parrainage. Ces événements sont l’occasion de lever des fonds, mais aussi de partager avec notre communauté la vie de notre association. Nous restons ouverts à toute initiative solidaire, peu importe sa taille ou sa forme. Pour organiser ces actions, il suffit de nous contacter via notre site Internet ou nos réseaux sociaux, afin de les préparer selon nos procédures établies, garantissant ainsi la structuration de notre travail et la protection des enfants.

– Quels défis rencontrez-vous dans votre mission ?

– Comme toute organisation à vocation sociale, notre Association fait face à des défis financiers majeurs. Notre engagement repose sur des actions concrètes de qualité qui nécessitent des ressources humaines et matérielles importantes. Or, assurer un financement pérenne pour soutenir ces initiatives reste un défi constant. Nous devons sans cesse mobiliser des fonds pour couvrir nos charges opérationnelles, financer nos programmes et garantir l’impact de nos actions sur le terrain, d’autant plus que le nombre de bénéficiaires enfants augmente chaque année.

La recherche de financements diversifiés – subventions, mécénat, dons privés et partenariats – est donc un enjeu stratégique. Cela implique un travail de veille, de plaidoyer et de mise en valeur de notre impact pour convaincre nos partenaires et donateurs du bien-fondé de notre mission. Face à ces défis, nous croyons en la force de la solidarité et du réseau. Chaque soutien, qu’il soit financier ou humain, représente une pierre essentielle à l’édifice. 

– De quelle manière soutenez-vous le développement des talents pour les transformer en carrières durables ?

– Grâce à un suivi régulier, nous portons une attention particulière aux enfants présentant des talents spécifiques, afin de les aider à développer pleinement leur potentiel. Nous nous efforçons de mettre à leur disposition tous les moyens nécessaires pour qu’ils atteignent leurs objectifs. Aujourd’hui, plusieurs jeunes talents soutenus par l’Association ont réussi à faire carrière dans divers domaines tels que le sport, l’art, la musique et l’entrepreneuriat.

– Quel accompagnement avez-vous mis en place pour les enfants victimes du séisme d’Al-Haouz ?

– Deux périodes distinctes ont marqué notre intervention. La première a été un plan d’urgence mis en place immédiatement après le séisme, afin de recenser les besoins, répondre aux urgences, collecter des fonds, mobiliser les équipes. Cela a aussi concerné l’organisation des déplacements, le ravitaillement et la distribution, ainsi que l’accueil des enfants et bébés devenus orphelins.

La seconde phase, axée sur la « résilience » et la reconstruction à long terme, a impliqué le soutien aux enfants restés sans famille, la prise en charge des familles endeuillées, et la reconstruction des écoles détruites. Notre action continue, aujourd’hui, notamment à travers l’accompagnement psychosocial, éducatif, scolaire et en santé mentale des enfants, ainsi que l’autonomisation socio-économique des femmes, grâce au programme de renforcement familial.

– Soutenez-vous également les femmes en situation délicate au sein de l’association ?

– Grâce à notre programme de renforcement familial, nous intervenons auprès de femmes souvent seules et en situation de détresse, avec des enfants à charge. L’objectif est de les aider à sortir de cette précarité, afin de prévenir l’abandon et préserver l’unité familiale. Nous leur offrons un accompagnement en compétences parentales, un accès aux soins de santé pour les enfants et les mères, ainsi qu’un soutien pour l’accès à l’éducation des filles et des garçons, en prenant en charge les frais de scolarité, le matériel scolaire et le soutien académique. Par ailleurs, pour permettre aux mères de subvenir aux besoins de leurs familles, nous leur proposons des formations et des outils afin qu’elles puissent développer une activité génératrice de revenus.

– Quelles étapes doivent suivre les personnes désireuses de devenir bénévoles auprès de votre association ?

– Les personnes intéressées doivent contacter l’Association via ses différents canaux, tels que le site Internet et les réseaux sociaux, pour proposer leurs idées et coordonner avec les responsables. Il est essentiel que cette démarche soit structurée et concertée afin d’assurer son efficacité et ses bénéfices, tant pour les bénévoles que pour SOS Villages d’Enfants Maroc.

– Parlez-nous de votre projet en cours

– Notre projet phare, en cours, qui sera inauguré cette année, est notre sixième Village, actuellement en construction à Dakhla, le premier dans les Provinces du Sud. Nous nous engageons à étendre notre présence dans toutes les régions du Maroc pour répondre aux besoins croissants des enfants vulnérables à travers le pays. Cette nouvelle structure pourra accueillir près de 60 enfants dans une première phase et sera également ouverte à tous les enfants de la région, leur permettant de bénéficier des installations éducatives, artistiques et sportives.

À propos

Check Also

​El Jadida : L’INDH booste l’émancipation des femmes rurales

L’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) continue de tisser sa toile bienveillante en faveur …

Laisser un commentaire