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Interview avec Sonia Okacha : « Au cinéma, l’apprentissage est une bobine qui ne cesse de tourner »

Dans une tribune chaloupée depuis le coeur du Festival International du Cinéma d’Auteur, où se mêlent créativité et innovation cinématographique, Sonia Okacha, actrice et réalisatrice, nous livre son regard sur l’art du cinéma, entre scènes et sens. Avec la sensualité qui lui est propre, elle nous dévoile ses passions, ses goûts et sa vision d’un cinéma sans cesse en évolution.

En tant qu’invitée au Festival international du cinéma d’auteur, quels qualificatifs donneriez-vous à cette célébration cinématographique annuelle ? 
Ce festival est devenu un véritable rendez-vous incontournable dans le paysage cinématographique international. Il a su gagner en prestige, en envergure, en ampleur et en rayonnement au fil des années. Il y a quelques années, il était déjà prometteur, mais aujourd’hui, il a acquis une dimension internationale réelle, avec une programmation riche et diversifiée. 

La qualité des films projetés est remarquable, qu’il s’agisse de courts ou de longs métrages, offrant ainsi une sélection soignée qui permet de toucher un large éventail de spectateurs. Ce festival est un véritable carrefour où se croisent des talents émergents et des cinéastes confirmés, ce qui en fait un lieu de découverte et de mise en valeur des jeunes réalisateurs, ainsi que des cinéastes moins expérimentés. Il s’adresse également à un public jeune, ce qui est particulièrement intéressant, car cela favorise la transmission de l’art cinématographique aux nouvelles générations. C’est une manifestation qui propose une grande diversité de propositions artistiques, tout en offrant une plateforme d’expression et une vitrine précieuse pour tous ceux qui aspirent à faire entendre leur voix à travers le cinéma.

  Parlez-nous des masterclasses que vous animez pour les jeunes dans le domaine du cinéma ?

Oui, j’ai effectivement l’opportunité d’animer plusieurs masterclasses, où je me concentre sur des aspects essentiels du travail artistique au cinéma. Mes sessions abordent généralement trois grands axes : la prise de parole en public, l’incarnation d’un personnage et le travail sur le monologue. Ce sont des thèmes qui me tiennent particulièrement à cœur, car ils englobent des compétences fondamentales pour tout acteur ou artiste du cinéma. 

Lorsque je travaille sur la prise de parole en public, je mets l’accent sur la confiance en soi, l’art de capter l’attention et de gérer la présence scénique. C’est un aspect primordial, surtout pour les jeunes talents qui souhaitent se faire entendre et se démarquer dans un milieu souvent très exigeant. 

En ce qui concerne l’incarnation d’un personnage et le travail sur l’émotion, j’insiste sur l’importance de l’authenticité et de l’empathie dans la construction d’un rôle. Je les invite à se connecter profondément à leurs émotions et à leur corps, à occuper l’espace de manière organique, et, surtout, à lâcher prise pour laisser l’émotion se vivre pleinement, sans artifice. 

Pour moi, l’émotion est au cœur de tout, et sans elle, il est difficile de transmettre quelque chose de sincère au public. Enfin, le travail sur le monologue est un point essentiel de mes masterclasses. C’est un moment de vérité pour l’acteur, un instant où il doit se laisser aller dans une vérité intérieure.
 

Quels sont, d’après vous, les défis auxquels les jeunes réalisateurs et scénaristes marocains doivent faire face aujourd’hui pour se faire une place sur la scène internationale et comment les surmonter ?

Pour moi, le véritable défi auquel font face les jeunes réalisateurs et scénaristes marocains aujourd’hui, c’est de ne pas céder à la facilité. Avec l’évolution technologique, les possibilités sont quasi infinies : on peut désormais réaliser un film avec un simple téléphone. Mais, paradoxalement, cette démocratisation de la technologie ne doit pas nous faire oublier l’essentiel : la qualité du scénario et la profondeur des thématiques abordées. 

C’est là que réside, à mon avis, l’enjeu principal. Traiter des sujets qui résonnent de manière universelle est primordial si l’on veut vraiment que son travail dépasse les frontières et trouve une place sur la scène internationale. Le cinéma marocain, tout comme d’autres cinémas, a beaucoup de potentiel, mais il doit réussir à parler à un public plus large, tout en restant authentique et fidèle à sa culture. 

Aujourd’hui, il est certes plus difficile pour les jeunes talents de s’imposer et de se faire une place face à des générations de cinéastes établis et à un système qui peut parfois sembler assez fermé. Cependant, il y a de plus en plus de festivals qui jouent un rôle crucial en leur offrant une véritable vitrine pour leurs œuvres. Ces événements sont essentiels car ils permettent aux jeunes réalisateurs et scénaristes de se faire voir, d’entrer en contact avec des professionnels du milieu et d’élargir leur réseau, tout en mettant en lumière des films qui ont une réelle valeur artistique.
 

Quels sont les projets qui vous ont le plus inspirée tout au long de votre carrière et qui ont marqué votre vision du cinéma ?

Parmi ceux qui m’ont profondément marquée, il y a « La Chatte sur un toit brûlant », un film qui explore les complexités des relations humaines avec une intensité remarquable. Les films d’Elizabeth Taylor, notamment « Cléopâtre », m’ont aussi beaucoup influencée, non seulement pour la majesté de la production, mais aussi pour la puissance et la vulnérabilité des personnages qu’elle incarnait. J’ai également été touchée par les films de Charlie Chaplin, dont l’humour mêle à la fois tendresse et critique sociale, ainsi que par les comédies de Laurel et Hardy, dont la complicité et le comique de situation m’ont toujours fascinée.

En dehors de ces classiques, certains films plus contemporains ont également eu un grand impact sur moi, comme « Monster » avec Charlize Theron, qui m’a marquée par sa performance brute et intense. J’ai toujours eu une affinité particulière pour les films historiques, et « La Reine Margot » reste un souvenir marquant de par sa richesse visuelle et la profondeur de ses personnages. En général, ce sont surtout les films qui mettent en lumière des femmes fortes, inspirantes et profondément humaines qui m’ont le plus influencée.
 

Quel a été votre dernier coup de cœur cinématographique ?

Mon dernier coup de cœur cinématographique serait « Le Miracle du Saint Inconnu », que je considère comme un véritable petit bijou de comédie. Ce film m’a touchée par sa légèreté, son humour subtil et la profondeur des personnages qu’il dépeint. C’est un film qui réussit à allier émotion et rire, tout en abordant des thèmes universels avec beaucoup de finesse.
Il y a aussi un autre film qui me tient à cœur et que j’aimerais beaucoup voir : « Battle de Hormard, L’Autre Fille ». Je n’ai pas encore eu l’occasion de le découvrir, mais j’en ai entendu beaucoup de bien, et connaissant un peu le travail de Hormard, je suis convaincue qu’il a relevé le défi de nous offrir une comédie réussie.
 

On associe souvent votre nom au succès du film Zéro. Si un 2ème volet venait à voir le jour, seriez-vous partante pour y participer ?

C’est vrai que « Zéro » reste un film qui m’a profondément marquée, et il occupe une place spéciale dans ma filmographie, en tout cas au Maroc. C’est vraiment une œuvre qui a marqué les esprits, et qui a eu un impact énorme. Si un 2ème volet voyait le jour, je n’ hésiterais pas une seconde à y participer, car ce projet m’a laissé un souvenir impérissable. Il y a eu une véritable osmose entre tous les membres de l’équipe, qu’il s’agisse de Younes Bouab, Saïd Bey, Fatima Hernadi (Raouia), ou encore de tous les autres acteurs qui ont contribué à la réussite du film. 

Bien sûr, tout cela n’aurait pas été possible sans la direction exceptionnelle de Nour-Eddine Lakhmari, qui a su donner au film cette force, cette authenticité, et cette cohésion qui ont fait de « Zéro » une œuvre si marquante. Travailler sur ce projet a été un moment unique, et si l’opportunité d’une deuxième saison se présentait, je signerais sans hésiter. C’est vraiment un projet qui a marqué mon parcours, et j’aimerais pouvoir continuer cette aventure humaine et artistique avec toute cette équipe formidable.
 

Quels conseils pour encourager les jeunes créateurs à explorer de nouvelles voies ?

Le conseil que je donne toujours, et que je donnerais à toute personne qui débute dans ce métier, c’est d’oser. Il faut y aller, se lancer, sans avoir peur de l’échec ou du jugement des autres. C’est en agissant, en prenant des risques, qu’on apprend et qu’on grandit. Pour moi, on apprend souvent bien plus de ses échecs que de ses réussites, car ce sont eux qui nous poussent à nous remettre en question, à nous améliorer et à nous dépasser. Lorsque l’on est passionné, engagé et sérieux, avec une vraie volonté de travailler dur, la discipline étant un élément clé, il n’y a aucune raison que cela ne paye pas à long terme.

Je conseillerais également de se former continuellement, de se nourrir de culture, d’expériences, et de connaissances. Au cinéma, l’apprentissage est une bobine qui ne cesse de tourner. Il est essentiel d’avoir des références, mais aussi d’élargir son horizon en explorant différentes disciplines et en développant toutes les facettes de son potentiel personnel.

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