L’armée israélienne a frappé le quartier général militaire syrien après trois jours d’affrontements dans la ville druze de Soueïda, dont le bilan s’élève à près de 250 morts.
Les affrontements se poursuivaient mercredi dans cette ville du sud de la Syrie, jusque-là tenue par des combattants druzes locaux, où les forces du pouvoir islamiste syrien et leurs alliés se sont déployés mardi avec une claire volonté d’y étendre leur autorité.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), des témoins et des groupes druzes les ont accusés de nombreuses exactions, notamment des exécutions sommaires de civils et des pillages. Selon l’ONG, 248 personnes ont été tuées depuis le début des combats dimanche entre combattants druzes et tribus bédouines, qui ont provoqué l’intervention des forces gouvernementales aux côtés de ces dernières.
Civils druzes «exécutés»
La plupart des tués sont des combattants de deux bords ainsi que 28 civils druzes, dont «21 exécutés sommairement» par des membres des forces gouvernementales, selon l’OSDH.
Israël, qui occupe et a annexé une partie du plateau syrien du Golan, a répété ces derniers jours qu’il ne permettrait pas de présence militaire dans le sud de la Syrie, à proximité de leur frontière commune, et a menacé d’intensifier ses frappes menées depuis lundi si les forces syriennes ne se retiraient pas de cette région.
L’armée israélienne «augmentera l’intensité de ses réponses contre le régime si le message n’est pas compris», a déclaré le ministre de la Défense, Israël Katz, en exigeant du pouvoir syrien qu’il «laisse tranquilles» les Druzes de Soueïda. «Israël n’abandonnera pas les Druzes en Syrie et imposera la politique de démilitarisation» dans le sud du pays annoncée après la chute de l’ex-président syrien Bachar el-Assad en décembre, a affirmé le ministre.
Mettant ses menaces à exécution, l’armée israélienne a annoncé mercredi avoir frappé l’entrée du quartier général de l’armée syrienne à Damas.
Blessés à Damas
La télévision d’État syrienne a de son côté rapporté que deux personnes avaient été blessées dans le centre de la capitale, sans préciser l’emplacement exact des faits.
L’armée israélienne a également annoncé renforcer ses troupes à la frontière syrienne et dit avoir identifié des «dizaines de suspects» qui tentaient de franchir la frontière depuis la Syrie.
À Soueïda, où les autorités ont proclamé mardi un cessez-le-feu qui n’a pas été respecté, deux correspondants de l’AFP ont entendu mercredi des tirs intermittents et l’un d’eux a vu de la fumée s’élevant de plusieurs quartiers.
«Je suis au cœur de la ville de Soueïda, à côté du bâtiment du gouvernorat […], je ne pense pas sortir et de toute manière il n’y a aucune possibilité de fuir», a affirmé à l’AFP un habitant joint par téléphone. «S’ils arrivent ici, je suis mort. Des exécutions sommaires ont lieu dans les rues», a ajouté cet homme qui n’a pas dévoilé son identité.
«Sauvez Soueïda»
L’un des correspondants de l’AFP a vu mercredi matin une trentaine de corps gisant par terre, certains de membres des forces gouvernementales et d’autres de combattants en civil, sans pouvoir identifier leur appartenance. Un autre a vu des forces gouvernementales tirer des obus depuis l’une de leurs positions. Le site local Suwayda24 a rapporté «un violent bombardement à l’artillerie et au mortier» sur la ville et ses environs depuis l’aube.
Le Ministère syrien de la défense a affirmé que «des groupes hors-la-loi ont recommencé à attaquer les forces de l’armée et de la sécurité intérieure dans la ville», après la proclamation du cessez-le-feu. «L’armée continue de répondre aux sources de tirs dans la ville», a ajouté le Ministère, cité par l’agence officielle Sana, appelant les habitants à rester chez eux.
Mercredi, l’un des plus influents chefs religieux druzes, cheikh Hikmat al-Hejri, a lancé un appel au président américain, Donald Trump, au premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, «et à tous ceux qui ont une influence dans le monde». «Sauvez Soueïda», a-t-il dit, ajoutant: «Notre peuple est exterminé et tué de sang-froid.» Les principaux chefs religieux druzes ont des positions divergentes, et cheikh al-Hejri s’était démarqué mardi en appelant les combattants de cette minorité à ne pas déposer les armes.
La province de Soueïda abrite la plus importante communauté druze du pays, une minorité ésotérique issue de l’islam qui comptait quelque 700’000 membres en Syrie avant la guerre civile, et est aussi implantée au Liban et en Israël.
Ces violences illustrent les défis auxquels fait face le pouvoir intérimaire d’Ahmed al-Chareh depuis qu’il a renversé, avec une coalition de groupes rebelles sunnites, le président Bachar el-Assad en décembre, dans un pays meurtri par près de quatorze ans de guerre civile.