Jeter l’injustice à la mer !

Tout a été dit sur Israël, sauf l’essentiel :
 
Ce pays n’a jamais vraiment existé. C’est une fiction entretenue par la force et la mémoire blessée. C’est une construction idéologique et militaire. Ce n’est pas une nation née d’un processus organique. Il se proclame nation, mais dont l’assise repose sur une contradiction flagrante : bâtir un foyer en effaçant celui des autres. Or, ce qui naît de la négation ne peut s’épanouir qu’au prix d’une perpétuelle violence. Un pays qui ne parvient pas à se reconnaître lui-même ne supporte pas que les autres existent autour de lui. Sa présence est inséparable de l’absence qu’il impose.  Mais, comment un pays pourrait-il exister quand son existence repose sur la négation de celle des autres ?
 
Depuis un siècle et plus, ce qui dure n’est pas un peuple enraciné dans une terre, mais une occupation d’une terre, une domination sans fin. Une main qui s’empare, une armée qui colonise, une injustice qui se répète comme le ressac. Israël n’existe pas : il survit dans le vacarme de ses armes, il tremble sous le poids de ses propres fantômes. Comment un pays peut-il exister en tuant et en affamant les enfants d’un peuple voisin? 
 
Ce qui a pris racine, ce n’est pas un peuple dans une terre, mais un système de dépossession, une mécanique implacable de murs, de checkpoints, de cartes redessinées à coups de baïonnettes et de bulldozers. Là où d’autres voient une patrie, je ne distingue qu’une injustice érigée en principe fondateur.  Nul ne peut dormir tranquille lorsqu’il couche sa mémoire sur des ruines, nul État ne peut respirer quand ses murs étouffent la respiration d’autrui.
 
Israël n’existe pas comme État stable et souverain : il existe comme puissance coloniale, comme structure de domination. Ce qui persiste, c’est une mécanique : annexer, contrôler, tuer, affamer, bombarder, expulser. Israël vit dans la contradiction. Il proclame sa légitimité, mais il la sape lui-même en refusant celle des autres. Un tel État, hanté par sa propre mauvaise conscience, ne peut connaître la paix. Ne peut exister!
 
Dans son essence, Israël ne se défend pas d’un ennemi extérieur mais de ses propres spectres. Ses véritables adversaires ne sont pas les enfants de Gaza, mais la culpabilité de sa naissance. En réparant le mal nazi par le mal sioniste, en faisant de l’occupation de la Palestine une vengeance, l’a condamné dès l’origine. Depuis, la mauvaise conscience l’accompagne comme une ombre. Nul État, nul être humain, ne peut dormir paisiblement sur un lit d’expulsions, de ruines et de sang. Avec le sionisme, l’histoire se répète comme une blessure qui refuse de se refermer.
 
Gaza, et tous les Gaza qui l’ont précédé ne sont pas le théâtre d’une querelle entre deux peuples condamnés à la haine, ne sont pas des querelles entre frères, ni une haine atavique entre deux peuples. Ce récit est une illusion que l’on nous vend pour simplifier, pour travestir, pour masquer, pour détourner. La vérité est plus nue : il ne s’agit pas d’un conflit religieux, ni d’un duel ethnique, mais d’un affrontement entre l’occupant et l’occupé, entre la force et le droit, entre l’injustice et la dignité. Ce qui brûle là-bas, ce n’est pas la haine, c’est l’injustice. Elle seule, je la hais. Pas les hommes, pas les croyants, pas les incroyants, pas les peuples. L’injustice, oui, qu’il faut jeter à la mer comme une pierre maudite.
 
Dire « je ne hais pas les juifs » n’est pas une précaution rhétorique, mais une vérité fondamentale. Je ne hais pas les juifs. Je ne hais personne. La haine des hommes n’engendre que d’autres chaînes. Ce que je hais, ce que je rejette avec toute la force de ma pensée, c’est l’injustice. L’injustice comme une politique savamment planifiée. C’est elle, et elle seule, qu’il faudrait un jour, jeter à la mer pour espérer voir naître un monde plus juste.
 
Israël ne serait rien sans ceux qui l’ont rendu possible. Les puissances coloniales européennes, la Grande-Bretagne en premier lieu, ont ouvert la voie, instrumentalisant une terre pour en faire le théâtre d’un projet qui les dépassait. Puis, quand l’Europe s’est effacée, les États-Unis ont pris la relève, investissant Israël de leur puissance militaire, diplomatique et économique. Sans ce soutien massif, Israël n’aurait pas survécu dans un environnement qu’il s’acharne à rendre hostile. Il est moins une nation qu’un poste avancé, un relais stratégique de l’Occident au cœur du Moyen-Orient.  Sans ce soutien, Israël ne serait qu’un fragment de sable perdu dans le vent.
 
Gaza, loin d’être un simple champ de bataille, est le symbole de cette impasse. Il ne s’agit pas, contrairement au récit dominant, d’une haine ancestrale entre deux peuples. L’explication ethnique ou religieuse est une fiction commode. Ce qui est en jeu, c’est la justice et le droit international. Or, l’injustice ne se réduit pas à une erreur politique : elle est structurelle, inscrite dans le projet même d’Israël et renforcée par ses parrains occidentaux. Il n’existe pas comme un état, un pays. Il existe comme une aberration.
 
Au risque de me répéter, le problème n’est pas un peuple, mais une injustice. En Palestine elle prend une forme aiguë, systémique, paradigmatique. La résistance était de mise!
 
Devant tant d’injustice, la résistance palestinienne peut paraître, pour certains, comme une violence aveugle. Elle est un droit reconnu par les instances internationales. Le droit légitime d’un peuple refusant l’effacement. Elle est le prix terrible, payé en vies humaines, de la dignité préservée. Être Palestinien, dans le contexte de l’occupation sioniste, c’est incarner la résistance ; parler de Palestine, c’est parler d’espérance. La terre devient non seulement un enjeu géographique, mais un symbole : celui de la justice que l’on arrache aux puissants, de la mémoire qui refuse l’oubli.
 
La résistance palestinienne ne se nourrit pas de haine, mais d’une obstination à vivre, à rester debout, à défendre un sol, une maison, un olivier, un horizon. Elle est le cri d’un peuple qui refuse de disparaître, même au prix de dizaines de milliers de martyrs. Elle est l’ultime nom de la dignité humaine face à l’écrasement.
 
La résistance palestinienne est l’autre nom de la dignité, une parole debout face au vacarme de l’acier. Palestine, une terre à reprendre non seulement à l’occupant, mais à l’oubli. Une terre qui se lève chaque matin, même couverte de cendres, et qui proclame au monde : « L’injustice n’aura pas le dernier mot. »
 
Plus que jamais, dire « Palestinien », c’est dire résistance. Dire « Palestine », c’est dire espérance. Une terre à reprendre et à refaire non pas seulement géographiquement, mais spirituellement : une terre qui symbolise pour des millions de gens que l’injustice n’a pas le dernier mot, que la mémoire des humiliés peut encore se dresser face aux puissants, et que la justice, même lorsqu’elle semble enterrée sous les ruines, conserve le visage de l’avenir.
 
Mohamed Lotfi
 

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