Le 7 octobre, est-il entré dans l’Histoire sans frapper?

Avant le 7 octobre 2023, dans l’opinion publique mondiale, la question palestinienne semblait depuis longtemps reléguée aux oubliettes. Beaucoup la considéraient comme une cause perdue, une lutte effacée des radars médiatiques et politiques. Et un jour d’octobre 2023, elle a ressurgi avec une force inouïe, imposant sa présence à la face du monde. Cette résurgence s’est accompagnée du fracas assourdissant de milliers de tonnes de bombes déversées quotidiennement sur Gaza, tuant aveuglément et détruisant sans relâche.

Malgré les indignations internationales, les manifestations massives et les appels au cessez-le-feu, rien n’a pu enrayer cette mécanique de mort. À ce jour, les frappes du monstre colonial ont fait plus de 150 et 200 mille victimes, morts, blessés et disparus confondus. Une population entière a été déplacée, privée d’abri et réduite à la faim. Pour un temps, le carnage s’est ensuite étendu : les civils libanais devaient aussi payer à leur tour le prix des ambitions coloniales sionistes.
 
Les commémorations du 7 octobre 2024, puis de 2025, ont été marquées par de nombreuses analyses et publications soulignant que cette date restera celle de la “résurrection” de la question palestinienne. Le narratif dominant a rappelé que cet événement est « entré dans l’Histoire sans frapper » : sans avertissement, sans signes annonciateurs.
 
Pourtant, la vérité est autre. Pour chaque Palestinien, depuis 1948, chaque jour est un 7 octobre : chaque jour est une lutte, un acte de résistance face à la dépossession, à l’exil et à l’oppression. Cette résistance anticoloniale, inscrite dans la durée, finira tôt ou tard par porter ses fruits. En 1962, même les algériens ont fini par se libérer de la France qui les occupait depuis 1830.
 
Il y a plus de trente ans, mon père décrivait ainsi les Palestiniens :
 
« De toutes les populations arabes, les Palestiniens sont les plus instruits et les moins analphabètes. La Palestine n’est pas encore un pays, mais son peuple est le plus libre, le plus émancipé et le plus digne. »
 
C’est précisément parce qu’ils sont instruits, émancipés et porteurs d’un projet national moderne que les Palestiniens représentent une menace, non seulement pour Israël, mais aussi pour les régimes autoritaires de la région, à commencer par l’Arabie saoudite.
 
Dès sa création en 1964, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a inscrit dans sa charte les principes fondateurs d’un futur État palestinien démocratique et laïque. Deux principes qui s’opposent radicalement aux régimes avoisinants, dont les constitutions reposent sur la religion et le communautarisme. Israël lui-même, depuis sa création sur le sang et l’exil des Palestiniens, a fait d’une définition réductrice de la religion juive le socle de sa légitimité politique.
 
Quant au Hamas, s’il n’avait pas existé, Israël aurait eu tout intérêt à l’inventer. Il constitue l’ennemi idéal, celui qui permet de justifier à l’international les guerres, l’occupation et les massacres. Diabolisé dans les médias occidentaux dominants, souvent marqués par un biais pro-israélien (et son fameux droit de se défendre), le Hamas porte effectivement un défaut idéologique : celui d’utiliser l’islam politique comme fondement de sa résistance en rupture totale avec les principes fondateur de l’OLP.
 
Ce défaut ne doit cependant pas occulter une réalité essentielle : la résistance palestinienne ne commence pas le 7 octobre 2023 et ne se limite pas au Hamas. L’OLP elle-même a été longtemps qualifiée de terroriste, un qualificatif couramment employé par tout pouvoir colonial pour délégitimer les luttes d’émancipation. Tant que la Palestine ne sera pas un État libre et reconnu par le concert des nations, la résistance palestinienne continuera sous différentes formes. Et paradoxalement, chaque bombardement, chaque mort civile, chaque destruction donne à cette résistance une vitalité renouvelée.
 
À chaque enfant, chaque femme, chaque médecin ou civil palestinien tué ou mutilé, c’est Israël qui, moralement et politiquement, se rapproche un peu plus de sa propre fin. Et c’est aussi l’Occident, par son silence coupable, qui glisse vers un déclin moral profond.
 
Quant au Hamas et aux autres groupes armés de Gaza, l’Histoire les jugera mieux que quiconque, le jour où la Palestine sera libérée de l’obscurantisme sioniste et de ses complices.
 
L’Histoire avance avec une force souterraine que les stratégies diaboliques de petits hommes comme Trump et Netanyahou ne peuvent ni freiner ni détourner.
 
Je conclus avec ces vers du grand poète québécois Gilbert Langevin, qui résonnent puissamment aujourd’hui :
 
Que finisse le temps des victimes
Passe, passe le temps des abîmes
Il faut surtout pour faire un mort
Du sang, des nerfs et quelques os
 
Ce vent qui passe dans nos espaces
C’est le grand vent d’un long désir
Qui ne veut vraiment pas mourir
Avant d’avoir vu l’avenir
 
 
 
 

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