​Le e-dirham au Maroc : un levier systémique pour l’inclusion numérique, la formalisation du commerce informel et la lutte contre la corruption

Une introduction nécessaire : des arnaques à la souveraineté numérique
Dans un article antérieur, j’alertais sur la montée des escroqueries liées aux cryptomonnaies et à l’intelligence artificielle, en insistant sur la nécessité de promouvoir une alternative nationale sécurisée : le e-dirham. Le témoignage de victimes, la sophistication des fraudes basées sur l’IA, et la vulnérabilité des jeunes en quête de gain rapide y étaient analysés. Le e-dirham y était présenté comme la seule réponse légitime, structurée et souveraine à ces dérives.

Alors que Bank Al-Maghrib vient d’annoncer la réussite des premières expérimentations du e-dirham, une transformation profonde se dessine à l’horizon. Bien au-delà de la seule modernisation des paiements, le e-dirham incarne une ambition de souveraineté monétaire, mais aussi une opportunité unique pour repenser l’inclusion, la fiscalité, et la transparence dans notre économie.
 

Lever de frein technologique : la 5G comme socle numérique
Avec le lancement imminent de la 5G à partir de fin 2025 et un objectif de couverture de 70 à 85 % de la population d’ici 2030, le Maroc se dote d’un socle technologique puissant pour garantir la diffusion du e-dirham sur l’ensemble du territoire, y compris les zones rurales et montagneuses. Ce développement vient renforcer la stratégie Digital Morocco 2030, qui vise à créer les conditions techniques d’une économie numérique souveraine et inclusive.

Le e-dirham n’est ni une cryptomonnaie privée, ni une expérimentation hasardeuse : il est le fruit d’années de veille stratégique, d’études de faisabilité et de coopération avec des institutions comme la Banque mondiale et l’ABCA. Dans mon livre, je rappelais que la véritable innovation ne consiste pas à reproduire les modèles dominants, mais à créer des outils ancrés dans nos réalités socioéconomiques, porteurs d’un projet collectif.

Il s’inscrit dans un écosystème en construction, où le Maroc affirme une voie médiane : ni dépendance aux GAFAM, ni adhésion aux cryptos privées non régulées, mais une infrastructure souveraine, programmable et protectrice.

 

Inclusion numérique : un pont vers l’économie formelle
Aujourd’hui encore, plus de 50 % des Marocains évoluent dans une économie partiellement informelle. Des millions d’acteurs – marchands ambulants, artisans, travailleurs indépendants – sont exclus des circuits bancaires, donc du crédit, de la protection sociale et de la traçabilité.

Le e-dirham, grâce à une application mobile légère, une carte NFC ou une identification biométrique, peut offrir à chaque citoyen un portefeuille numérique sécurisé. Appuyé par la 5G, il devient un instrument d’inclusion monétaire, même dans les régions isolées.

Il ne s’agit pas seulement de bancariser. Il s’agit de reconnaître chaque citoyen comme un acteur légitime de l’économie numérique nationale, avec des droits et des devoirs. Cette inclusion est aussi éducative, sociale et culturelle.
 

Lutte contre le commerce informel : transparence incitative
Dans mon chapitre consacré à l’économie informelle, je souligne que cette dernière n’est pas une anomalie, mais une réponse à des rigidités institutionnelles. Le e-dirham peut devenir une interface douce de formalisation, respectueuse des dynamiques locales.

Par exemple :

– Un vendeur ambulant peut encaisser un paiement en e-dirham par QR code sans terminal bancaire.
– Il accède en échange à des droits sociaux, des aides ciblées ou du microcrédit.
– L’État dispose d’une visibilité partielle, progressive, et incitative pour adapter sa fiscalité.

Il s’agit de favoriser l’entrée volontaire dans l’économie formelle, sans brutalité ni stigmatisation. C’est le principe d’un contrat social numérique.
 

Gouvernance et corruption : transparence native et programmable
Le e-dirham ouvre la voie à des transactions traçables et programmables, rendues techniquement possibles grâce à l’infrastructure 5G. Cela permet de :
– Cibler les aides sociales selon la géolocalisation, la durée et la nature de la dépense.
– Allouer des budgets publics avec traçabilité automatique.
– Renforcer la transparence dans les flux financiers locaux et nationaux.

Ce que j’ai appelé dans mon livre un « contrôle distribué par la technologie » prend ici tout son sens : la confiance ne repose plus uniquement sur les intentions humaines, mais sur des architectures numériques auditées, partagées et sécurisées.
 

Conditions de réussite : confiance, pédagogie et cadre éthique
Pour réussir, le e-dirham doit être :
– Compréhensible : une communication claire en arabe dialectal et amazigh, via des vidéos pédagogiques, des chatbots accessibles, des relais communautaires.
– Sûr : un cadre juridique rigoureux, des garanties de cybersécurité, une gouvernance indépendante et transparente.
– Progressif : un déploiement en phases, avec retours d’expériences, intégration des usagers et adaptation des usages.

Le e-dirham n’est pas une utopie technocratique. Il est une réponse souveraine et systémique à des défis multiples : inclusion, informalité, corruption, confiance institutionnelle. Soutenu par l’infrastructure 5G, il devient un véritable instrument d’émancipation numérique.

Il redéfinit la relation entre le citoyen, l’État et l’argent dans une logique de transparence, de service et de dignité. À l’ère de l’IA et des données, le Maroc peut ainsi prouver qu’un autre numérique est possible : enraciné, inclusif et éthique.

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