Le cinéaste rend l’âme le 31 mars à l’âge de 86 ans. Un parcours palpitant marque une vie rythmée de persécutions, de censures et de succès. De « Coplan sauve sa peau » (1968) à « La Tribu » (1991), une vingtaine de longs-métrages content une certaine France. Pour la télévision, il signe également quelques chefs-d’œuvre. Morceaux vicieusement choisis.
Seznec, Dreyfus, Salengro…
Qualifié « cinéaste de gauche », Yves Boisset est un réalisateur-scénariste cogneur, s’inspirant de faits réels. Son dada, la dénonciation de « la bêtise, dont le racisme est une variante spécifique et chercher la vérité ». Vingt longs-métrages lui suffisent avant de quitter le cinéma (« La Tribu », 1991) pour s’attaquer à la télévision, toujours avec cette rage de dévoiler, de casser. « Je me suis efforcé de survivre en faisant des téléfilms qui étaient souvent des films traduisant des préoccupations sociales évidentes », se console-t-il. Pourtant, les récompenses pleuvent. Il signe en 1993 « L’Affaire Seznec », en 1995 « L’Affaire Dreyfus », en 1997 « Le Pantalon », en 2006 « Les Mystères sanglants de l’Ordre du temple solaire », en 2009, « L’Affaire Salengro ». Il publie ses Mémoires en 2011, « La Vie est un choix ». Il y accuse l’ex-ministre socialiste Michel Charasse d’avoir « diligenté un contrôle fiscal lors de la préparation d’un film gênant pour le président François Mitterrand sur le commerce des armes ». Boisset écope d’une condamnation pour diffamation. Le film n’est finalement jamais tourné. Le cinéaste-monteur marocain Allal Sahbi Bouchikhi se souvient de faits remontant au milieu des années 1970 : « J’ai eu le privilège de rencontrer Yves Boisset en 1975 à l’occasion de la sortie de son célèbre film ‘’Dupont la joie’’ grâce à un ami commun, le romancier et réalisateur, Jean- Pierre Bastide, co-scénariste du film et de ‘’L’Attentat’’ et qui me confiait le montage de ses téléfilms. On avait évoqué le réalisateur Souheil Ben Barka qu’il connaissait et qui venait de produire et de réaliser son deuxième film ‘’La guerre du pétrole n’aura pas lieu’’ -j’étais son assistant à l’époque. Il m’a dit : ‘’Tu as de la chance de travailler avec ce réalisateur qui a compris l’utilité et la fonction du cinéma. Vos pays ont besoin de ce type de réalisateurs ‘’engagés’’. Malheureusement, à la suite de ce film, Souheil n’a pas résisté à certaines pressions et a cédé au charme des sirènes du pouvoir. Ce qui nous a, peut-être, privés d’un Yves Boisset Marocain. » Le vrai Boisset, le Français, démarre sa carrière en assistant Jean-Pierre Melville ou encore Vittorio de Sica. Il dit, plus tard : « Le cinéma, c’est la vie. »