Le Maroc et l’Arabie Saoudite renforcent leur coopération économique à travers une mission industrielle de grande envergure, réunissant plus de 25 entreprises saoudiennes actuellement en prospection sur le territoire marocain. Cette initiative s’inscrit dans une logique de diversification des partenariats sud-sud, ciblant des filières à forte valeur ajoutée, dans un contexte de recomposition des chaînes de valeur mondiales et de régionalisation avancée.
Conduite par le président de la Fédération des Chambres saoudiennes, Hassan bin Mujeb Al-Huwaizi, cette délégation regroupe des entreprises opérant dans des secteurs industriels stratégiques : agroalimentaire, chimie, plasturgie, industries mécaniques, électriques et minières, ainsi que la transformation du papier et du carton. Ces segments constituent des gisements de croissance essentiels dans les feuilles de route industrielles des deux pays.
L’intérêt manifesté par les opérateurs saoudiens traduit une volonté de déploiement à l’international, dans un environnement où le Maroc, grâce à ses atouts logistiques, réglementaires et macroéconomiques, s’érige comme une plateforme industrielle compétitive aux portes de l’Afrique et de l’Europe.
Convergence industrielle : synergies de savoir-faire et de capital
La rencontre entre la délégation saoudienne et le ministre marocain de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a mis en évidence les complémentarités structurelles entre les deux économies. Le Maroc, fort d’un écosystème industriel en montée en gamme et d’un capital humain qualifié, constitue un point d’ancrage idéal pour des projets conjoints dans les filières ciblées.
Le secteur agroalimentaire, par exemple, représente une opportunité majeure de co-localisation industrielle, à la croisée des intérêts commerciaux, sécuritaires (souveraineté alimentaire) et géopolitiques (accès aux marchés subsahariens). De même, les industries mécaniques et électriques, renforcées par la stratégie d’intégration industrielle marocaine (ex : industrie automobile et ferroviaire), sont propices au transfert de technologies et à la création de valeur locale.
Mobilisation des financements pour catalyser l’investissement productif
Les échanges ont également porté sur la mobilisation des établissements financiers saoudiens pour soutenir les projets d’investissement conjoints. Le recours à des instruments de financement adaptés aux besoins du secteur industriel (fonds souverains, lignes de crédit bilatérales, facilités de garantie) est essentiel pour concrétiser ces ambitions.
À cet égard, le positionnement du Maroc en tant que hub financier régional, combiné à l’orientation stratégique du fonds public saoudien (PIF) vers l’Afrique, pourrait ouvrir la voie à des partenariats de co-financement pour des projets à haute intensité capitalistique.
Vers une gouvernance économique intégrée et multilatérale
Outre les aspects bilatéraux, la rencontre a été l’occasion de réaffirmer la volonté des deux Royaumes de renforcer leur ancrage dans les chaînes de valeur globales, notamment à travers une coordination accrue avec l’Union européenne et d’autres partenaires internationaux. Cela ouvre des perspectives nouvelles pour des alliances industrielles triangulaires, intégrant capital saoudien, savoir-faire marocain et débouchés européens ou africains.
Cette stratégie s’inscrit pleinement dans une logique de co-développement économique, en phase avec les grandes transitions en cours : réindustrialisation verte, digitalisation des processus, et intégration régionale.
Dynamique commerciale : des indicateurs en progression continue
Les données commerciales confirment cette dynamique ascendante. En 2024, le volume des échanges entre le Maroc et l’Arabie Saoudite a atteint 26,4 milliards de dirhams, contre 24,6 milliards en 2023, soit une hausse de 7,3 %. Les exportations marocaines ont progressé de 16,9 %, passant de 984 millions à 1,15 milliard de dirhams. Les importations en provenance du Royaume saoudien ont également crû, atteignant 24,8 milliards de dirhams.
Ces échanges sont encadrés par l’Accord de la Grande Zone Arabe de Libre-Échange (GAFTA), qui constitue un levier juridique structurant pour fluidifier les flux commerciaux et favoriser l’harmonisation des normes.
Un partenariat stratégique à l’aube de deux grands rendez-vous mondiaux
La perspective de la Coupe du monde 2030 au Maroc et celle de 2034 en Arabie Saoudite agit comme un catalyseur pour l’accélération des investissements dans les infrastructures, la logistique, le tourisme et les services à forte intensité de capital. Ces échéances mondiales offrent un terrain propice à la structuration de partenariats industriels multisectoriels, dans une logique de soft power économique et diplomatique.
Ce rapprochement stratégique devrait déboucher sur la mise en œuvre de projets industriels co-pilotés, intégrant production, logistique, distribution et innovation, dans une optique de co-création de valeur ajoutée régionale.