Les exportations marocaines vers l’Égypte devraient connaître un bond spectaculaire, passant de 755 millions de dirhams (MDH) actuellement à près de 5 milliards de dirhams (MMDH) d’ici 2027.
L’annonce a été faite, lundi, à la Chambre des Représentants, par le secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, Omar Hejira. Le Maroc s’apprête à cueillir 5 MMDH d’ici 2027, grâce à son nouveau deal avec l’Egypte. Répondant à une question orale sur l’état des discussions bilatérales autour de la promotion des exportations marocaines, Hejira a rappelé qu’une importante délégation, composée de plus de 40 chefs d’entreprises et exportateurs, s’était rendue en Égypte en fin de semaine dernière. Une visite fructueuse, marquée par plus de 200 rencontres B2B entre opérateurs économiques des deux pays, ayant permis la signature d’accords préliminaires en vue de leur concrétisation à plus grande échelle à court terme.
Conduite par Hassan Sentissi El Idrissi, président de la Confédération marocaine des exportateurs (ASMEX), la délégation avait mis en lumière l’intérêt croissant des acteurs égyptiens pour l’offre exportable marocaine. Plusieurs pistes de collaboration sont actuellement explorées dans des secteurs à fort potentiel, dont l’agroalimentaire, la chimie, le textile, la logistique intégrée, l’énergie, les chantiers navals, la transformation de l’aluminium et encore les produits d’hygiène. Sentissi insiste dans ce sens sur l’importance de bâtir des partenariats solides, équitables et tournés vers l’avenir, tout en appelant à une diversification conjointe vers les marchés africains et européens, notamment dans le cadre de la ZLECAf, en misant sur les complémentarités industrielles des deux pays.
Cette volonté d’aller de l’avant est partagée par le gouvernement. Lors de son intervention, Omar Hejira a rappelé l’objectif clair d’améliorer la balance commerciale maroco-égyptienne. Dans le secteur automobile, notamment, les exportations marocaines vers l’Égypte sont passées de 400 à 3.000 véhicules, avec des prévisions de 5.000 unités en 2025 et 8.000 à l’horizon 2026. Il a également salué un «modèle de coopération arabe», soulignant les liens historiques profonds entre Rabat et Le Caire, ainsi que leur convergence d’intérêts économiques. Cette dynamique est, selon lui, soutenue par la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui œuvre à renforcer les relations bilatérales pour un partenariat durable et mutuellement bénéfique.
Une relation rééquilibrée
Il faut dire que cette relance intervient dans un contexte tendu. L’Égypte avait jusqu’ici profité d’un déséquilibre fâcheux. Entre 2023 et 2024, ses exportations vers le Maroc ont presque doublé, atteignant environ 896 millions de dirhams, tandis que les exportations marocaines plafonnaient à seulement 52 millions de dollars. Un déséquilibre jugé préoccupant, aggravé par des barrières administratives pénalisantes du côté égyptien.
Pour y remédier, un accord en cinq mesures a été conclu, visant à lever les entraves logistiques et bureaucratiques qui freinent l’accès des produits marocains au marché égyptien. Parmi ces mesures, le déploiement d’un dispositif de “Fast Track” pour accélérer le traitement douanier des produits marocains, en particulier les véhicules. En effet, de nombreuses voitures marocaines restaient bloquées dans les ports égyptiens sans justification claire. Seuls les véhicules fabriqués à l’usine Somaca à Casablanca étaient autorisés, ceux de Tanger Med étant souvent écartés. À cela s’ajoutaient des pratiques douteuses, comme l’introduction au Maroc de produits chinois faussement étiquetés comme égyptiens. Selon Anas Abdoun, expert en géopolitique économique, ce type de protectionnisme «gris» est courant en Égypte, prenant la forme de retards administratifs, de blocages portuaires ou de normes contraignantes. Le mécanisme de “Fast Track”, bien que théorique pour l’instant, est censé limiter ces dérives et fluidifier les échanges.
Le libre-échange, un choix stratégique
Malgré ces tensions, le Maroc reste fermement engagé en faveur du libre-échange. Près de 77% de son commerce international s’effectue dans le cadre d’accords de libreéchange, qui constituent un levier important d’attraction des investissements directs étrangers (IDE). Plutôt que de remettre en cause cette ouverture, le Royaume mise sur le renforcement de la compétitivité de son offre exportable.
C’est dans cette optique qu’a été créée, en 2017, l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), chargée d’accompagner les entreprises à l’international. Interrogé à plusieurs reprises au Parlement, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, rappelle souvent que le taux de couverture du commerce extérieur marocain est passé de 50% à 60% en une décennie, signe d’une amélioration structurelle. Désormais, tous les efforts convergent vers la mise en œuvre d’une nouvelle feuille de route du commerce extérieur. Une stratégie ambitieuse, pensée pour muscler les exportateurs marocains dans un monde de plus en plus compétitif, et faire du Royaume un acteur incontournable des échanges intercontinentaux.
Rime TAYBOUTA
3 questions à Ahmed Nehad Abdellatif, ambassadeur d’Égypte au Maroc : « Il y a une forte volonté des deux gouvernements de lever tout obstacle entravant les échanges commerciaux »
Quelles sont les perspectives ouvertes par le mécanisme «Fast Track» pour le commerce bilatéral ?
Le mécanisme «Fast Track» s’inscrit dans un cadre de coopération plus large, visant à renforcer les relations économiques et commerciales entre le Maroc et l’Égypte dans une logique de partenariat gagnant-gagnant. Cette dynamique repose sur une forte volonté politique des deux gouvernements de lever tout obstacle entravant les échanges commerciaux. Plusieurs mesures ont été mises en œuvre pour concrétiser cette ambition. D’abord, la mise en place d’un système de communication direct et réactif entre les responsables commerciaux des deux pays, afin de traiter rapidement tout problème. Ensuite, le mécanisme «Fast Track» pour que les exportations vers l’Égypte soient traitées de manière accélérée.
Quels sont, selon vous, les secteurs phares du Maroc qui attirent particulièrement l’intérêt du gouvernement égyptien ?
Il ne s’agit pas uniquement d’un intérêt gouvernemental, mais également d’un fort engouement du secteur privé. Le Maroc a connu de belles réussites, notamment dans l’industrie automobile, avec une production annuelle de 700.000 véhicules, ainsi que dans les infrastructures. Ces réussites attirent naturellement l’attention de l’Égypte dans le cadre de la recherche de partenariats gagnant/gagnant. Le secteur du tourisme, qui est un domaine commun aux deux pays, suscite également beaucoup d’intérêt. De nombreux investisseurs égyptiens admirent l’expérience marocaine en matière de valorisation du patrimoine culturel qui est aussi une priorité pour l’Egypte. À ce titre, j’aimerais souligner l’inauguration prochaine du Grand Musée Égyptien, prévue pour le 3 juillet, qui deviendra le plus grand musée au monde consacré à une seule civilisation. Les secteurs de la logistique, des ports et du textile présentent eux aussi un potentiel considérable pour une coopération renforcée. J’aimerai aussi souligner l’intérêt que portent les fonds égyptiens dans le domaine du capital-risque et le fait que d’aucuns ont d’ores et déjà investi dans des startups marocaines.
Côté tourisme, l’Égypte reste une destination prisée par les Marocains. Y a-t-il des projets ou des mesures en cours pour renforcer le tourisme entre les deux pays ?
Le Maroc, devenu une plateforme de rencontres internationales et de conférences, attire de plus en plus de touristes et de visiteurs égyptiens. Si les liaisons aériennes sont déjà bonnes, il reste encore des efforts à faire en matière de promotion touristique dans les deux pays. Nous devons capitaliser sur les événements et les festivals pour encourager les échanges culturels, qui sont un puissant levier touristique. À l’ambassade, nous faisons tout notre possible pour traiter efficacement les demandes de visa pour les touristes et les visiteurs marocains.
Recueillis par R. T.