Les saisies de miels aphrodisiaques frelatés se multiplient, révélant un marché incontrôlé où des substances médicamenteuses sont ajoutées illégalement, mettant en danger la santé des consommateurs.
C’est un phénomène aux ramifications mondiales qui revient sous les projecteurs avec la multiplication des saisies, il y a quelques semaines en France, de produits connus comme «miel aphrodisiaque». Les douanes de l’Hexagone prennent le sujet très au sérieux, d’autant plus qu’il ne s’agit pas vraiment de «produits naturels» plus qu’il n’est question de dosettes contenant également des principes actifs de médicaments le plus souvent destinés à traiter les troubles de l’érection. Ces miels trafiqués sont vendus sur Internet et dans des commerces de proximité, promettant des effets immédiats et sans danger. Pourtant, les autorités sanitaires dénoncent des risques graves pour la santé, notamment des troubles cardiaques et neurologiques. L’ampleur des saisies – des dizaines de tonnes confisquées en 2024 – témoigne d’un marché en pleine expansion, porté par un marketing agressif. Si les dernières saisies en France semblent concerner des produits en provenance d’Asie, les produits similaires en provenance du Maroc, de la Tunisie ou de la Turquie sont également évoqués par les connaisseurs.
Effets secondaires
Alors que ces produits suscitent la polémique en Europe, le Maroc ne semble pas épargné par le phénomène. En 2017, déjà, des alertes avaient été lancées sur «des miels aphrodisiaques» vendus sous des noms évocateurs, souvent importés d’Asie. En l’absence de contrôles stricts, ces produits continuent d’inonder le marché, aussi bien dans les herboristeries que sur les plateformes de vente en ligne. Pour les consommateurs, le danger est d’autant plus grand que ces miels modifiés ne portent aucune mention de leur composition réelle, ce qui expose à des effets secondaires graves. «Contrairement aux médicaments normés, dosés d’une manière standardisée et maîtrisée, on ne sait jamais vraiment ce que ces miels contiennent. C’est donc se fier aux promesses de fournisseurs souvent à l’autre bout du monde, en introduisant dans l’organisme des mélanges qui peuvent présenter énormément de risques différents, surtout pour les personnes qui ont des conditions médicales déjà existantes», nous explique Dr Mahmoud Maanich, pharmacien en cours d’installation dans la région de Rabat.
Marketing du tabou
Si l’on retrouve des produits «aphrodisiaques» produits au Maroc (utilisant des plantes aromatiques et médicinales ou d’autres ingrédients naturels comme la gelée royale ou le miel d’Euphorbe), le marché des aphrodisiaques au Maroc demeure largement alimenté par des importations en provenance de Malaisie, de Thaïlande ou encore de Turquie. Ces pays sont connus pour la production et l’exportation de suppléments boostant la libido, souvent sans aucun contrôle strict. Cette offre massive crée une concurrence déloyale pour les producteurs locaux de miel, dont certains mettent en avant les véritables vertus thérapeutiques de leurs produits. L’argument du « miel aphrodisiaque » devient alors un levier marketing qui floute la frontière entre un miel naturel aux propriétés énergisantes et un produit transformé aux effets potentiellement dangereux. «Les personnes qui commercialisent ce genre de produit parient sur le fait que la question de la sexualité est souvent taboue et que les consommateurs potentiels préféreront consommer discrètement des produits de ce genre que d’aller consulter un médecin», explique pour sa part Dr Abderrazak Moussaïd, sexologue et fondateur de l’Association Marocaine de Sexologie.
Concurrence déloyale
De même, et pour les mêmes raisons, les impacts négatifs sur la santé de ces produits sont également difficiles à cerner et à comptabiliser, puisque les personnes concernées préféreront rester discrètes sur les causes probables d’un malaise causé par ces produits que d’avouer qu’elles en ont consommé. Face à l’ampleur du phénomène, certains pays ont renforcé leur arsenal législatif pour interdire ces produits ou sanctionner leur commercialisation illégale. Au Maroc, en dépit d’efforts notables des autorités sanitaires, le marché informel reste difficile à contrôler. Les producteurs de miels premiums au Maroc sont également impactés par le phénomène. «Nous produisons des miels composés uniquement de matières naturelles comme la gelée royale ou encore le pollen. Mais nous subissons la concurrence déloyale de produits qui se revendiquent comme naturels, alors qu’ils sont dangereux pour la santé», conclut Mustapha, gestionnaire d’une coopérative des produits de terroir dans la région du Grand Souss, qui appelle les autorités sanitaires «à multiplier les efforts pour protéger le marché national et la santé des Marocains ».
Quels sont les complications et les problèmes de santé que la consommation de ces produits peut causer ?
Quels conseils donneriez-vous aux consommateurs pour éviter les pièges de ces produits et privilégier une approche plus saine et sécurisée de la santé sexuelle ?
En 2023, le marché mondial des aphrodisiaques était estimé à plus de 23 milliards de dollars et devrait quasiment doubler d’ici 2032. Parmi les segments les plus dynamiques, les suppléments de santé sexuelle, notamment ceux à base d’ingrédients naturels, enregistrent une progression notable, portée par un intérêt grandissant pour les alternatives aux médicaments classiques. Cette évolution s’explique par plusieurs facteurs, notamment l’accès facilité à ces produits via le commerce en ligne. Le vieillissement de la population et la volonté d’améliorer la performance sexuelle participent également à cette tendance. Dans ce contexte, les compléments naturels comme la Maca, le TongkatAli ou le Ginseng gagnent en popularité, car ils sont perçus comme plus sûrs et sans effets secondaires majeurs. Cependant, cette croissance attire aussi des produits frelatés qui envahissent le marché, notamment les miels aphrodisiaques contenant des substances actives non déclarées, comme le Sildénafil ou le Tadalafil.