Dans un monde qui vit aux rythmes des perturbations climatiques, les populations sont de plus en plus menacées par les conséquences de ces changements. Des conséquences qui se manifestent par l’accélération des déplacements internes liés au climat autrement appelé « migration climatique interne ».
Ce constat est de plus en plus enregistré dans les pays vulnérables où la résilience économique fait face aux risques que représentent les conditions climatiques variables et instables. Dans ces pays, la migration climatique interne est tellement intense qu’elle est qualifiée d’exode climatique, dont le centre des « réfugiés climatiques ».
Dans le droit international, le mot « réfugié climatique » n’est pas encore officiellement reconnu comme étant un statut juridique, mais dans la réalité cette catégorie devient pressante avec des ramifications socio-économiques qui deviennent structurelles, nécessitant une action préventive, inclusive et territorialisée.
En pareil cas, le Maroc fait face aux changements climatiques, et est entrain d’en subir les premières conséquences : cumul des années de sécheresse, niveaux bas des barrages, vagues de chaleur de plus en plus fréquentes avec des pic de température, augmentation de la fréquence des feux de forêts…etc ; qui engendrent des pressions interliées: humaine et socio-économique, tant dans les zones rurales qu’urbaines.
Pour comprendre la première catégorie, il suffit de voir les chiffres publiés par le HCP[2] lors du dernier recensement de la population de 2024 révélant l’importance de l’exode rural qui ne cesse de s’accroitre. En effet, près de 2 millions de marocains ont quitté les campagnes au cours de la dernière décennie.
Une migration interne massive intimement liée aux conditions climatiques ayant dégradé le pouvoir économique des zones rurales tout en mettant en défit les différentes interventions publiques (plans et stratégies) déployées pour revitaliser l’économie rurale. Face à cette situation, peut-on parler de migration interne climatique au Maroc ou d’exode climatique ? la réponse est oui, compte tenu du lien de causalité entre les changements climatiques et l’exode rural dans notre pays.
La pression socio-économique quant à elle prend une dimension plus stratégique en lien avec la sécurité humaine, le développement urbain, la résilience économique, la stabilité et la cohésion sociale. En l’absence de politiques et d’actions anticipatives, la population déplacée (par force climatique) se retrouve dans un monde urbain et péri-urbain où l’informel avec ses différentes facettes est attractif et accessible : bidonvilles, emplois informels, trafic…etc, soient des contraintes renforcées au développement urbain et à la résilience économique.
En outre, ces mêmes contraintes sont aussi des menaces à la cohésion sociale et au développement humain avec l’apparition de sentiment de frustration et de disparités sociales, constatés aussi dans les zones rurales où la combinaison aléas climatiques, facteur humain, et vulnérabilités sociales devient un trilemme à haut risque (ex : cas de Zagora en 2017 en raison du faible accès à l’eau. Des zones de l’oriental où le climat et la fragilité socio-économique exercent une pression extrême sur la population).
Ces constats et bien d’autres confirment la nécessité d’adopter une approche de développement inclusif, intégré et territorialisée telle que cité dans le dernier discours royal de sa majesté Mohammed VI que dieu l’assiste, à l’occasion de la fête du trône :
« Nous appelons donc à passer des canevas classiques du développement social à une approche en termes de développement territorial intégré. »
Extrait du message royal du 29 juillet 2025
Une telle approche appliquée à la planification climatique, permettra d’assurer une transition juste et inclusive vers une économie verte, territorialisée et créatrice de valeurs à forts impacts dans le milieu rural et urbain. La planification climatique juste et anticipative, basée sur une approche multisectorielle, et portée par les territoires représente en effet la seule solution pour faire face à l’exode climatique et à la migration interne climatique au Maroc.
Une telle démarche doit capitaliser sur les actions et les investissements considérables mobilisés par le pays pour apporter des solutions, disparates, à différents niveaux : accès à l’eau potable avec le programme de dessalement et l’autoroute de l’eau, résilience du secteur agricole avec green generation, souveraineté énergétique avec la stratégie énergétique…etc, où la coordination et l’harmonisation restent à renforcer pour avoir un maximum d’efficacité et d’impacts réels.
La vision royale autour de l’économie verte comme levier de développement territorial (un des piliers du nouveau modèle de développement) et autour de l’approche de déploiement qui se doit d’être intégrée et territorialisée représentent une réelle ligne directrice pour la planification climatique du Maroc, d’autant plus que notre pays est à la veille de la validation de la nouvelle version de sa politique climatique à horizon 2035.
Renforcer la résilience climatique des régions et installer des systèmes économiques productifs, verts et territorialisés se présentent comme une urgence pour limiter la fuite climatique et économique vers les milieux urbains. La prise de conscience de cette urgence doit se traduire par des politiques climatiques territorialisées, juste et inclusive alimentant une politique climatique nationale, et un système de suivi et de veille de l’impact des changements climatiques sur l’économie nationale et la mobilité des populations en particulier.
De telles politiques doivent soulever le défi de gouvernance en permettant aux politiques publiques de s’adapter aux réalités climatiques et migratoires, en se focalisant sur le facteur humain avec une préparation des jeunes générations rurales aux métiers verts à travers des formations en lien avec l’adaptation aux changements climatiques, afin de valoriser et de renforcer l’ancrage du savoir-faire local au service d’une diversification économique des territoires ruraux et in fine le maintien des populations rurales sur leur territoire.
De ce fait, une des premières politiques devant intégrer les changements climatiques est celle de la formation et de l’emploi, non pas à travers des projets éphémères portés par des partenaires internationaux dont l’objectif est de combler un vide stratégique en lien avec l’économie verte, mais plutôt une action structurée, profondément intégrée dans la planification stratégique de la formation et de l’emploi. Cette dernière doit considérer l’économie verte comme un secteur transversal appliqué à tous les autres secteurs économiques, qui offre des opportunités territoriales d’emplois verts et de croissance économique.
Par ailleurs, l’aboutissement de cette action est conditionné par une convergence anticipative de toutes les autres politiques publiques et sectorielles notamment agricole, industrielle et économique.
L’exercice revêt d’une complexité certaine mais nécessaire. En effet, et au-delà des conceptions traditionnelles, la justice et l’équité climatique pour notre pays se présentent comme des leviers structurels et non pas conjoncturels pour limiter les déplacements internes des populations rurales, développer les territoires et sauvegarder les acquis économiques pour une résilience économique plus durable et un Maroc à une même et seule vitesse.