​Nouvelle géographie et 13ᵉ région : un appel à l’inclusion

À Monsieur Abdeljalil Lahjomri, secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, et à l’équipe de “Nouvelle Géographie du Maroc”, dirigée par le professeur Mohamed Berriane : je vous adresse mes plus vifs remerciements pour cette œuvre magistrale de plus de 1 113 pages, en 50 chapitres répartis sur trois volumes, qui décortique les mutations socio-spatiales du Maroc contemporain.

Croisement des analyses : mutations internes & diaspora

1. Espaces métropolitains et mobilités

Lahjomri et Berriane soulignent l’accélération de l’urbanisation, entraînant une métropolisation croissante (Casablanca‑Settat, Rabat, Tanger…) et des déséquilibres territoriaux marqués. Mon dernier ouvrage complète cette analyse en soulignant le rôle de la diaspora, moteur de mobilité multidirectionnelle entre l’étranger et la mère-patrie. Les Marocains du monde injectent des dynamiques financières, identitaires, et culturelles qui irriguent aussi bien les centres urbains que les territoires ruraux.

2. Transition énergétique, industrie, infrastructures

Les chapitres sur les réorganisations industrielles et énergétiques portent un regard essentiel sur les nouveaux corridors territoriaux liés aux infrastructures. J’y ajoute la perspective diasporique : investissements directs extérieurs, expertise d’ingénieurs émigrés, appui à l’innovation… ces influences transnationales sont des atouts stratégiques pour booster la transition énergétique et l’industrialisation.

3. Ruralité et recompositions agricoles

Le livre met en avant la mutation agricole et rurale, notamment l’exploitation des nouvelles filières et le développement durable. J’apporte un éclairage supplémentaire : les transferts financiers des Marocains de l’étranger et leur implication dans le développement local participent activement à ces transformations rurales.

4. Tourisme, patrimoine, régionalisation

La trilogie s’attarde sur les régionalismes historiques et les potentiels touristiques, documentés à travers les 12 régions. J’y ajoute l’angle diasporique : le tourisme de retour, le lien émotionnel à la région d’origine, la redécouverte des racines… ces dynamiques renforcent les stratégies régionales de développement touristique.

Où est la 13ᵉ région ?

Permettez-moi, avec respect, d’exprimer un regret : l’absence de la “13ᵉ région”, autrement dit les Marocains du monde, absente de l’architecture territoriale proposée. Or, nous sommes aujourd’hui plus de 5 millions, figure confirmée par diverses sources.

La diaspora représente plus de 10 % de la population, avec une forte présence en Europe (France : ~1,1 M ; Espagne : ~1 M ; Italie, Belgique, Pays‑Bas, Allemagne…), sans compter les communautés en Amérique du Nord, au Moyen‑Orient et en Afrique.

Pourquoi instituer la 13ᵉ région ?

Visibilité accrue : concrétiser la reconnaissance juridique, institutionnelle et symbolique de notre contribution.

Réflexion stratégique : intégrer la diaspora dans les politiques publiques.

Territorialité élargie : penser le Maroc au-delà de ses frontières géographiques.

Renforcement du développement : mobiliser les compétences et les ressources des Marocains du monde.

Vers une géographie intégrative et systémique

Dans mon ouvrage “L’intelligence artificielle au Maroc – Souveraineté, inclusion et transformation systémique”, j’ai plaidé pour une approche systémique et inclusive du développement, dans laquelle le territoire n’est pas seulement un espace géographique, mais une construction politique, cognitive et affective. Dans cette logique, la 13ᵉ région – celle des Marocains du monde – n’est pas un simple prolongement démographique du Maroc, mais une extension vivante de sa souveraineté culturelle, économique et intellectuelle.

Une région connectée, contributive et stratégique

Cette 13ᵉ région n’est pas figée dans un découpage spatial classique. Elle est :

Connectée : présente sur tous les continents, interagissant avec le Maroc via le digital, les transferts, la culture et l’innovation.

Contributive : chaque année, elle injecte près de 100 milliards de dirhams dans l’économie nationale.

Stratégique : la diaspora devient un levier de rayonnement global, d’influence, et de transformation locale.

Une géographie de l’attachement

Ce que je propose ici n’est pas une simple revendication de reconnaissance administrative. C’est une reconnaissance de l’attachement, de cette forme de loyauté silencieuse que des millions de Marocains de l’étranger continuent de nourrir envers leur pays d’origine.

La géographie contemporaine repose sur des dynamiques d’aménagement, de production de l’espace et de transformation sociale. J’invite respectueusement les auteurs à y intégrer aussi une géographie de l’attachement.

Une cartographie à réinventer

Cette 13ᵉ région ne se dessine pas par des frontières, mais par des flux d’échange, de savoir, de culture et de valeurs. En tant qu’artiste, j’ai tenté de représenter cette fluidité dans mes œuvres, notamment dans celles intégrées à mon livre.

Vers une refondation du lien national

En intégrant cette dimension diasporique à l’analyse géographique, nous pouvons :
Réactiver un lien national plus équitable,
Repenser les formes de participation citoyenne,
Nourrir une diplomatie sociale et culturelle portée par les compétences de la diaspora.

Appel à une 2ᵉ édition enrichie

Je souhaite qu’une seconde édition de cette “Nouvelle Géographie du Maroc” vienne bientôt compléter cette œuvre majeure. Avec, pourquoi pas, un volume dédié à la 13ᵉ région.

Dernier mot

Penser le Maroc, c’est aussi penser les Marocains, où qu’ils soient. Penser son territoire, c’est penser ses prolongements vivants, y compris ceux qui vivent loin mais rêvent proche.