Donald Trump ne semble pas être un homme à s’embarrasser des détails, ni à se projeter dans un avenir trop lointain, même s’il estime, non sans raison d’espérer, avoir posé avec l’accord sur Gaza les jalons d’un « nouveau Moyen-Orient ».
« Je ne parle pas d’un seul Etat, de double Etat ou de deux Etats. Nous parlons de la reconstruction de Gaza », a-t-il ajouté, repoussant ce débat à plus tard.
De retour à la Maison Blanche mardi, il s’est attaché au service après-vente, exhortant le Hamas à restituer tous les corps des otages décédés à Gaza, et promettant de « désarmer » le mouvement islamiste palestinien, s’il ne le faisait pas de lui-même, comme prévu dans le cadre de son plan pour mettre fin à la guerre.
Avec les dirigeants d’Egypte, du Qatar et de Turquie, Donald Trump a signé lundi une déclaration sur Gaza, où ils se sont engagés à « poursuivre une vision de paix » au Moyen-Orient.
Malgré ces complexités, « à bien des égards, la partie facile est celle qui vient d’être accomplie », relève Mona Yacoubian, du Center for Strategic and International Studies (CSIS), évoquant la première phase de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
« Mais ce qui serait nécessaire pour faire évoluer ce conflit vers un paradigme différent et le mener vers une résolution demandera bien plus que les détails très vagues présentés dans le plan », ajoute-t-elle.
Même mise en garde de Ghaith al-Omari, ancien conseiller des négociateurs palestiniens lors des pourparlers de Camp David sous l’ancien président Bill Clinton, selon qui « Trump a un très bon instinct en matière de timing et d’opportunités ».
Mais « je serai très sceptique si nous constatons le même niveau d’engagement que celui observé ces dernières semaines », dit cet expert du Washington Institute for Near East Policy.
Il s’interroge par ailleurs sur la capacité des dirigeants actuels à changer la donne, notamment le président palestinien Mahmoud Abbas, 89 ans, « trop discrédité ».
Le plan évoque bien la possibilité d' »ouvrir une voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un Etat palestinien, que nous reconnaissons comme l’aspiration du peuple palestinien », mais il reste très vague.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu y est farouchement opposé et a violemment dénoncé les pays, dont la France, qui ont récemment reconnu un Etat de Palestine.
Quant à la Cisjordanie occupée, le sujet est peu abordé.
« Ce sera un défi de taille pour les garants de voir s’ils peuvent maintenir le cessez-le-feu, mais aussi une question sur laquelle personne ne s’est vraiment penché, car nous sommes tous naturellement concentrés sur Gaza: la situation en Cisjordanie peut-elle rester stable ou allons-nous assister à un effondrement ? », se demande Ghaith al-Omari.
Or, selon le président français Emmanuel Macron, « l’accélération de la construction des colonies (juives) en Cisjordanie constitue une menace existentielle pour l’Etat de Palestine ».
Selon l’ONG Addameer qui accompagne les prisonniers palestiniens, des centaines de détenus originaires de Gaza resteraient encore incarcérés en Israël, sous le statut opaque prévu par la loi sur les «combattants illégaux».
L’armée israélienne a libéré 1.700 Gazaouis arrêtés en marge de ses opérations militaires après le 7-Octobre. C’est à peine la moitié de ces détenus: «Malheureusement, à ce jour, nous ne connaissons pas le nombre exact de détenus originaires de Gaza. Mais nous pensons qu’ils se comptent par milliers dans les prisons, et la plupart sont des civils soumis à la loi sur les « combattants illégaux »».
Le comité des Nations unies contre la torture a plusieurs fois rappelé aux autorités israéliennes d’abroger cette pratique administrative opaque qui permet à l’armée de renouveler à l’infini les périodes de détention: «Il n’y a aucune procédure légale. L’avocat ne peut pas défendre le prisonnier ou le détenu, car il ne sait rien de son dossier. Il n’y a aucune accusation portée contre lui, parce qu’ils imposent des mesures punitives contre les civils».
Un système qui permettrait de perdre complètement la trace de ces prisonniers. «Déporter un détenu d’un territoire occupé, vers le territoire de l’occupant, c’est un crime de guerre. Ils commettent des disparitions forcées à l’encontre des détenus originaires de Gaza. Nous sommes dans l’impossibilité de localiser les détenus palestiniens dans la bande de Gaza».
Beaucoup de ces détenus sont passés entre les murs du centre clandestin de Sde Teiman, situé à quelques kilomètres de la bande de Gaza, et où des dizaines de Palestiniens sont décédés des suites des mauvais traitements infligés, selon des sources militaires israéliennes.