La Direction Générale de la Météorologie (DGM) a dévoilé, ce Vendredi 20 juin, son rapport annuel « État du climat au Maroc en 2024 », en présence de Nizar Baraka, Ministre de l’Équipement et de l’Eau. Ce rapport indique que 2024 constitue l’année la plus chaude jamais enregistrée au Maroc.
Au terme de cette rencontre, Mohamed Dkhissi, directeur général de la Météorologie Nationale, a rappelé que l’année 2024 s’est caractérisée par une hausse légère de température moyenne nationale de +1,49 °C par rapport à la normale climatologique de la période 1991-2020, contre une moyenne de +0,67 °C à l’échelle mondiale. Ce record historique s’inscrit dans la dynamique du réchauffement climatique global, marqué pour la première fois par le dépassement du seuil symbolique de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
Par ailleurs, l’analyse des températures met en évidence une augmentation notable des anomalies thermiques, particulièrement marquée durant les saisons d’automne et d’hiver. Les mois de janvier et de novembre 2024 ont ainsi enregistré les températures moyennes les plus élevées jamais observées pour ces périodes. Bien que l’été ait été, dans l’ensemble, moins chaud qu’en 2023, plusieurs vagues de chaleur d’intensité exceptionnelle ont été relevées, avec des records journaliers battus dans plusieurs localités, notamment 47,7 °C à Béni Mellal et 47,6 °C à Marrakech le 23 juillet.
Le déficit pluviométrique persiste !
Sur le plan pluviométrique, l’année 2024 a affiché un déficit national moyen de 24,8 %, confirmant la persistance de la sécheresse pour la sixième année consécutive. Certaines régions, telles que l’Atlas, le sud-est, l’Oriental ou encore la région de Tata, ont connu des précipitations intenses, notamment en septembre. Toutefois, ces épisodes ponctuels n’ont pas suffi à inverser la tendance générale. Ils ont même provoqué des crues soudaines dans le sud-est du pays, entraînant des inondations majeures, des pertes humaines, ainsi que la réapparition du lac Iriqui, asséché depuis plus de cinquante ans.
Dans ce contexte, l’année hydrologique agricole 2023-2024 s’est révélée la plus sèche depuis les années 1960, avec un déficit de précipitations atteignant 46,64 %. Le manque d’enneigement, la persistance des températures élevées et la faiblesse des précipitations ont accentué la sécheresse hydrologique, affectant lourdement les ressources en eau, le secteur agricole et, dans certaines zones, l’approvisionnement en eau potable.
Face aux dérèglements climatiques, la rupture s’impose
Pour sa part, Nizar Baraka, Ministre de l’Équipement et de l’Eau, a expliqué que son département travaille activement sur la question des changements climatiques, bien qu’il soit très difficile d’obtenir des prévisions précises en la matière. Actuellement, des modèles sont en cours de développement afin de permettre des projections à l’horizon 2050. Des prévisions ont ainsi été établies pour chaque bassin hydraulique, prenant en compte les besoins en eau et intégrant une planification adaptée, ainsi que des mesures à mettre en œuvre pour y faire face.
Le ministre a souligné que ces évolutions sont suivies de très près, dans le but de s’adapter en permanence et d’améliorer la précision des modèles. Il a également insisté sur le fait que le Maroc fait partie des pays les plus exposés aux effets du changement climatique, avec une intensification attendue des phénomènes extrêmes tels que les sécheresses et les inondations. Cela rend indispensable la mise en place de politiques publiques fondées sur une logique d’adaptation.
Dans une déclaration à « L’Opinion », Nizar Baraka, Ministre de l’Équipement et de l’Eau, a alerté sur la gravité de la situation hydrique au Maroc, soulignant une baisse significative des précipitations. « Il y a un élément important, c’est que nous avons enregistré une baisse importante des précipitations, notamment sur l’année hydrologique, qui a atteint -44,5 % », a-t-il déclaré. Il a aussi souligné le recul préoccupant de l’enneigement en précisant que la surface couverte n’a pas dépassé 9 900 km² alors que la moyenne habituelle est de 50 000 km² ce qui a entraîné des apports très faibles et impacté le remplissage des barrages compliquant la mobilisation de l’eau dans plusieurs régions.
Il a insisté sur le caractère exceptionnel des fortes inondations survenues dans des régions habituellement épargnées, notamment dans le sud-est du pays, avec des conséquences notables sur les infrastructures, comme les routes et les ponts. Face à ces défis, Nizar Baraka a insisté sur la nécessité d’une adaptation rapide et structurée. « Cela montre bien qu’aujourd’hui, nous devons nous adapter à ces changements. C’est pourquoi nous mettons en œuvre la politique royale fondée sur le mix hydrique », a ajouté le ministre.
M. Baraka a détaillé les axes de cette stratégie : « D’abord, la poursuite de la construction des barrages pour protéger contre les inondations et stocker l’eau. Ensuite, la mise en place du transfert d’eau via les autoroutes de l’eau, dont la deuxième phase reliera Abou Regreg à Oum Errabiâ, permettant de transférer 800 millions de mètres cubes par an », a-t-il souligné.
Le dessalement constitue un autre pilier de cette stratégie : « Nous sommes déjà à 320 millions de mètres cubes, et nous avons signé pour 900 millions supplémentaires. Avec la station de dessalement de Rabat, qui ajoutera 300 millions de mètres cubes, nous visons 1,7 milliard de mètres cubes d’ici 2030 ». « Par ailleurs, nous agissons pour améliorer les rendements des réseaux d’eau potable et d’irrigation. » Il a conclu en évoquant les efforts en matière de gouvernance en précisant que des contrats de nappes sont mis en place pour assurer une gestion intégrée de l’eau dans les différents bassins hydrauliques.
Dans ce contexte, le rapport souligne également l’accentuation des contrastes climatiques, marqués par une alternance entre sécheresse prolongée et épisodes de précipitations extrêmes. Cette variabilité accrue aggrave les risques hydrologiques, agricoles et socio-économiques. La production céréalière nationale a ainsi chuté de 43 % par rapport à la campagne précédente, bien que certaines cultures arboricoles et maraîchères aient pu profiter des pluies tardives survenues en février.
La DGM renforce sa veille climatique
Dans une déclaration à L’Opinion, Mohamed Dkhissi, directeur général de la Météorologie Nationale, a expliqué comment son département compte faire face à cette situation : « Du point de vue météorologique, nous travaillons à renforcer notre système d’alertes précoces ainsi que nos produits et services climatologiques destinés aux usagers, en utilisant tous les moyens possibles, comme la modélisation numérique, l’intelligence artificielle, et la coproduction avec nos utilisateurs. Nous mettons un accent particulier sur l’impact des changements climatiques et leurs incidences négatives sur les ressources hydriques et pluviométriques de notre pays. »
Il a ajouté : « Sur le plan du changement climatique, nous disposons de modèles capables de produire des scénarios à 50, voire 100 ans, avec une résolution assez fine. Ces données sont cruciales pour accompagner les stratégies nationales d’atténuation et d’adaptation aux futurs impacts. »
Enfin, il convient de rappeler que l’état du climat au Maroc en 2024, ainsi que la tendance actuelle du changement climatique dans le pays, confirment l’urgence de renforcer les stratégies d’adaptation. Les priorités identifiées incluent la modernisation des systèmes d’alerte précoce, l’optimisation de la gestion des ressources en eau et le développement de pratiques agricoles résilientes. La protection des secteurs socio-économiques les plus vulnérables nécessite une approche intégrée, fondée sur une planification rigoureuse et une anticipation proactive des aléas climatiques à venir.
Dans le prolongement de ces actions, la DGM réaffirme son engagement à fournir des services climatiques fiables, à accompagner les secteurs vulnérables et à contribuer à une planification nationale proactive face aux aléas climatiques futurs.