Alors que la réforme de la procédure pénale est toujours en discussion au Parlement, le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) a livré son avis, appelant à une justice plus équitable, plus transparente et résolument centrée sur les droits fondamentaux. À travers un mémorandum dense, fort de plus de 100 recommandations, le Conseil de Amina Bouayach trace les contours d’un nouveau modèle procédural, centré sur l’efficacité judiciaire et les garanties démocratiques. En toile de fond : la volonté de rompre avec les archaïsmes procéduraux, d’ancrer l’État de droit dans les pratiques judiciaires, et d’assurer à chaque justiciable – victime ou accusé – une place digne dans le prétoire marocain du XXIème siècle.
S’appuyant sur un référentiel normatif combinant la Constitution marocaine, les conventions internationales ratifiées par le Royaume, les principes de Mendez, ainsi que les recommandations du Mécanisme national de prévention de la torture, le CNDH entend promouvoir une justice pénale respectueuse de l’État de droit. Le mémorandum articule 79 recommandations spécifiques liées aux dispositions du projet de loi, et 24 recommandations générales portant sur des enjeux structurels, souvent absents du texte mais jugés essentiels pour garantir une réforme substantielle.
Les recommandations phares sont regroupées autour de quatre axes fondamentaux : la consécration de l’État de droit et de la justice, les garanties du procès équitable, l’égalité entre les parties au procès, et la prise en compte des groupes vulnérables. À travers ces axes, le CNDH entend renforcer la légitimité procédurale et assurer un équilibre entre la préservation de l’ordre public et la protection des libertés individuelles.
Concernant l’État de droit, le Conseil recommande notamment la possibilité d’auditionner un suspect sans placement préalable en garde à vue, l’établissement du droit à une information immédiate sur les modalités de cette mesure, et l’accès à un recours juridictionnel indépendant. Des mesures qui visent, notamment, à instaurer un double contrôle judiciaire, garant d’une plus grande transparence.
La présidente du Conseil, Amina Bouayach, a souligné que ces garanties ne relèvent pas uniquement de la technique juridique : elles incarnent une vision philosophique de la justice fondée sur la reconnaissance mutuelle des droits et devoirs des parties au procès. Selon elle, une réforme crédible du Code de procédure pénale passe par une refonte de l’équilibre procédural, dans un esprit d’équité et de respect de la dignité humaine.
Ces mesures s’inscrivent dans la volonté d’instaurer une égalité des armes entre le Ministère Public et la défense. Le Conseil considère en effet que cette égalité est un corollaire de l’indépendance et de l’impartialité judiciaire, deux principes cardinaux de toute démocratie respectueuse des droits fondamentaux.
Par ailleurs, le CNDH met en lumière les défis spécifiques rencontrés par certains groupes marginalisés dans leur accès à la justice. Le mémorandum accorde une attention particulière aux droits des femmes victimes de violence, des enfants, des personnes en situation de handicap et des migrants. Le Conseil estime que la procédure pénale doit s’adapter à ces réalités, en intégrant une approche inclusive et sensible aux vulnérabilités.
Bouayach insiste sur le fait que la procédure pénale, loin d’être un simple instrument technique, reflète la perception sociale de la fonction de l’autorité, des limites de son intervention et de la légitimité de son action. La réforme proposée ambitionne ainsi de réconcilier efficacité judiciaire et respect des droits humains.
Enfin, le CNDH appelle à ce que toutes les interventions de l’autorité judiciaire soient strictement encadrées par la loi, dans le respect du principe de légalité. Il plaide pour une réforme qui transcende l’approche strictement fonctionnelle des textes, pour en faire un instrument de consécration des droits fondamentaux.
Cette initiative du CNDH a été saluée par la Commission de justice, de législation, des droits de l’Homme et des libertés à la Chambre des Représentants, qui y voit une illustration concrète du principe de coopération entre institutions. Selon son président, Saïd Baaziz, les recommandations du Conseil alimenteront les travaux parlementaires et enrichiront le processus d’amendement du projet de loi. Il s’agit, selon lui, d’une opportunité pour renforcer la performance législative et ancrer les principes de bonne gouvernance judiciaire.
Avec ce mémorandum, le CNDH aspire à impulser une réforme en profondeur de la justice pénale, en assurant la continuité des acquis et en inscrivant la procédure pénale dans une dynamique de progrès conforme aux engagements internationaux du Maroc.