Réforme du CNP : Recette du CNDH pour soigner les plaies de la presse

Le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) a présenté son avis sur le projet de loi n° 26.25 relatif à la réorganisation du Conseil National de la Presse (CNP), qui propose une batterie de recommandations. Cette contribution intervient à la suite d’une demande d’avis adressée au CNDH par le président de la Chambre des Représentants, le 16 juillet 2025.

D’emblée, le Conseil précise que dans l’élaboration de cette note, il s’est appuyé sur un cadre de référence solide, fondé à la fois sur la Constitution et sur les conventions internationales ratifiées par le Maroc, en particulier l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le CNDH a également mobilisé des exemples comparatifs issus d’expériences étrangères en matière d’instances d’autorégulation du journalisme. À l’issue de cette analyse croisée, le Conseil a retenu cinq principes fondamentaux devant guider le fonctionnement du futur Conseil National de la Presse : la liberté d’expression, la représentativité, le pluralisme, l’indépendance et la transparence.

Sur cette base, et selon un communiqué du CNDH, pas moins de 50 recommandations ont été formulées, dont 40 à caractère thématique et précis. Ces dernières concernent, sur le plan formel, l’insertion d’un préambule, la refonte de l’architecture du texte, la clarification des concepts clés, ainsi que la nécessité de discuter ce projet de loi en parallèle avec la réforme globale du Code de la presse et de l’édition. 

Dans l’ensemble, les observations et les recommandations du Conseil traduisent «une critique profonde du projet de réorganisation du CNP, considéré comme insuffisant au regard des exigences constitutionnelles et des normes internationales», lit-on dans le rapport de l’Instance dirigée par Bouayach. Le Conseil propose une vision alternative fondée sur «la primauté de l’autorégulation, le renforcement de l’indépendance économique des entreprises médiatiques, la mise en place de mécanismes éthiques pour traiter les discours de haine et la diffamation, et l’adoption d’une approche élargie de la liberté d’expression intégrant toutes les formes de médias». Ces orientations visent à instaurer une presse libre, indépendante et responsable, considérée comme un pilier essentiel de la démocratie et de la protection des droits humains au Maroc. 

Lacunes de forme et de fond ! 

Le CNDH a relevé que le projet de loi souffre de plusieurs lacunes sur le plan de la forme. L’absence d’un préambule mettant en avant les références constitutionnelles et les engagements internationaux relatifs à la liberté d’expression et aux droits humains affaiblit la clarté des objectifs du texte et en fragilise la structure. Le caractère fragmentaire du projet, qui se limite à des ajustements techniques sans proposer une vision globale et cohérente pour la réorganisation du Conseil National de la Presse, est également pointé du doigt.

Sur le fond, le Conseil estime que la mouture actuelle du projet ne garantit pas de manière suffisante la protection de la liberté de la presse telle que consacrée par la Constitution et par les normes internationales. Le texte, selon la même source, privilégie une approche restrictive reposant sur une intervention législative directe, alors que les standards internationaux préconisent la primauté de l’autorégulation professionnelle comme garantie essentielle de l’indépendance des journalistes. Le recours au droit pénal pour encadrer les journalistes apparaît comme une menace directe à la liberté d’expression. De plus, le projet n’apporte pas de réponse structurelle aux fragilités économiques des entreprises de presse, ce qui entretient leur vulnérabilité face aux pressions politiques et commerciales. Le Conseil déplore aussi l’absence de mécanismes clairs pour lutter contre les discours incitant à la haine, ainsi qu’une approche insuffisante des questions de diffamation et d’injure, qui devraient être traitées selon des critères équilibrés qui protègent la dignité des personnes tout en préservant la liberté de la presse.

Les fondamentaux avant tout 

Dans ses recommandations, le Conseil insiste sur l’urgence d’adopter une loi sur l’accès à l’information, considérant que ce droit constitue un préalable incontournable à l’exercice effectif du journalisme. Il appelle également à réduire l’emprise du législateur et à privilégier l’autorégulation par des instances professionnelles indépendantes, dotées de chartes éthiques élaborées par les journalistes eux-mêmes. Il souligne la nécessité d’élargir la conception de la liberté d’expression, qui ne doit pas se limiter à la presse mais englober l’ensemble des médias, notamment numériques. Concernant l’application du droit pénal aux journalistes, le Conseil recommande d’y renoncer et de recourir plutôt à des mécanismes civils ou à des procédures d’autorégulation en cas de manquements. 

Il attire l’attention sur le modèle économique des entreprises de presse et préconise la mise en place de dispositifs structurels et durables de soutien financier, afin de protéger la presse de toute dépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques ou des acteurs économiques dominants. Concernant la lutte contre les discours de haine, le CNDH rappelle l’importance de l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui interdit les discours qui constituent une incitation à la haine ou à la violence, ainsi que le Plan d’action de Rabat, lequel proscrit toute incitation directe à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, de quelque nature qu’elle soit. Le Conseil insiste également sur la nécessité de subordonner la qualification pénale des discours de haine à l’existence d’une intention criminelle clairement établie. En ce sens, l’absence d’une telle intention doit suffire à écarter toute responsabilité pénale. Par conséquent, il appartient au Ministère Public de démontrer la présence de l’élément intentionnel, et non à la défense de prouver son absence. 

Pour ce qui est des affaires de diffamation et d’injure, le Conseil appelle à des définitions précises et équilibrées, afin d’éviter que ces notions ne soient utilisées abusivement pour museler la presse. Il recommande également l’harmonisation du cadre juridique des sanctions, afin d’éviter les contradictions et de renforcer la sécurité juridique des journalistes. Le Conseil insiste sur la responsabilité des annonceurs et plaide pour l’élaboration d’une charte éthique de la publicité qui garantisse la transparence des relations entre la presse et les acteurs économiques, et qui protège les lignes éditoriales des entreprises de presse contre toute influence indue.

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