Réforme électorale : Plaidoyer pour une meilleure représentativité de la femme

Alors que la réforme électorale fait l’objet de vifs débats, politiques et experts exposent leurs visions pour élaborer un code électoral conforme aux orientations royales. La question centrale reste aujourd’hui celle du maintien des quotas, qui continue de diviser l’opinion publique.

 

À un an des prochaines élections législatives, le Maroc s’engage dans une révision en profondeur de son système électoral. Les nouvelles règles devront être définies sur la base d’un compromis partisan, appelé à être confirmé – ou tranché – par le Parlement. Le ministère de l’Intérieur a déjà entamé des consultations avec les formations politiques, conformément aux orientations exprimées dans le discours du Trône. De leur côté, les partis affinent leurs mémorandums, notamment l’Istiqlal, dont le Secrétaire Général, Nizar Baraka, insiste sur le renforcement de la représentation des femmes dans les instances élues et appelle à l’organisation d’élections « dont les Marocains puissent être fiers ». Lors d’une rencontre d’étude organisée mercredi dernier à la Chambre des Représentants par le groupe istiqlalien « Pour l’Unité et l’Egalitarisme », la direction du parti a réaffirmé son plein engagement dans la dynamique de réforme lancée par le Souverain dans Son dernier discours du Trône. La note présentée par l’Istiqlal formule des propositions couvrant à la fois les volets juridiques et institutionnels, mais aussi les dimensions éthiques, financières et médiatiques du processus électoral. Mais la question des quotas qui divise l’opinion publique reste encore un peu floue. Dans ce contexte, le Centre Al-Moachar d’études et de recherches a publié un rapport soulignant plusieurs limites du dispositif actuel sur la question de représentativité.

 

Trouver l’équilibre…

 

Selon le document, la formule retenue pour l’organisation des listes et des circonscriptions régionales a progressivement transformé ce mécanisme en une mesure réservée presque exclusivement aux femmes, tout en plaçant les jeunes dans une situation d’exclusion quasi permanente. Afin de corriger cette dérive, le Centre recommande d’instaurer un quota distinct entre les sexes et propose d’exiger le baccalauréat comme niveau minimal de formation pour se porter candidat à la Chambre des Représentants et aux Conseils régionaux. Le rapport met en évidence une contradiction profonde entre les objectifs initiaux assignés aux listes régionales et les résultats effectivement obtenus. Conçues à l’origine pour ouvrir l’accès au Parlement aux femmes et aux jeunes, ces listes ont dans les faits abouti à marginaliser durablement la jeunesse au profit d’une représentation féminine dominante. Le document souligne que cette évolution a vidé l’expérience de son sens et a entretenu une ambiguïté persistante. Plus encore, la pratique a transformé ces listes en un terrain propice à la distribution de rentes politiques, où les sièges se négocient souvent en fonction de loyautés personnelles ou d’intérêts particuliers plutôt que sur la base de critères de compétence et de sérieux.

 

Pour y remédier, le Centre propose de maintenir le principe d’un quota de quatre-vingt-dix sièges destinés aux femmes et aux jeunes, mais de répartir ces sièges de manière distincte, soixante pour les femmes et trente pour les jeunes. Une telle organisation, fondée sur des listes régionales indépendantes, offrirait aux jeunes une représentation réelle et significative au sein de l’institution législative. Toutefois, le rapport insiste sur le fait que la création de quotas ne saurait constituer une fin en soi. Encore faut-il définir des critères stricts de candidature, afin de garantir que ces sièges soient occupés par de véritables compétences capables de contribuer efficacement au travail parlementaire. Le Centre appelle ainsi à rompre avec les logiques de compensation ou de contrepartie financière qui ont discrédité cette expérience et affaibli sa crédibilité.

 

Instaurer l’équilibre démocratique

 

Rejoignant la position istiqlalienne sur l’architecture électorale du pays, le document va plus loin en affirmant que la crise de la représentativité politique au Maroc est l’un des principaux symptômes des déséquilibres démocratiques. Elle ne se limite pas aux insuffisances des lois électorales mais traduit également l’incapacité des élites politiques à se renouveler et la difficulté des partis à former des leaders qualifiés capables d’incarner les aspirations citoyennes. Dans la pratique, le système partisan demeure dominé par la logique des notables, appuyés sur leur influence financière et sociale, ce qui mine la confiance des citoyens dans les institutions élues et prive l’action politique de sa véritable fonction représentative et de contrôle. Raison pour laquelle le Conseil national de l’Istiqlal a appelé en mai dernier à moraliser la vie publique et la pratique politique, de lier la responsabilité à la reddition de comptes, de restaurer la confiance dans les institutions élues, de redonner de la considération au travail des partis, de renouveler les élites et de libérer les énergies.

 

La réflexion du Centre s’étend par ailleurs à la question des conditions de candidature. Il rappelle que se présenter aux élections ne peut être réduit à un simple droit individuel. C’est avant tout une fonction publique qui engage le cœur du contrat social entre l’État et la société. Le candidat ne représente pas uniquement sa personne mais porte la voix de centaines de milliers de citoyens qui lui délèguent la mission de légiférer, de contrôler et de participer à l’élaboration des politiques publiques. Il devient donc légitime, tant sur le plan constitutionnel qu’éthique, d’encadrer ce droit par des conditions objectives susceptibles de garantir la qualité de la pratique démocratique.

 

Dans cette logique, le Centre recommande que le baccalauréat soit fixé comme niveau minimal de formation pour toute candidature à la Chambre des Représentants et aux Conseils régionaux. Ce seuil apparaît cohérent avec la complexité des missions législatives et de contrôle assignées à ces institutions, mais aussi avec la dimension stratégique de la planification territoriale qu’elles portent. Pour ce qui concerne les Conseils communaux et préfectoraux, il suggère d’exiger au minimum le certificat d’études primaires, afin de concilier l’accès démocratique au droit de candidature avec les exigences de compétence et d’efficacité dans la gestion locale.

 

Le rapport insiste également sur la nécessité d’un véritable renouvellement générationnel. Il suggère d’imposer aux partis politiques de réserver au moins 20 % de leurs têtes de liste à des candidats de moins de 35 ans, titulaires d’un master ou d’un diplôme équivalent. L’objectif serait de faire émerger de nouvelles élites, insuffler du sang neuf dans la vie politique et rompre avec la domination persistante des mêmes figures électorales.

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Encadré
Engagement istiqlalien pour le nouveau code 

Le Comité Exécutif de l’Istiqlal a réitéré l’engagement du Parti au processus de réforme lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, dans Son Discours du Trône, concernant la préparation du système général encadrant les élections législatives, en concertation avec les différents acteurs politiques, avant la fin de l’année en cours. Dans ce contexte, le Comité Exécutif du parti a examiné et approuvé le contenu du mémorandum que le parti soumettra au ministère de l’Intérieur, lequel concerne les réformes politiques et le cadre général régissant les élections législatives dans toutes ses dimensions juridiques, institutionnelles, éthiques, financières et médiatiques, assurant la fourniture de toutes les conditions politiques, sociétales et juridiques pour la réussite de cette étape électorale sur la base de l’intégrité, de la transparence et de la concurrence loyale entre les partis politiques, le renforcement de la confiance dans les institutions élues et du niveau de participation aux élections, consolidant ainsi l’édifice démocratique, politique et institutionnel de notre pays.

 

Repères
Pour un découpage équilibré 

Jugée inadaptée aux réalités démographiques et géographiques, la configuration des 92 circonscriptions locales a besoin d’être actualisée en fonction du nouveau recensement général de la population. Une revendication partagée par la majeure partie de la classe politique, selon nos informations. “Il faut impérativement tenir compte des mutations démographiques pour une meilleure équité spatiale dans la représentation nationale, le découpage actuel engendre un déséquilibre dans le poids représentatif des circonscriptions”, explique Abderazak Kabouri, professeur des sciences politiques à l’ENCG-Kénitra, qui met en garde contre les découpages qui produisent souvent des circonscriptions disproportionnées au gré du poids électoral. Selon notre interlocuteur, il est temps de réfléchir à une meilleure intégration des zones rurales qui restent historiquement défavorisées en termes de représentativité par rapport au milieu urbain, ce qui donne un sentiment de marginalisation politique.

Le spectre de l’abstention

La refonte du système électoral intervient dans un contexte de désintérêt des gens pour la chose politique, lequel fait craindre une forte abstention aux élections de 2026, alors que la population en âge de voter augmente en nombre. On est à 25 millions aujourd’hui contre 23 millions en 2016. Les élections précédentes avaient connu un taux de participation élevé (51%) avec 8,78 millions de votants. Un sursaut dû à plusieurs facteurs, dont le vote punitif contre le PJD après dix ans au pouvoir. Cette vague a profité aux partis de centre-droit (RNI, PAM et Istiqlal) qui ont fait un retour triomphal en formant l’une des plus fortes majorités que le Maroc ait connues depuis des années à l’hémicycle. Une conjoncture différente de celle d’aujourd’hui. 

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