Le rapport 2024 du Médiateur du Royaume pointe les obstacles à la réinsertion des ex-détenus, notamment le poids persistant du casier judiciaire, en décalage avec les ambitions des politiques publiques.
Le document souligne que, malgré l’existence de programmes de formation et d’accompagnement à la réinsertion en milieu carcéral, les anciens prisonniers continuent de faire face à une stigmatisation sociale et institutionnelle tenace. La persistance de représentations négatives à l’égard des ex-détenus, souvent perçus comme des menaces potentielles pour la sécurité publique, compromet leur retour à la vie civile.
L’un des principaux points d’alerte soulevés par le Médiateur concerne le rôle du casier judiciaire, qui demeure un frein à l’accès à l’emploi, y compris dans les secteurs privés non sensibles. Même lorsque les détenus ont accompli leur peine et suivi des programmes de réhabilitation, la mention de condamnations passées sur leur extrait de casier judiciaire les exclut automatiquement de nombreuses opportunités, notamment dans l’administration publique, les marchés formels ou les emplois sous contrat.
Le rapport qualifie cette situation de « violation du principe d’égalité des chances » et d’entrave directe à la dignité humaine. En effet, les restrictions qui découlent du casier judiciaire s’apparentent à une double peine, prolongeant de facto les effets de l’incarcération bien au-delà de la libération.
La recommandation vise à instaurer une logique de «deuxième chance», rompant avec les logiques d’exclusion permanente. Elle entend replacer la réinsertion dans une perspective de justice restaurative, où l’administration ne se contente plus de punir, mais participe activement à la reconstruction du lien social.
Le rapport 2024 introduit un concept inédit : celui d’« intégration administrative réconciliatrice ». Cette notion repose sur la nécessité d’une réconciliation entre l’ancien détenu et l’appareil administratif, en rupture avec les schémas de défiance et d’exclusion. Elle promeut une relation fondée sur le dialogue, la confiance et la reconnaissance mutuelle, ouvrant ainsi la voie à une réintégration effective dans les services publics et la vie économique.
Dans cette perspective, la levée des barrières d’accès à certains droits administratifs – emploi, formation, documents officiels – est perçue comme un levier fondamental pour bâtir une réinsertion durable. Cela suppose également un changement de paradigme de la part des institutions : passer d’une logique punitive à une logique réparatrice.
dans l’accès aux services publics
Ce plaidoyer s’inscrit dans une vision globale, qui lie le traitement administratif aux enjeux sociaux, économiques et juridiques de la réinsertion. Il suggère également de renforcer les mécanismes de gouvernance participative dans la mise en œuvre de ces politiques, en impliquant les acteurs de la société civile, les collectivités territoriales et les institutions concernées.
La Fondation Mohammed VI pour la Réinsertion des Détenus est également interpellée dans le rapport, notamment pour renforcer son rôle en matière d’accompagnement administratif et juridique. Le Médiateur recommande la création d’un dispositif d’assistance gratuite pour l’orientation juridique et l’aide administrative au profit des détenus en fin de peine, mais aussi des personnes récemment libérées.
Ce service, intégré dans les structures pénitentiaires et post-pénitentiaires, permettrait de mieux informer les bénéficiaires sur leurs droits, d’éviter les démarches incomplètes ou erronées, et de fluidifier leur accès à l’emploi, au logement, à l’éducation ou à la santé.
La réussite de cette démarche exige, selon le Médiateur, une volonté politique forte, un cadre légal réformé, et une mobilisation collective autour de la réinsertion comme enjeu national. En somme, il s’agit de faire du respect des droits post-carcéraux un indicateur clé de la qualité démocratique de l’État et de sa capacité à assurer une justice fondée sur la réparation, la réintégration et la dignité humaine.