Fouad Laroui récidive. Dans sa dernière tribune publiée sur Le360.ma, il s’appuie sur une étude scientifique récente pour conclure que ChatGPT et l’IA générative affaibliraient les capacités cognitives humaines. Le propos est vif, l’anecdote percutante, le ton alarmiste. Une nouvelle fois, la technologie est présentée comme un péril rampant, un instrument qui rendrait “bête” ceux qui y recourent.
Pour apaiser son inquiétude – légitime mais à mon sens exagérée –, je lui adresse ici un appel fraternel et scientifique.
Cher Fouad, si vous le souhaitez, je serais ravi de vous rencontrer pour discuter, argumenter, et partager des éléments concrets issus de la recherche, de l’expérience et de la pédagogie. Je crois sincèrement qu’il n’y a pas de raison de céder à la panique, même face à des études issues d’institutions prestigieuses. Car au-delà de la méthode scientifique, il y a la capacité d’interprétation, de contextualisation, de mise en perspective.
Dans une réponse précédente à l’un de vos articles, je rappelais que l’épisode universitaire qui vous a troublé (des étudiants sollicitant ChatGPT en pleine interrogation) posait une vraie question, mais qu’il fallait l’aborder par l’intelligence, non par l’interdiction. Le véritable enjeu est de préparer l’université à l’IA, pas de tenter vainement de l’en protéger.
L’IA générative, loin d’être une simple machine à réponses, est un miroir de nos propres limites et de nos propres intentions. Elle peut appauvrir comme elle peut enrichir, selon l’usage qu’on en fait. Former à son usage critique devient une mission centrale de l’université, tout comme transformer nos modes d’évaluation, nos postures d’enseignement, notre rapport à la vérité.
Ce que vous appelez une « invasion » peut, si elle est bien accompagnée, devenir un levier pédagogique puissant. Loin d’atrophier l’intelligence, elle peut nous obliger à la réinventer, à la cultiver autrement. C’est le sens de l’approche systémique que je développe dans mon livre L’intelligence artificielle au Maroc : la souveraineté numérique, cognitive et pédagogique ne se décrète pas, elle se construit, se négocie, s’enseigne.
Alors non, ChatGPT ne rend pas bête. Il nous oblige à ne plus enseigner comme avant. À passer d’un modèle magistral à une pédagogie du dialogue, du discernement, de la réflexivité. Il ne menace pas la pensée critique ; il exige qu’on la redéfinisse.
Et cela, cher Fouad, nous pouvons le faire ensemble.
Je souhaite sincèrement que nous aurons l’occasion de nous rencontrer dans le cadre d’autres rencontres, ouvertes et constructives, pour poursuivre ce dialogue essentiel sur l’intelligence, l’éducation, et notre rapport au savoir à l’ère de l’IA.