Feu Hassan II n’était pas seulement un Roi visionnaire, mais le fin stratège d’un Royaume alliant tradition et modernité. En engageant le Maroc envers la CEDAW, le Souverain défunt posa les bases d’un pays réformiste, mêlant tradition et modernité.
À la veille de son adhésion, le Maroc traversait des décennies où les droits des femmes étaient souvent éclipsés par des traditions et des normes patriarcales. Pourtant, dans l’ombre de ces structures conservatrices, des voix s’élevaient. Les associations féminines et les activistes des droits humains œuvraient sans relâche pour faire entendre leurs revendications. Leur combat trouvait écho dans les évolutions mondiales : dans les années 1970 et 1980, la reconnaissance des droits des femmes devenait une priorité sur la scène internationale.
Le 18 décembre 1979, l’Assemblée générale des Nations Unies adopta la CEDAW, une convention ambitieuse qui appelait les pays à éradiquer toutes les formes de discrimination envers les femmes. Cette avancée inspira nombre de nations, dont le Maroc. Mais dans les années 1980, le pays hésitait encore à franchir ce pas, tiraillé entre les conservateurs qui craignaient une remise en question des fondements culturels et religieux, et les progressistes qui y voyaient une opportunité de modernisation.
D’ailleurs, dans un discours mémorable datant de la même année, Feu Hassan II avait souligné la nécessité d’une réforme sociétale en affirmant : «Nous ne pouvons bâtir un Maroc moderne sans accorder aux femmes une place digne de leur rôle central dans notre société». Ces mots qui ont d’emblée fait l’objet d’un appel à dépasser les clivages pour embrasser une vision d’équité et de progrès.
Le moment décisif…
Le Maroc fit le choix de s’engager officiellement envers la CEDAW en 1993, une année marquante dans l’histoire des droits humains au niveau national. Cet acte d’adhésion reflétait la volonté politique d’aligner le Maroc sur les standards internationaux.
Mais cette décision ne s’est pas faite sans débat puisqu’elle résultait d’un dialogue complexe entre tradition et modernité, dans un contexte où les mouvements féministes gagnaient en force et où l’État commençait à reconnaître la nécessité de réformes sociétales. Les organisations féminines jouèrent un rôle clé, multipliant les plaidoyers et les discussions pour démontrer que l’égalité des sexes pouvait coexister avec les valeurs culturelles marocaines.
Dans ce sens, le défunt Roi Hassan II, conscient des résistances, déclara alors que «réformer ne signifie pas renier nos traditions, mais adapter nos valeurs à un monde en perpétuel changement, tout en respectant l’essence de notre identité». Et c’est cette vision éclairée qui guida les efforts de modernisation, tout en ancrant les réformes dans un cadre de respect des spécificités culturelles marocaines.
L’adhésion fut un événement porteur d’espoir, mais également une promesse d’action, car en acceptant la convention, le Maroc s’engageait à modifier ses lois et pratiques discriminatoires pour garantir les droits des femmes dans les domaines économique, politique, social et culturel.
Si cet acte marqua un nouveau départ, il n’était que le début d’un long voyage, vu qu’au fil des années, des réformes ont été entreprises : la réforme du Code de la famille en 2004 qui améliora les droits des femmes en matière de mariage et de divorce, ou encore la Constitution de 2011 qui consacra l’égalité hommes-femmes en tant que principe fondamental.
Cependant, le chemin reste sinueux, compte tenu des défis qui subsistent, notamment en matière d’application des lois, de lutte contre les violences faites aux femmes ou d’égalité dans le monde du travail. Mais cette histoire d’adhésion à la CEDAW témoigne d’un pays en mutation, prêt à puiser dans ses racines pour se tourner vers un avenir où les femmes occupent une place égale et essentielle.
Cette cohésion qui a pris forme en 1993 est un symbole puissant, celui d’un pays qui reconnaît que le progrès passe par l’égalité. Alors que d’autres pays n’ont suivi cet exemple que plusieurs années plus tard, l’histoire du Maroc demeure une source d’inspiration, rappelant que chaque pas vers la justice est une victoire collective.
Somme toute, ces réformes s’inscrivent dans l’esprit des paroles visionnaires de Feu Hassan II, qui avait un jour affirmé que «l’avenir du Maroc se construira avec les femmes ou ne se construira pas».
La mobilisation pour une réforme du Code de la famille s’intensifia à partir des années 1990, portée par un mouvement féministe de plus en plus influent. L’adhésion du Maroc à la CEDAW en 1993 joua un rôle déterminant dans ce processus, et ce, en ancrant la question des droits des femmes dans un cadre international et en encourageant le pays à réviser ses lois pour se conformer aux normes universelles d’égalité des sexes. Après des années de débats intenses, parfois houleux, entre conservateurs et progressistes, SM le Roi Mohammed VI prit l’initiative de mener à bien une réforme profonde du Code de la famille. En 2004, cette réforme historique fut adoptée, marquant un tournant majeur dans l’évolution des droits des femmes au Maroc.
Ce texte de la Moudawana introduisit des changements révolutionnaires pour l’époque, en reconnaissant l’égalité des époux dans la gestion de la famille et en consacrant des droits fondamentaux pour les femmes. L’âge légal du mariage fut fixé à 18 ans pour les filles comme pour les garçons, même si des dérogations sont encore possibles, tandis que les femmes obtinrent la possibilité de demander le divorce dans des conditions élargies. Les nouvelles dispositions renforcèrent également les droits des enfants, notamment en matière de garde, et limitèrent les inégalités de traitement dans certains domaines clés.
En 2025, des réformes supplémentaires sont en passe d’être introduites dans la Moudawana, notamment pour renforcer les droits des femmes dans certains domaines. Ces révisions visent à garantir une meilleure égalité entre les époux et à renforcer l’autonomie des femmes dans le cadre familial.
Toutefois, malgré ces avancées, l’application de la réforme demeure inégale. Dans de nombreuses régions rurales, des résistances culturelles freinent la pleine mise en œuvre des nouvelles lois. Les mariages précoces subsistent, alimentés par des interprétations traditionnelles et une faible sensibilisation des populations aux changements législatifs.
Les origines de la CEDAW remontent aux premières décennies de l’après-guerre, lorsque l’idée de droits des femmes a commencé à se structurer au sein des Nations Unies. Bien que la Déclaration universelle des droits de l’Homme, adoptée en 1948, ait affirmé l’égalité de tous les êtres humains, les droits spécifiques des femmes étaient jusqu’alors peu pris en compte. Plusieurs conventions internationales, comme celles sur les droits politiques et le mariage des femmes, ont ouvert la voie, mais elles demeuraient partielles et ne couvraient pas la totalité des aspects de la vie des femmes.
C’est dans ce contexte que, dans les années 1970, le besoin d’une convention internationale spécifique sur les droits des femmes s’est fait pressant. La CEDAW a été ainsi rédigée et adoptée par les Nations Unies en 1979, devenant l’instrument juridique phare pour lutter contre la discrimination sexiste dans le monde. Son adoption fut le résultat d’un long processus porté par des organisations féministes mondiales, conscientes de l’inégalité persistante dans tous les aspects de la société, notamment dans le domaine du travail, de la politique, de la famille et de la santé.
Pour assurer le respect de ses principes, la CEDAW a mis en place un comité d’experts chargés de suivre les progrès réalisés par les États parties. Ces experts examinent les rapports soumis par les pays, leur donnent des recommandations et suivent les efforts faits pour éliminer la discrimination. Cependant, malgré sa large ratification, la mise en œuvre de la Convention n’est pas toujours immédiate ni complète. De nombreux pays font face à des défis liés à des normes culturelles et sociales profondément enracinées, qui ralentissent l’adoption des réformes nécessaires.
Dans de nombreux pays arabes, la ratification de la CEDAW a été perçue comme un engagement envers les droits des femmes et une étape vers la modernisation. Cependant, certains États ont émis des réserves concernant des articles de la convention qu’ils considéraient en contradiction avec leurs lois nationales, notamment sur des sujets comme le mariage, la famille et l’héritage. Par exemple, des pays comme l’Arabie saoudite, le Soudan ou l’Égypte ont réservé certains articles en invoquant des principes de la charia, arguant que ces dispositions contredisaient les préceptes islamiques. Ces réserves ont limité l’impact de la CEDAW en matière de protection des droits des femmes, en particulier dans les domaines du mariage et de la famille.
Malgré ces réserves, la CEDAW a contribué à certaines avancées notables dans la région. Plusieurs pays, comme la Tunisie et le Maroc, ont mis en place des réformes juridiques visant à promouvoir l’égalité des sexes, en partie sous l’influence de la CEDAW. Par exemple, en 2011, le Maroc a adopté un code de la famille révisé qui a modifié des dispositions discriminatoires contre les femmes, bien que des lacunes persistent encore dans l’application de l’égalité des droits.
Cependant, dans d’autres pays, les réformes restent lentes et limitées. Dans certains États l’impact de la CEDAW est moins perceptible. En dépit de certaines avancées dans les droits des femmes, les lois et pratiques discriminatoires restent enracinées.
En somme, la lutte pour l’égalité des sexes dans la région continue d’être un défi complexe, nécessitant à la fois des réformes législatives et un changement profond des mentalités.
Me Jalal utilise ce document phare du corpus juridique international comme un outil fondamental pour plaider en faveur de réformes législatives et sociétales visant à améliorer la condition des femmes au Maroc. Elle a constamment souligné que, bien que des progrès aient été réalisés, le véritable défi réside dans la mise en œuvre effective des principes de la convention, notamment dans les zones rurales et au sein des populations conservatrices. Ainsi, la CEDAW demeure un instrument crucial pour pousser les autorités marocaines à honorer leur engagement en faveur de l’égalité des sexes, non seulement dans les textes, mais aussi dans la réalité quotidienne des femmes marocaines.