​Sahara : au Maroc, un parti historique pour une cause toujours actuelle

Alors que la question du Sahara occidental s’impose de plus en plus comme une pièce maîtresse du jeu géopolitique au Maghreb et au-delà, le Maroc continue de consolider son architecture diplomatique sur tous les fronts. Sur le plan institutionnel, l’État mise depuis plusieurs années sur une diplomatie plurielle, où les partis politiques, au même titre que les institutions officielles, sont appelés à devenir des vecteurs de plaidoyer structuré. Dernier exemple en date : l’initiative du Parti de l’Istiqlal, qui vient de consacrer une session entière à la formation de ses parlementaires sur les évolutions du dossier saharien.

Au-delà du simple événement partisan, c’est toute une dynamique politique qui se révèle : celle d’un pays qui ne considère plus le dossier du Sahara comme un enjeu purement régalien, mais comme un chantier transversal mobilisant élus, diplomates, chercheurs, et société civile.
 

Une vieille cause, une nouvelle grammaire
Sous la houlette de son secrétaire général Nizar Baraka, le Parti de l’Istiqlal, héritier historique du nationalisme marocain, se repositionne avec ambition sur ce front stratégique. Car si l’histoire du parti est intimement liée aux combats pour l’unité territoriale, son discours se veut désormais tourné vers l’avenir : une « diplomatie proactive » — pour reprendre les termes royaux — qui cherche moins à réagir qu’à proposer, à convaincre plutôt qu’à dénoncer.

C’est là l’un des tournants notables de la période actuelle : la marocanité du Sahara ne se déclame plus uniquement dans l’arène diplomatique, elle s’argumente, s’explique, se défend dans les forums parlementaires régionaux, dans les enceintes universitaires, sur les plateformes médiatiques internationales. L’un des mérites du Parti de l’Istiqlal est de ne pas s’en tenir à une rhétorique patrimoniale, mais de chercher à articuler la cause nationale à des enjeux contemporains : développement durable, coopération transsaharienne, sécurité régionale, transition énergétique.

 

2025, année de bascule ?
L’année en cours est présentée, par certains responsables politiques marocains, comme une « année de basculement ». Ce qualificatif n’est pas anodin. D’un côté, les soutiens internationaux à l’initiative d’autonomie marocaine se sont multipliés — trois membres permanents du Conseil de sécurité, une majorité croissante de pays européens, et un alignement africain de plus en plus net. De l’autre, le bloc adverse, porté par le Front Polisario et ses parrains, affiche une fatigue diplomatique, malgré quelques poches de résistance idéologique en Amérique latine ou en Scandinavie.

C’est donc un moment de cristallisation que connaît le dossier. D’où l’importance, soulignée par les responsables marocains, d’un plaidoyer plus fin, plus ciblé, et plus intelligemment scénarisé selon les spécificités culturelles, linguistiques et politiques des publics étrangers.
 

Un plaidoyer par les actes
Il serait réducteur de résumer la stratégie marocaine à une offensive de communication. En réalité, le Royaume articule de plus en plus son argumentaire autour de réalisations tangibles dans les provinces du Sud : grands projets d’infrastructures, investissements publics massifs, impulsion du nouveau modèle de développement, intégration progressive dans les flux commerciaux régionaux.

Le gazoduc Nigeria-Maroc, le port de Dakhla Atlantique, les usines de dessalement ou encore l’Initiative Atlantique sont autant de leviers qui confèrent une crédibilité à la parole marocaine. Ce n’est plus uniquement la légitimité historique qui est mobilisée, mais la promesse d’un avenir partagé, avec l’Afrique de l’Ouest comme horizon stratégique.
 

Une diplomatie à plusieurs vitesses
L’appel à la coordination entre diplomatie officielle, diplomatie parlementaire et diplomatie populaire n’est pas nouveau. Mais il devient aujourd’hui une condition d’efficacité. Car l’ère est à la diplomatie distribuée : celle qui ne dépend plus uniquement des chancelleries, mais aussi des parlements, des villes, des ONG, des universités. C’est ce que semble avoir compris le Parti de l’Istiqlal, en assumant son rôle dans ce maillage complexe d’influence.

Ce virage n’est pas sans exigences : il suppose la formation continue des élus, la capacité à produire un récit audible au-delà des frontières, et la vigilance face aux recompositions géopolitiques — notamment dans un Sahel en recomposition, une Méditerranée sous tension, et une Europe traversée par de nouvelles lignes de fracture.

Conclusion : repenser la cause nationale à l’aune du XXIe siècle

L’initiative du Parti de l’Istiqlal rappelle une vérité simple mais trop souvent oubliée : le patriotisme ne se décrète pas, il se construit, par la compétence, par la crédibilité, et par l’ancrage dans le réel. En réinvestissant la question du Sahara avec des outils contemporains, le parti ne se contente pas de perpétuer une tradition, il l’actualise — et peut-être même, la régénère.

Alors que le Maroc cherche à transformer un consensus national en levier d’influence internationale, il lui faudra des relais politiques capables de porter cette ambition avec intelligence, constance et imagination. C’est à cette condition que la diplomatie du Sahara cessera d’être une affaire de crise, pour devenir, enfin, une politique d’avenir.

 

Said Temsamani 
Analyste Politique 
 
 

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