Sahara marocain : Scénarii pour le dénouement du conflit [INTÉGRAL]

À la veille de la fin du conflit du Sahara, l’Algérie semble dans l’impasse. Le Maroc offre une sortie par le haut avec un dialogue “sans vainqueur ni vaincu”. Décryptage des scénarios possibles.

Contre toute attente, le hasard a voulu que l’Azerbaïdjan et l’Arménie scellent leur réconciliation à Washington grâce à un parrainage américain fructueux. Le président Trump continue les prouesses diplomatiques en réussissant un coup de poker que personne n’a vu venir. Le locataire de la Maison Blanche réussit ainsi là où son rival russe Vladimir Poutine a échoué pendant des années. En pacifiant le Caucase, Trump raffermit son image de faiseur de paix. Depuis son retour au pouvoir, il multiplie les bons offices dans sa quête effrénée du Prix Nobel de la Paix qu’il chérit tant depuis longtemps. La réconciliation sous patronage américain de deux adversaires historiques qui se sont battus pendant 35 ans a poussé les observateurs à augurer qu’un deal pareil serait imaginable entre le Maroc et l’Algérie. Le fil de X regorge d’analyses qui vont dans ce sens, reprises par des supports médiatiques.
 
Vœu pieux ou chimère ?
 
Après avoir tout fait pour amadouer l’Administration Trump, l’Algérie n’a rien pu obtenir sur le Sahara. La célèbre phrase de son ambassadeur  à Washington, Sabri Boukadoum, “Sky is the limit”, n’aura servi à rien.  Alger a eu beau offrir son sous-sol aux sociétés pétrolières américaines, comme Exxon Mobil, et signé un accord de coopération militaire, l’Administration américaine est restée droite dans ses bottes. Le premier choc est venu du haut conseiller de Donald Trump, Massad Boulos, qui, lors de sa visite à Alger, a réitéré le soutien américain à la marocanité du Sahara. Sa déclaration au journal Al Watan a résonné comme un coup de tonnerre dans les salons algériens. Pas de solution envisageable en dehors du plan d’autonomie. Quelques jours plus tard, Donald Trump s’évertue lui-même de répéter sa conviction dans sa lettre de félicitations à SM le Roi à l’occasion de la Fête du Trône. Du côté américain, le conflit n’a que trop duré et doit être clos. L’Algérie est priée d’adhérer au processus de négociation dont l’ébauche devrait être annoncée lors de la prochaine réunion du Conseil de Sécurité. Mais, pour les Américains, la fin du conflit et la paix au Maghreb vont de pair.  Massad Boulos en est convaincu. Il l’a expliqué en avril dernier dans une interview à Al-Arabiya, où il a insisté sur l’importance de restaurer les bons rapports de voisinage entre Rabat et Alger. “Nous souhaitons qu’il y ait les meilleurs rapports possibles entre les deux pays, nous allons y travailler”, avait-il confié.      
 
Une sortie par le haut ?
 
Cette aspiration américaine se heurte à l’amertume d’Alger qui semble acculé, au moment où la dynamique internationale de soutien au plan d’autonomie est implacable. Dans le discours du Trône, SM le Roi Mohammed VI a proposé une sortie par le haut en réitérant Son appel au dialogue. Le Souverain a pris soin de plaider pour une solution “sans vainqueur ni vaincu”. Une façon de rassurer le régime algérien qui sort bredouille d’une bataille où il s’est investi corps et âme pendant 50 ans. Des milliards de dollars ont été dilapidés et le rêve de l’intégration maghrébine saboté pour une cause séparatiste sans issue. “Une sortie par le haut me paraît difficilement imaginable à moins que l’Algérie change de perception et se résigne à considérer le plan d’autonomie comme solution de juste milieu qui arrange tout le monde”, pense Mohamed Badine El Yattioui, Professeur d’Études Stratégiques au Collège de Défense (NDC) des Emirats Arabes Unis à Abou Dhabi. Notre interlocuteur doute que la diplomatie algérienne ait la finesse de transformer sa défaite en sortie honorable. 

“Si l’Algérie accepte des négociations directes sous pression américaine, ça serait de son point de vue un aveu d’échec, elle s’est toujours cachée derrière le Polisario bien qu’elle soit à la manœuvre depuis le début du conflit, sous prétexte qu’elle n’est pas partie prenante”, poursuit l’expert, soulignant que le dilemme de l’Algérie réside dans son opinion intérieure, devant laquelle le régime aura de la peine à se justifier.
 
Tous les chemins mènent à New York !
 
En réalité, il est ardu pour les Algériens d’accepter une réalité si amère et si brutale. Le régime a fait du conflit un prétexte pour souder sa population contre “l’ennemi extérieur” et perpétuer la mainmise de l’armée sur la politique du pays. A cela s’ajoute le poids de l’endoctrinement de plusieurs générations d’Algériens qui ont grandi dans la vénération du Polisario et la détestation du Maroc. Selon M. El Yattioui, le régime algérien sera acculé si le Conseil de Sécurité exige des négociations avec sa participation sur la base du plan d’autonomie qu’elle n’a eu de cesse de rejeter.  

La prochaine Résolution du Conseil de Sécurité s’annonce décisive et favorable au Maroc, au point que l’ambassadeur du Royaume aux Nations Unies, Omar Hilale, avait espéré dans une récente déclaration à Medi1 que le prochain anniversaire de la Marche Verte sera l’occasion de célébrer aussi la fin du conflit.
 
Autonomie : Alger n’a pas voix au chapitre !  
 
Du côté marocain, l’optimisme est de mise, d’autant plus que trois membres permanents soutiennent officiellement la marocanité du Sahara, dont les Etats-Unis qui sont le porte-plume du texte.  Reste à savoir quel sera le schéma de négociation. Les tables rondes demeurent une option parmi d’autres, même si l’émissaire onusien, Staffan de Mistura,  n’est jamais parvenu à les relancer. En gros, les négociations ne sauraient être imaginables sans le Polisario et l’Algérie. Or, nombreux pensent que l’Algérie n’a pas voix au chapitre en ce qui concerne l’autonomie du moment que le plan d’autonomie demeure une affaire marocaine entre l’Etat et une poignée de séparatistes qui risquent d’être désignés comme terroristes par les Etats-Unis s’ils poursuivent leur entêtement. Cette école, incarnée par plusieurs experts, dont le politologue Ahmed Noureddine, estime que le Maroc a tranché le conflit à tous les niveaux et remporté la bataille diplomatique, et que l’Algérie n’a d’autres choix que d’accepter le fait accompli et les décisions du Conseil de Sécurité. 
 
 

​Trois questions à Mohammed Badine El Yattioui : “La consécration du plan d’autonomie signifie que le Polisario dépose les armes”
Quel serait le sort du Polisario maintenant qu’on se dirige vers une solution dans le cadre de la souveraineté marocaine ?  

La consécration du plan d’autonomie implique systématiquement la dissolution du Polisario et le dépôt des armes, à l’instar du PKK en Turquie. Ses membres auraient la possibilité de se rapatrier au Maroc, à condition de se reconnaître comme citoyens marocains, en prêtant serment. Au cas où le front rejette les Résolutions du Conseil de Sécurité, il risque de sortir de la légalité internationale et, par conséquent, de se faire désigner comme organisation terroriste.
  A la lumière des récents développements, à quoi faut-il s’attendre de la prochaine Résolution du Conseil de Sécurité ?  

Nous avons trois membres permanents, dont le porte-plume, qui soutiennent officiellement la marocanité du Sahara et le plan d’autonomie. La Chine, pour sa part, est fidèle à sa neutralité bienveillante sachant qu’elle vote souvent en faveur des Résolutions favorables au Maroc, tandis que la Russie pourrait monter les enchères pour manifester une opposition symbolique mais sans effets concrets. Moscou s’abstient traditionnellement dans ce genre de situations. Les Russes ont démontré par le passé qu’ils n’hésitent pas à lâcher leurs alliés algériens quand leurs intérêts divergent. En définitive, rien ne semble perturber la prochaine Résolution, qui consacre inéluctablement le plan d’autonomie comme seule base du règlement du conflit. Donald Trump l’a réitéré récemment dans sa lettre adressée à SM le Roi.  
  Il y a des experts qui pensent que l’Algérie n’a pas de place autour de la table des négociations du moment que le plan d’autonomie est une affaire souveraine du Maroc. Qu’en pensez-vous ?  

L’Algérie n’a jamais accepté l’idée de l’autonomie puisque cette option sauvegarde la souveraineté marocaine. Alger a toujours assimilé l’autodétermination à l’indépendance. Pour l’instant, le régime voudrait même gagner du temps en retardant les échéances dans le contexte actuel qui lui est défavorable. Je ne pense pas qu’Alger soit tenté maintenant de céder. Tout dépend de la prochaine Résolution du Conseil de Sécurité. Le consentement de l’Algérie n’est pas nécessaire pour avancer puisque le contenu de l’autonomie est une affaire maroco-marocaine qui concerne la gouvernance, la fiscalité, la gestion territoriale, le transfert des compétences… Donc, les négociations directes maroco-algériennes, si tant est que l’Algérie y soit disposée, pourraient inclure d’autres volets, dont la coopération bilatérale, les frontières…
 

​Polisario : Vers le dépôt des armes ?
Le front séparatiste n’est que l’ombre de lui-même depuis des années. La caste qui régente les camps de Tindouf a conscience de la fin de la chimère de l’indépendance dont elle a bercé les populations séquestrées. Un climat de misère et de frustration règne dans ce refuge désertique où les règlements de comptes entre clans rivaux semblent devenir monnaie courante dans un contexte d’explosion du trafic de drogues et d’armes.

Depuis la libération d’El Guerguerat en 2020 par les FAR, le Polisario a perdu tous ses paris, y compris la prétendue lutte armée. Le retrait du cessez-le-feu s’est avéré calamiteux. Le front s’est discrédité aux yeux de la communauté internationale sans récolter aucun avantage. Toutes les incursions dans la zone tampon se sont soldées par des fiascos répétés avec la perte de plusieurs hauts commandants.  Maintenant, le Polisario n’a d’autre choix que de rendre les armes, faute de quoi il risque de basculer définitivement dans la liste des organisations terroristes des Etats-Unis.

Le compte à rebours a déjà commencé au Congrès américain où le Républicain Joe Wilson a déposé sa proposition de loi avec son camarade Jimmy Panetta. Si celle-ci aboutit, le front risque l’excommunication. Le texte estime que le front séparatiste représente une menace pour la paix en Afrique du Nord, vu ses liens avérés avec l’Iran et l’Algérie dont il est le proxy. Un postulat repris dans plusieurs rapports de think-tanks américains, dont le prestigieux Hudson Institute.

L’heure est à la clarté. Alors qu’on se dirige vers une solution dans le cadre de la souveraineté marocaine, le Polisario n’a d’autre choix que d’abandonner la lutte armée et rendre les armes, à l’instar du PKK en Turquie qui a fait le choix de la raison.    
 

​Plan d’autonomie : Répartition des prérogatives
Présentée en 2007, l’initiative d’autonomie permet de concilier les revendications légitimes du Maroc sur son territoire historique et le principe d’autodétermination. L’idée consiste à ce que la région puisse s’autogérer dans les limites des prérogatives qui lui seront dévolues de sorte à tirer profit de ses propres ressources. 

En gros, le plan accorde aux populations des provinces du Sud une large autonomie en matière de gestion des affaires locales, tandis que l’Etat garde les attributs de souveraineté en exerçant pleinement ses prérogatives dans la diplomatie, la sécurité, la défense nationale, les douanes… Pour sa part, la région sera dotée d’un pouvoir exécutif autonome, issu d’une Assemblée législative élue dans le cadre de la Constitution marocaine. Le Chef du gouvernement est investi par le Souverain. Dans le domaine judiciaire, la proposition marocaine ouvre la voie à la création de juridictions par le Parlement régional. L’autonomie est également prévue en matière fiscale.    
 

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