Certains médicaments sont rares, d’autres sont disponibles mais à des prix excessivement élevés par rapport au marché international. Les pharmaciens d’officine istiqlaliens expriment une inquiétude sans précédent quant à ce phénomène, et appellent à l’instauration d’une politique nationale adéquate. Décryptage.
Tout d’abord, l’Alliance des Médecins Istiqlaliens et l’Alliance des Pharmaciens Istiqlaliens se sont réjouies des avancées notables réalisées en la matière, notamment en ce qui concerne le régime «AMO Tadamoun», qui couvre désormais plus de 11,1 millions de bénéficiaires en situation de précarité.“Ces derniers continuent de profiter de la gratuité des soins médicaux et de l’hospitalisation dans les établissements de santé publics, tout en ayant accès à un panier de soins identique à celui offert par le régime d’assurance maladie obligatoire dans le secteur privé”, relève Khalid Lahlou, Président de l’Alliance des Médecins Istiqlaliens. Ce chiffre demeure très important si l’on prend en compte le nombre limité des anciens bénéficiaires du régime RAMED.
Bien que les systèmes restants soient confrontés à des défis majeurs en termes d’équilibre financier, notamment celui des travailleurs indépendants, l’AMO Tadamon, destiné aux populations les plus démunies, reste stable grâce à l’évolution des cotisations des parties contributives, selon Khalid Lahlou.
Intervenant à un moment décisif de la réforme du secteur de la Santé, ce projet nécessite l’engagement des professionnels de la Santé. D’où la nécessité, selon le professionnel, de fournir au corps médical des conditions de travail à même de susciter leur implication dans ce mouvement de changement tant attendu au sein des établissements de santé publics.
Selon lui, les assurances du ministère de la Santé concernant les réserves disponibles ne prennent pas en compte uniquement les produits finis, mais aussi ceux en cours de production ou en prévision de production, ce qui constitue un frein à l’approvisionnement continu du marché.
De plus, la question des prix élevés de certains médicaments constitue un fardeau parmi tant d’autres pour les patients, particulièrement si l’on prend en considération les écarts de prix entre le Maroc et le marché international, les marges bénéficiaires étant excessives chez nous, malgré les efforts des ministères de la Santé et du Budget pour faire baisser les prix de certains médicaments. (Voir encadré)
“Certains médicaments coûtent moins de 200 dirhams lorsqu’ils sont acquis sur le Marché Public, tandis que leurs prix de vente finaux sont multipliés par 16, voire plus, dépassant les 2000 dirhams. Certes, les professionnels justifient cet écart abyssal par le volume important de médicaments acquis et l’absence d’autres charges, mais cela reste difficilement acceptable”, alerte le pharmacien.
Mais ce n’est pas tout. La procédure, souvent longue et complexe, pour conclure des Marchés Publics dans le secteur pharmaceutique, a des conséquences notables, en particulier sur les délais d’approvisionnement. “Selon le dernier marché de la tutelle pour 2025, l’achat de 277 lots n’a pas été effectué en 2024 et, en 2025, le marché n’a pas pu satisfaire la demande de 84 lots, ce qui a retardé l’approvisionnement des pharmacies en médicaments essentiels”, indique le professionnel.
axée sur l’approvisionnement continu
Plus concrètement, cette politique d’urgence devrait se traduire, selon Karim Ait Ahmed, par la création d’un organe indépendant chargé de l’approvisionnement du marché en médicaments. Celui-ci, en tant que centrale d’achat des produits pharmaceutiques, permettrait non seulement d’unifier les prix d’achat et de vente en mettant fin à la multiplicité des acheteurs, mais aussi d’améliorer l’approvisionnement des établissements publics de santé en médicaments.
Rappelons, dans ce sens, que le gouvernement parie fort sur l’Agence marocaine du médicament, chargée de la gestion des médicaments et des produits de santé pour positionner le Royaume comme acteur clé du marché pharmaceutique régional et continental. Sa mission principale consiste à encadrer la réglementation des médicaments et autres produits de santé, optimiser la gestion du marché pharmaceutique et assurer la souveraineté médicamenteuse du pays.
En outre, le pharmacien istiqlalien insiste sur l’importance de veiller à l’application stricte de la loi contre les laboratoires qui commercialisent des médicaments sans disposer d’unités de production, tout en soutenant les producteurs nationaux, dont l’activité est principalement axée sur les génériques, en raison des perturbations d’approvisionnement en matières premières. Cela constitue d’ailleurs l’ambition phare de la politique pharmaceutique nationale pour la période 2023-2027, dont les résultats tardent encore à se faire sentir dans l’industrie pharmaceutique locale.
Les pharmaciens istiqlaliens placent la barre très haut, visant ainsi à renforcer la sécurité médicale en atteignant au moins 80% d’autosuffisance pour les médicaments essentiels, les fournitures médicales et les vaccins, y compris les stocks stratégiques, et 100% pour les médicaments liés aux maladies chroniques.
En effet, le ministère de la Santé souligne les limites du système actuel de fixation des prix, notamment face aux défis posés par l’introduction de médicaments innovants, souvent très coûteux. Ces contraintes, accentuées par la généralisation de l’assurance maladie obligatoire (AMO), mettent en péril la viabilité des mutuelles, selon le ministre Amine Tahraoui.
Pour y remédier, une stratégie intégrée a été élaborée en collaboration avec le ministère délégué chargé du Budget en vue de réviser les marges de fabrication et de distribution, dans la perspective d’aligner les prix sur les objectifs du chantier national de protection sociale.