​Sardine contre Poulet : À El Jadida, la guerre des prix affame les foyers (Reportage)

El Jadida, 21 août 2025 – Dans les allées des marchés d’El Jadida, un silence lourd remplace le traditionnel ballet des acheteurs. Face aux étals, les clients, des mains vides, font mentalement leurs comptes. Le constat est saisissant : le kilo de sardines, pilier historique de l’alimentation populaire, affiche désormais la même barrière que le poulet, avoisinant les 25 dirhams. Une parité symbolique qui sonne comme un glas pour le pouvoir d’achat des plus modestes. Reportage

Le poisson de l’affiche

« La sardine, c’était la viande du pauvre. Aujourd’hui, elle est devenue un produit de luxe », lâche, amère, Fatima Ezzahra, mère de famille. Son cabas, presque vide, en dit long sur le dilemme quotidien : une portion de poulet ou une portion de sardines, il faut choisir. « Même en période de fête, on n’avait pas vu ça. C’est incompréhensible. »

Du côté des poissonniers, la mine est aussi grise que l’écaille des rares sardines disponibles. « Les bateaux rentrent à moitié vides », explique Hassan, un vendeur dont la famille est dans le métier depuis trois générations. « Avant, une caisse de sardines était à 50 dirhams. Aujourd’hui, elle frôle les 200 dirhams. On n’est pas responsables, on subit. »

La fièvre de l’offre et de la demande

Si tous pointent une raréfaction de la ressource, les raisons de cette flambée font débat. La pêche minotière, qui transforme le poisson en farine pour l’élevage, est souvent montrée du doigt par les ONG pour son impact sur les stocks. La demande estivale explosive, portée par le tourisme et les fêtes maritimes, met une pression supplémentaire sur une offre déjà fragile.

Mais pour un économiste spécialisé dans les filières agroalimentaires, qui a préféré garder l’anonymat, ces explications ne suffisent pas. « Nous suspectons des pratiques spéculatives en amont, au niveau des enchères dans les ports. Il y a un manque de transparence criant dans la chaîne de valeur. Lorsque le prix à la source triple, l’effet est démultiplié pour le consommateur final. »

Le poulet, vainqueur par forfait ?

Curieusement, le secteur avicole, souvent touché par l’inflation des aliments pour bétail, semble tenir bon. « Le prix du poulet est stable car la filière est très structurée et subventionnée », analyse l’économiste. « La sardine, elle, dépend du bon vouloir de la mer et de l’opacité des marchés. C’est la loi de la jungle. »

Les autorités, sollicitées, se veulent rassurantes. Une source au sein de la municipalité indique que « des contrôles renforcés sont en cours pour éviter toute spéculation illicite et s’assurer de l’approvisionnement normal des marchés ». Sur le terrain, les clients attendent des actes plus que des paroles.

Alors que le soleil tape sur la place du marché, le constat est sans appel. Cette parité sardine-poulet est bien plus qu’un simple indicateur économique ; c’est le symptôme d’un profond malaise. Elle redessine, assiette après assiette, les contours inquiétants de la précarité alimentaire.

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