​Sidi Bennour : Les oubliés de Sidi Bennour, ou la chronique d’un abandon ordinaire

Dans les rues de Sidi Bennour, le silence n’est plus un gage de paix. Il est devenu l’écho pesant d’un abandon que rien ne semble enrayer. Ici, au cœur de cette ville du Doukkala, la misère psychique a pris racine au vu et au su de tous, s’imposant avec une normalité glaçante.


Chaque jour, des silhouettes errantes parcourent les trottoirs, investissent les jardins publics, s’installent à même le sol. Elles parlent seules, hurlent parfois, se replient souvent. Leur présence, autrefois rare et marginale, est aujourd’hui un fait banal – au point de ne plus susciter que résignation ou crainte.

Les habitants, eux, se taisent ou murmurent. Par peur, par fatigue, par lassitude surtout. « On a tout essayé. Alerter les autorités, interpeller les élus… mais rien ne bouge. On vit avec l’angoisse qu’un jour, il y ait un drame », confie un commerçant, regard rivé sur l’autre côté de la rue, où un homme nu-pieds marmonne face au vide.

La municipalité, elle, donne l’impression d’avoir disparu du champ d’action. Les autorités locales sollicitées à plusieurs reprises, n’ont pas donné suite. Une absence remarquée, que beaucoup interprètent comme un aveu d’impuissance. Les services sociaux, eux, évoquent le manque criant de moyens. L’argument est connu, répété, presque institutionnalisé.

Mais pendant ce temps, les enfants apprennent à détourner les yeux, les femmes à accélérer le pas, et les citoyens à s’adapter à ce que personne ne devrait tolérer. L’espace public se transforme peu à peu en zone d’ombre, sans soins, sans prise en charge, sans réponse.

Les associations locales tirent la sonnette d’alarme. Elles demandent des centres d’accueil spécialisés, des équipes mobiles de santé mentale, des campagnes de sensibilisation. En vain. Car à Sidi Bennour, la pauvreté mentale semble avoir franchi une ligne rouge que personne n’ose nommer.

Ce que vit cette ville n’est pas un simple fait divers. C’est le symptôme d’un mal plus profond : l’effacement progressif des pouvoirs publics face à leurs responsabilités humaines. Une forme de renoncement silencieux, qui pourrait bien coûter cher si rien n’est entrepris.

À Sidi Bennour, les oubliés ne réclament pas la lune. Ils demandent seulement à ne plus être invisibles.
 

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