Avec 23 centres de données opérationnels, le Maroc devance désormais l’Afrique du Sud en tant que leader continental dans ce domaine. Cette dynamique s’inscrit dans le cadre de la stratégie « Maroc Digital 2030 », visant à positionner le Royaume comme un hub numérique régional.
La loi de 2021 imposant l’hébergement des données sensibles sur le territoire national a joué un rôle déterminant, incitant les entreprises à rapatrier leurs données et stimulant la demande pour des infrastructures locales. Des acteurs majeurs tels que Maroc Telecom, Inwi, Medasys et N+One dominent actuellement le marché, tandis que des entreprises internationales manifestent un intérêt croissant pour le secteur.
L’attractivité du Maroc pour les investissements dans les centres de données est renforcée par des projets d’envergure. En 2024, la société américaine Iozera a annoncé un investissement de 500 millions de dollars pour la construction d’un centre de données à Tétouan. Par ailleurs, un partenariat de 90 millions de dollars entre African Infrastructure Investment Managers (AIIM) et N+One vise à développer les infrastructures numériques à l’échelle continentale.
Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre de la stratégie « Maroc Digital 2030 », qui ambitionne de faire du Royaume un leader régional en matière de technologies de l’information et de la communication.
La stratégie « Maroc Digital 2030 » repose sur un ensemble de piliers structurants destinés à transformer en profondeur l’écosystème numérique du Royaume. En matière d’emploi, elle ambitionne de tripler le nombre de postes dans le secteur, passant de 140.000 en 2023 à 300.000 d’ici 2030. Cet objectif est étroitement lié à une politique volontariste de formation, visant à faire émerger 100.000 talents numériques par an. À cela s’ajoutent des programmes de reconversion prévus pour 50.000 jeunes ainsi que l’attraction de 6.000 talents étrangers chaque année, dans une optique d’internationalisation des compétences.
Le soutien à l’innovation est également au cœur de cette feuille de route, avec la volonté d’augmenter le nombre de startups labellisées de 380 en 2022 à 3.000 à l’horizon 2030, tout en favorisant l’émergence de deux licornes et de dix « gazelles » — ces jeunes pousses à forte croissance. Sur le plan des infrastructures, le plan prévoit de faire passer la capacité des centres de données de 7 MW en 2022 à 40 MW d’ici 2030, tout en assurant une couverture 5G de 70 % de la population. Ces mesures, à la fois ambitieuses et cohérentes, traduisent la volonté du Maroc de s’imposer comme un hub numérique incontournable à l’échelle régionale et continentale.
La croissance des centres de données pose des défis en matière de consommation énergétique. Selon Goldman Sachs, une grande banque d’investissement américaine, les besoins énergétiques des centres de données liés à l’IA pourraient atteindre 1.000 TWh d’ici 2030. Le Maroc, qui vise 52 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2030, doit concilier cette ambition avec la demande croissante en électricité des infrastructures numériques.
Des investissements supplémentaires dans les énergies renouvelables seront nécessaires pour assurer la durabilité de cette croissance et maintenir l’attractivité du pays pour les investissements « verts ».
« Tout porte à croire que le Maroc est en mesure de jouer un rôle moteur à l’échelle régionale »
Qu’est-ce qui explique selon vous l’intérêt croissant pour le Maroc en tant que hub régional pour les centres de données ?
Comment les centres de données peuvent-ils contribuer au développement économique et numérique du pays dans les prochaines années ?
Par exemple, une startup fintech au Maroc peut héberger ses données dans un centre local sécurisé, ce qui garantit une latence plus faible, une meilleure conformité réglementaire, et un accès plus rapide à ses clients. Ce type d’infrastructure encourage aussi la création d’emplois qualifiés et l’émergence de nouvelles compétences digitales.
À quoi faut-il s’attendre dans ce domaine dans les cinq prochaines années ? Le Maroc peut-il devenir une référence en Afrique ?
– L’ouverture de nouveaux centres de données modernes ;
– Des partenariats avec des acteurs internationaux (comme ceux déjà noués par N+ONE) ;
– Le développement de programmes de formation spécialisés dans le cloud, la cybersécurité et l’IA.
Si cette dynamique continue, le pays pourra proposer des services numériques souverains, écologiques et compétitifs, au service non seulement du marché local mais aussi de l’Afrique francophone et au-delà.