L’Égyptien Khaled el-Enany a été désigné lundi comme directeur général de l’Unesco. Il aura la charge de mener pour les quatre prochaines années l’organisation, accusée d’être politisée et secouée par l’annonce du départ des États-Unis.
Cet ancien ministre des Antiquités et du Tourisme (2016-2022), égyptologue de formation âgé de 54 ans, a réuni 55 voix sur 57 lors de ce vote, qui doit désormais être formellement entériné le 6 novembre lors de la réunion de la Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture à Samarcande (Ouzbékistan). Jamais la Conférence n’est allée à l’encontre d’un choix du Conseil exécutif.
Ce parfait francophone, diplômé d’égyptologie à l’université de Montpellier, deviendra alors le premier directeur général de l’Unesco originaire d’un pays arabe, et le deuxième Africain après le Sénégalais Amadou Mahtar Mbow (1974-1987).
« Je souhaite le meilleur au Dr el-Enany pour accomplir sa noble mission », a réagi le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi dans un communiqué, évoquant une « réussite historique » pour son pays.
Khaled el-Enany prendra officiellement ses fonctions le 14 novembre, succédant à la Française Audrey Azoulay, en poste depuis 2017.
« Moderniser l’Unesco »
Devant le Conseil exécutif, il a promis lundi de travailler « main dans la main avec tous les États membres pour bâtir ensemble une feuille de route pour moderniser l’Unesco et la projeter vers l’avenir ».
Il prend les rênes d’une organisation traversée par une profonde remise en question, accusée ces derniers mois d’être politisée.
Après Israël en 2017, elle a enregistré cette année le départ du Nicaragua, annoncé en mai après l’attribution d’un prix à un journal d’opposition, et surtout des États-Unis, officialisé en juillet par l’administration Trump qui l’accuse de parti pris anti-israélien, de promouvoir « des causes sociales et culturelles clivantes » et de défendre « une feuille de route idéologique et mondialiste ».
Le départ des États-Unis ampute non seulement les finances de l’organisation – Washington fournit 8 % de son budget total – mais encore son prestige.
Khaled el-Enany a promis de s’employer à faire revenir les États-Unis, ce qu’avait réussi à faire Audrey Azoulay en 2023, six ans après la décision de Donald Trump de retirer son pays.
Devant la presse, il a déclaré vouloir « privilégier les délibérations techniques plutôt que la politisation de l’organisation, construire le consensus afin de préserver l’Unesco comme un espace de rapprochement et de solutions », dans « un monde en pleine tourmente ».
« Le défi actuel, c’est le budget. Ça va être notre priorité à tous », a-t-il ajouté.
Face à la perte des financements américains et aux réticences croissantes des pays européens, qui préfèrent orienter leurs dépenses vers la défense, Khaled el-Enany en a appelé à la « responsabilité » des États membres.
Il entend notamment attirer plus de contributions volontaires de gouvernements, notamment par le biais de systèmes d’échange de dette (« debt swap »), et de recourir davantage au secteur privé (fondations, mécènes, entreprises, etc.), dont les apports ne représentaient que 8 % du budget en 2024.
« Regard nouveau »
Durant sa campagne, Khaled el-Enany a promis d’apporter un « regard nouveau » et le savoir-faire tiré de sa carrière passée « sur le terrain » – en tant que chercheur, directeur du célèbre Musée égyptien du Caire, puis ministre – pour donner « plus de visibilité et plus d’impact » à l’Unesco.
Son passage en tant que ministre en Égypte avait été globalement salué, dans une période où ce secteur majeur de l’économie du pays, grand pourvoyeur d’emplois et de devises, avait été ébranlé par de sanglants attentats du groupe État islamique en 2017 et 2018, puis par la pandémie de Covid-19 en 2020.
Il a également supervisé la création du Musée national de la civilisation égyptienne, qui abrite depuis 2021 une dizaine de momies royales, dont celle de Ramsès II.
Son nom a toutefois été associé à des dommages causés en 2020 par des grands travaux de développement urbains dans la nécropole historique du Caire, « la Cité des morts ».
‘expulsion d’habitants précaires et le déplacement de dépouilles de ce site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco avaient suscité de vives critiques.
Le ministère dirigé par Khaled el-Enany avait alors assuré n’avoir procédé à « aucune destruction de monuments », seulement « des tombes contemporaines ».
(Avec AFP)