Le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, a accusé samedi la Chine de se préparer « à potentiellement utiliser la force militaire » en Asie-Pacifique, une région dont Washington fait son « théâtre prioritaire » dans un contexte de montée des tensions.
M. Hegseth a assuré que Pékin « souhaite dominer et contrôler » la région et « s’entraîne tous les jours » en vue d’une invasion de Taïwan, avec une multiplication des manoeuvres chinoises autour de l’île.
Pékin se prépare ainsi « clairement et de manière crédible à potentiellement utiliser la force militaire pour modifier l’équilibre des forces » en Asie-Pacifique, a estimé le dirigeant américain.
M. Hegseth a également dénoncé la multiplication des incidents impliquant des navires chinois en mer de Chine méridionale, accusant Pékin « de s’emparer et de militariser illégalement » des îles et îlots revendiqués notamment par les Philippines.
Le forum Shangri-La Dialogue rassemble chaque année des responsables issus de l’ensemble de l’Asie ainsi que du reste du monde dans la cité-Etat de Singapour.
Pour la première fois depuis 2019 cependant, la Chine n’y a pas dépêché de responsable de haut niveau.
Le représentant chinois, le contre-amiral Hu Gangfeng, a dénoncé samedi des « accusations sans fondement » destinées « à semer le trouble, à créer des divisions, à inciter à la confrontation et à déstabiliser l’Asie-Pacifique ».
Pour Washington, l’Asie-Pacifique est le « théâtre prioritaire » et les Etats-Unis « réorientent (leur stratégie) en vue de dissuader toute agression par la Chine communiste », a assuré M. Hegseth.
« L’Amérique est fière d’être de retour en Indo-Pacifique, et nous sommes ici pour y rester », a-t-il martelé.
Mais « les alliés des Etats-Unis dans l’Indo-Pacifique peuvent et doivent augmenter rapidement leurs propres moyens de défense », a-t-il souligné, citant l’Europe en exemple.
« Grâce au président Trump nos alliés et partenaires asiatiques devraient s’inspirer des pays européens, un tout nouvel exemple » en la matière, a-t-il déclaré.
Plusieurs pays européens, à commencer par l’Allemagne, ont annoncé une hausse drastique de leurs budgets militaires afin de les porter à 5% de leur PIB face à la menace du président américain de se désengager de la défense de l’Europe via l’Otan.
Egalement présente au forum, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a souligné que « l’Union européenne a changé de braquet et repensé son paradigme pour en faire un projet de paix soutenu par une défense solide ».
Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine ont été avivées par le retour au pouvoir de M. Trump, qui a notamment infligé à Pékin des droits de douane record.
Premier représentant européen à tenir le discours d’ouverture du Shangri-La Dialogue, le président français Emmanuel Macron avait appelé vendredi à « bâtir de nouvelles alliances » avec ses partenaires asiatiques pour ne pas être « les victimes collatérales » des « décisions prises par les superpuissances ».
Il a par ailleurs rappelé les autorités chinoises à ce qu’il considère être leur rôle dans la sécurité internationale.
« Si la Chine ne veut pas que l’Otan soit impliquée en Asie du Sud-Est ou en Asie, elle doit empêcher clairement la Corée du Nord d’être impliquée sur le sol européen », où elle a déployé des soldats contre l’Ukraine aux côtés de la Russie, a affirmé le dirigeant français.
Répondant à M. Macron, qui avait également établi vendredi un parallèle entre la situation de l’Ukraine et celle de Taïwan, la Chine a jugé ces derniers propos « inacceptables ».
« Les deux sont de natures différentes, et en aucun cas comparables », a réagi l’ambassade de Chine à Singapour, soulignant que pour Pékin « Taïwan est une partie inaliénable du territoire chinois ».
« Si nous considérons que la Russie peut être autorisée à s’emparer d’une partie du territoire de l’Ukraine sans restriction, sans contrainte, sans réaction de l’ordre mondial, que dira-t-on au sujet de ce qui pourrait se passer à Taïwan ? », s’était interrogé M. Macron à la tribune du forum, dont la 22e édition s’achève dimanche.