Alors que le Maroc a ratifié les principales conventions internationales en matière de droit d’asile, une récente note de la Clinique Juridique Hijra, réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll, dresse un constat alarmant sur la situation des demandeurs d’asile au Maroc.
À cette faiblesse structurelle s’ajoute l’opacité des procédures menées par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) au Maroc. Bien que ce dernier soit l’acteur central de l’instruction des demandes d’asile, les demandeurs eux-mêmes ont rarement accès aux documents les concernant. Les transcriptions des entretiens de détermination du statut de réfugié (DSR), tout comme les évaluations écrites justifiant une décision, ne leur sont généralement ni remises, ni expliquées, ajoute la même source. Seuls les représentants légaux agréés, peu nombreux, peuvent y avoir accès, et ce, de manière limitée. Cette situation, contraire aux principes internationaux de transparence et de bonne administration, «empêche les demandeurs de comprendre les raisons d’un éventuel rejet de leur dossier et les prive ainsi de toute possibilité réelle de se défendre», apprend-on de même source.
Plus grave encore, l’absence de mécanisme de recours crédible achève de fragiliser l’ensemble du système. Si un recours écrit peut être adressé au HCR en cas de rejet, il s’effectue sans base documentaire complète, rendant sa rédaction hasardeuse. Les décisions prises en appel ne sont d’ailleurs pas motivées, le HCR se contentant d’un courrier standard sans explication, indique le rapport. Quant à la Commission des Recours, prévue par le décret marocain de 1957, elle n’a jamais été mise en place. De ce fait, aucun canal administratif national ne permet aux demandeurs déboutés de contester valablement une décision défavorable. L’ultime voie de recours, celle devant le juge administratif, reste elle aussi bloquée et elle est théoriquement conditionnée à la saisine préalable de la Commission des Recours… qui n’existe pas. Le cercle est donc fermé, et les droits, rendus inaccessibles.
Les tribunaux administratifs sont pour leur part appelés à jouer un rôle de compensation face à l’inertie institutionnelle. En attendant l’activation de la Commission des Recours, ils devraient, selon le rapport, permettre aux demandeurs d’asile de déposer un recours direct contre les décisions administratives, conformément à la Constitution et aux principes de l’État de droit.
Selon le document, sans réforme sérieuse du dispositif national, «le Maroc risque de rester prisonnier d’un paradoxe juridique». Officiellement engagé dans la protection des réfugiés, le pays demeure dans les faits un espace où l’asile est reconnu sans être garanti, où les procédures existent sans être justes, et où le droit au recours se transforme en illusion. Ce décalage entre les principes et la réalité appelle une action urgente, car un système d’asile sans transparence ni recours n’est pas seulement inefficace, mais aussi injuste.