Asile au Maroc : Malgré la conformité aux normes internationales, la stagnation perdure

Alors que le Maroc a ratifié les principales conventions internationales en matière de droit d’asile, une récente note de la Clinique Juridique Hijra, réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll, dresse un constat alarmant sur la situation des demandeurs d’asile au Maroc.

I ntitulée «Asile au Maroc : l’ombre d’un système sans recours», le policy brief met en lumière les carences d’un dispositif qui, malgré des engagements internationaux clairs, peine à garantir des droits fondamentaux effectifs à ceux qui cherchent protection sur le territoire marocain. Le premier dysfonctionnement relevé concerne le Bureau des Réfugiés et Apatrides (BRA), structure administrative centrale chargée de la délivrance des documents nécessaires à l’intégration des réfugiés reconnus. En principe, ce Bureau devrait permettre à ces derniers d’accéder à une carte de séjour, condition préalable à l’exercice de droits aussi essentiels que l’accès au travail, au logement, à l’éducation ou aux soins. Or, depuis 2004, le BRA fonctionne de manière irrégulière, avec de longues périodes de suspension de ses activités, notamment entre 2004 et 2013, puis en 2015, entre 2017 et 2018, et à nouveau en 2020. Même si une reprise a été constatée en 2022, le service demeure instable, selon le rapport. Ce manque de continuité plonge les réfugiés dans une précarité juridique chronique, les empêchant de finaliser leur statut administratif, et les contraignant à une dépendance prolongée visà-vis de l’aide humanitaire.

À cette faiblesse structurelle s’ajoute l’opacité des procédures menées par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) au Maroc. Bien que ce dernier soit l’acteur central de l’instruction des demandes d’asile, les demandeurs eux-mêmes ont rarement accès aux documents les concernant. Les transcriptions des entretiens de détermination du statut de réfugié (DSR), tout comme les évaluations écrites justifiant une décision, ne leur sont généralement ni remises, ni expliquées, ajoute la même source. Seuls les représentants légaux agréés, peu nombreux, peuvent y avoir accès, et ce, de manière limitée. Cette situation, contraire aux principes internationaux de transparence et de bonne administration, «empêche les demandeurs de comprendre les raisons d’un éventuel rejet de leur dossier et les prive ainsi de toute possibilité réelle de se défendre», apprend-on de même source.

Plus grave encore, l’absence de mécanisme de recours crédible achève de fragiliser l’ensemble du système. Si un recours écrit peut être adressé au HCR en cas de rejet, il s’effectue sans base documentaire complète, rendant sa rédaction hasardeuse. Les décisions prises en appel ne sont d’ailleurs pas motivées, le HCR se contentant d’un courrier standard sans explication, indique le rapport. Quant à la Commission des Recours, prévue par le décret marocain de 1957, elle n’a jamais été mise en place. De ce fait, aucun canal administratif national ne permet aux demandeurs déboutés de contester valablement une décision défavorable. L’ultime voie de recours, celle devant le juge administratif, reste elle aussi bloquée et elle est théoriquement conditionnée à la saisine préalable de la Commission des Recours… qui n’existe pas. Le cercle est donc fermé, et les droits, rendus inaccessibles.
 

A quand la réforme ?
Face à cette situation, les auteurs du rapport appellent à une réforme en profondeur. Ils estiment indispensable que le gouvernement assure en priorité un fonctionnement stable et continu du BRA. Cela permettrait aux réfugiés reconnus par le HCR d’accéder à un statut de séjour leur garantissant des conditions de vie digne. Dans le même esprit, la mise en œuvre effective de la Commission des Recours constituerait une avancée décisive pour permettre un contrôle indépendant des décisions de rejet. En parallèle, le HCR à Rabat est invité à revoir ses pratiques. Il lui est recommandé de fournir de manière systématique aux demandeurs d’asile une copie de la transcription de leur entretien et de l’évaluation DSR, même en l’absence de représentant légal. Cette transparence minimale est essentielle pour garantir l’équité de la procédure, et devrait s’accompagner d’une justification explicite en cas de refus d’accès à ces documents.

Les tribunaux administratifs sont pour leur part appelés à jouer un rôle de compensation face à l’inertie institutionnelle. En attendant l’activation de la Commission des Recours, ils devraient, selon le rapport, permettre aux demandeurs d’asile de déposer un recours direct contre les décisions administratives, conformément à la Constitution et aux principes de l’État de droit.

Selon le document, sans réforme sérieuse du dispositif national, «le Maroc risque de rester prisonnier d’un paradoxe juridique». Officiellement engagé dans la protection des réfugiés, le pays demeure dans les faits un espace où l’asile est reconnu sans être garanti, où les procédures existent sans être justes, et où le droit au recours se transforme en illusion. Ce décalage entre les principes et la réalité appelle une action urgente, car un système d’asile sans transparence ni recours n’est pas seulement inefficace, mais aussi injuste.

Comment fonctionne l’obtention du statut ?
Toute personne souhaitant demander l’asile au Maroc doit soumettre une requête auprès du Bureau du HCR à Rabat. Le processus débute par le remplissage d’un formulaire d’enregistrement, dans lequel le demandeur fournit des informations générales sur son identité, les motifs de sa demande et les raisons de son départ du pays d’origine. Ensuite, le HCR mène un entretien d’enregistrement afin de poser des questions supplémentaires sur les informations fournies dans le formulaire d’enregistrement. Une fois la demande enregistrée, le HCR délivre un certificat de demande d’asile. Par la suite, le demandeur est convoqué à un entretien de DSR au Bureau du HCR. Cet entretien, mené par un agent d’éligibilité, vise à examiner en détail les motifs de la demande de protection. L’agent rédige ensuite une évaluation DSR motivée, qui est soumise à une supervision interne avant la prise de décision finale. Le demandeur reçoit ensuite une lettre de notification l’informant de la décision du HCR, accompagnée d’un résumé de l’évaluation DSR. Si le statut de réfugié est accordé par le HCR, le demandeur est convoqué à une audience devant le BRA afin d’obtenir une carte nationale de réfugié, également appelée carte-BRA.

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