Allal El Fassi : Cinquante ans après sa disparition, un hommage à une figure de pensée et de fidélité nationale

Le 13 mai 1974, Allal El Fassi s’éteignait à Bucarest, laissant derrière lui un legs intellectuel et politique inégalé dans l’histoire contemporaine du Maroc. À la fois penseur réformiste, militant nationaliste et acteur institutionnel, il incarne l’union rare d’une haute rigueur intellectuelle et d’un profond enracinement dans les réalités sociopolitiques du Royaume. Sa trajectoire, étroitement liée aux grands moments de la construction nationale, illustre une forme d’interaction singulière entre la pensée critique et l’autorité légitime incarnée par la monarchie. Dans un contexte où le Maroc continue de concilier tradition, modernité et souveraineté, l’œuvre de ce grand esprit reste d’une actualité saisissante.

Un nationalisme éclairé, en harmonie avec l’autorité légitime

Formé à l’Université Al Quaraouiyine, nourri par le réformisme islamique du début du XXe siècle, Allal El Fassi développe très tôt une vision du nationalisme dépassant la simple résistance. Son opposition décisive au Dahir berbère en 1930, perçu comme une tentative de segmentation du corps national, fait de lui l’un des porte-voix d’un patriotisme fondé sur l’unité du référentiel spirituel et culturel.

En 1944, la fondation du Parti de l’Istiqlal constitue une étape majeure dans l’institutionnalisation du mouvement national. Mais ce nationalisme,  se veut complémentaire d’un projet monarchique d’émancipation. Allal El Fassi reconnaît alors pleinement le rôle central du Sultan Sidi Mohammed Ben Youssef, futur Roi Mohammed V, comme garant de la continuité historique et de la légitimité politique. La convergence entre les aspirations du mouvement national et la vision réformiste du Trône scelle une alliance fondatrice, dont l’efficacité s’est avérée déterminante pour l’indépendance du Royaume en 1956.

L’Autocritique : une réforme par les idées

Publié en 1952, L’Autocritique demeure l’un des textes les plus puissants de la pensée politique marocaine du XXe siècle. Allal El Fassi y dénonce non seulement les effets du colonialisme, mais aussi les blocages internes : féodalité, immobilisme social, déficit éducatif. Il appelle à une refondation des mentalités par l’éducation, la rigueur éthique et la mobilisation citoyenne. Ce projet intellectuel rejoint, dans son esprit, les réformes impulsées par le Feu Roi Mohammed V en matière de modernisation administrative et d’unification éducative.

Cette approche ne fait pas de la réforme un simple processus technique, mais une renaissance culturelle et spirituelle. En cela, Allal El Fassi contribue, par ses idées, à nourrir la vision d’un Maroc autonome, modernisé et fidèle à ses fondamentaux, telle que portée par la monarchie marocaine dans les années de transition.

Une pensée régionaliste ancrée dans l’universalisme arabo-musulman

Durant ses années d’exil, notamment en Égypte, Allal El Fassi ne cesse d’élargir ses horizons intellectuels. Il prend part à la création du Comité de libération du Maghreb arabe et s’emploie à inscrire la question marocaine dans un cadre de solidarité régionale et civilisationnelle. Ses liens avec Abdelkrim El Khattabi, Ferhat Abbas et Habib Bourguiba illustrent une stratégie diplomatique visionnaire, fondée sur la coordination maghrébine comme réponse aux défis de la décolonisation.
En parallèle, son attachement à la cause palestinienne, sa participation active à la Ligue arabe et sa défense de l’unité du monde musulman témoignent d’un nationalisme ouvert, enraciné dans une culture du dialogue et de la justice. Dans tous ces engagements, il défend la souveraineté du Maroc dans son cadre historique, avec la monarchie comme garant de la stabilité et de la continuité étatique.

Une loyauté éclairée, socle d’une pensée institutionnelle

Après l’indépendance, Allal El Fassi retrouve pleinement sa place au sein de l’édifice national, où son engagement intellectuel et politique trouve un terrain d’expression à la hauteur de ses convictions. En sa qualité de ministre d’État chargé des Affaires islamiques entre 1961 et 1963, il joue un rôle déterminant dans la structuration des institutions religieuses, contribuant à l’ancrage d’un islam marocain fidèle à la tradition malikite, empreint de spiritualité, et attentif aux mutations de son époque.
Cette œuvre de consolidation doctrinale et institutionnelle s’inscrit en parfaite résonance avec la vision du Trône, qui veille à concilier authenticité religieuse et adaptation éclairée aux dynamiques sociétales. En œuvrant dans cette direction, Allal El Fassi ne fait que prolonger l’effort royal pour garantir à la Nation une cohésion spirituelle durable, à même de soutenir les ambitions d’un Maroc souverain, moderne et fidèle à ses fondements.

Un legs vivant pour un Maroc en mutation

Le Maroc du XXIe siècle, engagé dans des réformes majeures, peut encore puiser dans la pensée d’Allal El Fassi des ressources conceptuelles et éthiques fondamentales. Sa défense d’une éducation intégrale, son appel à la justice sociale, sa dénonciation des dérives clientélistes et sa conception inclusive de l’identité marocaine offrent des repères stables dans un monde en recomposition.

Il fut parmi les premiers à penser la nation marocaine comme une synthèse vivante des héritages amazigh, arabe, islamique et africain,  source de la richesse et de la diversité du patrimoine culturel national. Cette vision d’une identité plurielle mais cohérente rejoint aujourd’hui les orientations fondamentales de la monarchie, qui veille à préserver l’unité du pays tout en valorisant ses diverses expressions culturelles et régionales.
 

​Conclusion : Allal El Fassi, intellectuel du lien et de la projection
Allal El Fassi fut bien plus qu’un militant : il incarna un pédagogue de la souveraineté, un artisan discret de l’édifice institutionnel marocain, et un partenaire engagé de la monarchie dans la construction du projet national. Son indépendance d’esprit fut le moteur d’un dialogue fécond entre la réflexion intellectuelle et l’autorité légitime.

Relire aujourd’hui son œuvre ne relève pas d’un simple devoir de mémoire, mais d’une nécessité de réactivation d’une pensée vivante, apte à éclairer les enjeux actuels et à nourrir une ambition collective pour l’avenir du Royaume. Dans un monde traversé par l’incertitude, le legs de ce grand esprit marocain nous enseigne que l’élan national puise sa force dans l’harmonie entre la fidélité aux fondements et l’audace du renouveau.

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