Il s’est éteint dans le silence, à l’image d’une vie marquée par la discrétion, mais aussi par l’excellence. Sur le terrain, M’hammed Larache imposait sa présence avec autorité, clairvoyance et charisme. En dehors, il restait humble et réservé.
Premier et seul arbitre marocain désigné par la FIFA pour officier un match en Europe (Malte–Turquie, éliminatoires de la Coupe du Monde 1978), Larache fut reçu par les plus hauts dirigeants du monde arabe et africain.
Pourtant, ses funérailles, dans son pays, se sont déroulées dans l’indifférence presque générale.
Hormis quelques proches, des membres de la Fondation Mohammed VI pour les champions et deux journalistes f (Hassan El Basri et Abou Sahl), rares furent ceux qui ont pris la peine de l’accompagner pour son dernier voyage.
M’hammed Larache méritait un hommage national.
À défaut, il nous laisse une leçon d’humilité… et une profonde tristesse.
Allah yarhamou.
Par Hassan El Basri (sujet traduit de l’arabe)
L’arbitre international M’hammed Larache a passé deux semaines en soins intensifs sans que personne ne s’interroge sur les raisons de son absence.
Il est entré à la clinique debout, marchant la tête haute, et en est sorti envelopper dans un linceul blanc. Et puisque la mort, dans les cliniques privées, s’apparente à un impôt — « paie d’abord, puis viens te plaindre » —, sa famille n’a trouvé d’autre recours que de se plaindre à Dieu, l’Unique.
À ses funérailles, de nombreux visages familiers ont brillé par leur absence, des visages que le défunt avait pourtant formés et inspirés. Car lorsqu’un arbitre meurt, ce ne sont ni les présidents de clubs, ni les entraîneurs, ni les joueurs qui l’accompagnent, mais quelques anciens arbitres, des historiens, et des journalistes souvent plus en quête de sensationnalisme que de recueillement.
Lors de la veillée funèbre, beaucoup de ses anciens collègues arbitres ont brillé par leur absence, donnant l’impression que le défunt leur brandissait un carton rouge en guise de reproche, pour un adieu qui ressemblait plus à un huis clos qu’à une cérémonie.
La famille du défunt a reçu des condoléances venues de Syrie, du Liban, d’Algérie, d’Egypte, du Soudan
, de Tunisie, de Libye, d’Arabie saoudite et des Émirats.
En revanche, les arbitres marocains avec qui il partageait la passion du sifflet et avec qui il avait affronté mille épreuves ont, pour la plupart, ignoré l’événement, bien qu’ils n’aient été séparés de la tombe ou de la maison du défunt que par quelques minutes de route.
Des représentants de la Fondation Mohammed VI pour les sportifs champions étaient présents, ainsi que quelques membres de l’Association Sport et Amitié, quelques anciens arbitres, et la famille du défunt.
es autres ont brillé par leur absence, même ses propres élèves- arbitres.
Parmi les absents, d’anciens joueurs qu’il avait aidés à intégrer la société de transport urbain, ou encore des arbitres qui s’accrochaient jadis à son veston dans l’espoir de suivre son exemple.
M’hammed Larache, issu de la tribu des Oulad Saïd, n’était pas un arbitre ordinaire. Sa haute stature imposait naturellement le respect sur le terrain, et il surveillait le jeu tel un drone scrutant chaque recoin du terrain.
Son style d’arbitrage, sa forte personnalité et son leadership naturel mériteraient d’être enseignés dans les écoles régionales d’arbitrage et lors des séminaires des juges du terrain.
Il avait été reçu par le président égyptien Hosni Moubarak, le leader libyen Mouammar Kadhafi, le président guinéen Ahmed Sékou Touré, ainsi que par des présidents de la FIFA et de la CAF. Même l’ancien ministre des Affaires étrangères Mohammed Boucetta le rencontrait lors de dîners officiels à l’étranger, au point qu’on le croyait diplomate.
Lorsqu’il fut contraint de prendre sa retraite, il s’éloigna complètement des matches du championnat et des plateaux télé consacrés à l’analyse arbitrale.
Il se retira dans une mosquée près de sa maison dans le quartier « Le’Plateau ».
Il s’entraînait quotidiennement au stade du Wydad sans que personne ne mette en doute sa neutralité. Demandez au coach Mustapha Bettlache pourquoi il s’absentait systématiquement du banc du Wydad chaque fois que Larache arbitrait son équipe.
Même lorsque les joueurs du Maghreb de Fès ne se présentèrent pas à leur match contre le Wydad – match autour duquel planait la question : « Pourquoi le bus n’est-il pas venu de Fès ? » – Larache était prêt à diriger la rencontre, jusqu’à ce qu’il constate l’absence des visiteurs et annonce l’évacuation du stade.
Larache fut le premier, et le dernier — arbitre marocain désigné par la FIFA pour diriger un match européen entre Malte et la Turquie dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du Monde 1978 en Argentine en dehors des tournois fermes.
Une première dans l’histoire de l’arbitrage africain.
Mais tout son palmarès et tout son rayonnement n’ont pas suffi.
Ses performances et son parcours n’ont pas attiré ni les compagnons de route ni les dirigeants et ni les responsables.
Tous les faire-part publiés sur les réseaux sociaux n’ont pas réussi à ramener les gens à ses funérailles.