Interview avec Adil Belhouari « L’utilisation de l’IA dans le secteur bancaire en est encore à ses balbutiements »

De plus en plus, des prestataires de services financiers utilisent l’Intelligence Artificielle (IA). Adil Belhouari, directeur général du Centre d’excellence pour l’Intelligence Artificielle, la science et l’analyse avancée des données de la Riyad Bank, nous parle de cette tendance. Explications.

On parle de plus en plus d’Intelligence Artificielle dans le secteur bancaire. Est-ce une tendance qui a vu le jour récemment ?  
 

J’aimerai d’abord souligner que l’Intelligence Artificielle (IA) dans le secteur bancaire n’est pas une tendance nouvelle par elle-même, mais son adoption et son développement se sont accélérés, ces dernières années, et son utilisation connaît beaucoup d’innovations et de créativités qui ont transformé complètement notre activité.

A mon avis, cette accélération s’est accentuée par l’utilisation des technologies avancées avec l’automatisation, la puissance des calculs et les systèmes de gestion de données. Par ailleurs, l’IA a commencé à prendre une ampleur significative au cours de la dernière décennie, avec l’amélioration des algorithmes, la puissance de calcul et la disponibilité des données massives.

Ainsi, les banques utilisent l’IA déjà depuis un certain temps pour l’aide à la décision, à travers des analyses prédictives, la gestion des risques, et l’optimisation des opérations. 

Bien que cette technologie soit utilisée dans le secteur bancaire, depuis un certain temps, son adoption et son impact se sont intensifiés récemment. Cette tendance continuera sûrement à évoluer tant que la technologie progresse et que les besoins des consommateurs changent.
 

Peut-on dire que l’on est encore aux balbutiements au Maroc ?
 

Je pense que le Royaume est en pleine ascension dans le domaine de l’IA. Cependant, et comme de nombreux pays à travers le monde, le Maroc est toujours en train d’explorer et de découvrir les potentialités de l’IA et de mettre en place les infrastructures nécessaires pour son utilisation à l’échelle.

Ainsi, certaines banques marocaines ont déjà commencé à explorer et à intégrer des solutions basées sur l’IA, notamment pour améliorer le service à la clientèle, l’analyse de données, et la détection de fraudes. Cependant, l’adoption à grande échelle reste limitée par rapport à d’autres régions du monde.

Pour cela, la Banque Centrale et les établissements financiers ainsi que les Fintech doivent mettre en place un cadre réglementaire et organisateur de l’utilisation de l’IA pour encadrer son développement et protéger les organisations et les citoyens.

Aussi, le développement des compétences et des professionnels dans ce domaine est crucial.En général, bien que le Maroc fasse des progrès dans l’adoption et l’utilisation de l’IA dans le secteur bancaire, on peut dire qu’il est encore à ses balbutiements, en comparaison avec des marchés plus avancés.

A mon sens, si le pays est encore en phase de rattrapage par rapport aux Etats les plus avancés, le Maroc dispose de tous les atouts pour devenir un acteur majeur de l’IA en Afrique et au-delà.
 

Selon votre expérience, quelles sont les opportunités ouvertes dans le secteur bancaire grâce à cette Intelligence ? 

Sur la base de ce qui se passe dans le secteur bancaire dans les pays les plus avancés, l’IA artificielle offre aux banques de nombreuses opportunités pour se transformer, réaliser leurs objectifs stratégiques, renforcer leur compétitivité et améliorer l’expérience de leurs clients. En exploitant donc tout le potentiel de l’IA, les banques peuvent devenir des entreprises plus agiles, plus innovantes et mieux adaptées aux attentes des consommateurs.

A Riyad Bank, notre vision et aspiration est de maximiser la valeur générée pour l’institution à travers l’utilisation optimale des données pour réaliser l’un des quatre objectifs suivants : augmenter les revenus et identifier de nouvelles opportunités d’affaires ; réduire les coûts et améliorer l’efficience opérationnelle de l’organisation ; rendre les interactions avec la Banque plus paisibles et amélioration de l’expérience-client. Enfin, il s’agit de contribuer à élever la valeur et l’image de la Banque dans le marché.

En résumé, l’IA constitue un véritable levier pour les banques, leur permettant d’améliorer leur efficacité, réduire leurs coûts, trouver de nouvelles opportunités d’affaires, attirer et fidéliser les clients, et se préparer à l’avenir.
 

Selon vous, faut-il s’en remettre aux outils basés sur l’IA pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent ?  
 

Je suis convaincu que l’IA offre un potentiel énorme pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent, la fraude et les crimes financiers en général. Cependant, son efficacité et sa puissance s’amplifient avec l’utilisation de l’expertise humaine de manière complémentaire et efficace. 

Une approche équilibrée et pragmatique entre le pouvoir de la technologie et l’expertise des professionnels est nécessaire pour tirer le meilleur parti de cette technologie tout en minimisant les risques.

Dans le domaine de la lutte contre les crimes financiers et en particulier la lutte contre le blanchiment d’argent, l’IA est utilisée principalement pour aider les banques à adopter des approches détective, prédictive, prescriptive et préventive.

En conclusion, ce support et cette contribution significatifs de l’IA pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent ne sont et ne seront jamais là pour remplacer l’apport de l’expertise humaine.
 

A quel point l’Intelligence Artificielle pourrait-elle redéfinir la façon dont les banques fonctionnent et interagissent avec leurs clients ?
 

Durant les cinq dernières années, j’ai été témoin de comment les banques essayaient de maximiser la valeur à travers l’utilisation de l’IA pour transformer la façon dont elles communiquent et servent leur clientèle. On peut citer, dans ce sens, plusieurs exemples qui illustrent la nature de cette utilisation :

D’abord, l’hyperpersonnalisation des offres et des services : dans ce cas, l’utilisation de l’IA nous permet de bien comprendre le profil et les préférences de nos clients, ce qui facilite la conception des produits, services et offres sur mesure ainsi que l’implémentation du concept de l’expérience omni canal (Omni-Channel) pour permettre aux clients d’interagir avec leurs banques via le canal de leur préférence. 

L’autre exemple est l’automatisation et l’optimisation des tâches opérationnelles : l’IA peut être un bon facilitateur pour atteindre l’excellence opérationnelle à travers la robotique, l’automatisation des processus, la gestion des risques et la prise de décision.
Il y a aussi la notion d’IA Générative (Gen AI). Celle-ci permet aux banques d’offrir un service client 24/7 via des Chatbots et des assistants virtuels alimentés par l’IA, rendant les services financiers plus accessibles.
 

Pensez-vous que l’avenir des services financiers au Maroc est lié à l’intégration de l’IA ?

Personnellement, je crois profondément en l’intégration de l’IA dans le secteur financier au Maroc comme opportunité pour transformer et améliorer l’accessibilité aux produits/services, le développement des affaires, l’efficacité, la sécurité et l’innovation des services financiers.

Cela contribuera non seulement à renforcer la compétitivité des institutions financières marocaines, mais aussi à favoriser une meilleure inclusion financière pour l’ensemble de la population.

L’adoption de l’IA comme un actif principal pour le Royaume sera un catalyseur majeur de la transformation digitale et son accélération. Aussi, l’intégration de l’IA permettra aux banques marocaines de se démarquer de la concurrence en offrant des services plus personnalisés, plus rapides et plus efficaces.

A mon avis, l’IA va devenir un facteur indispensable pour réaliser l’inclusion financière pour les Marocains, améliorer la sécurité des clients et offrir des produits et services innovants.

Cependant, pour que cette transformation soit réussie, il est essentiel pour les dirigeants du secteur de prêter beaucoup d’attention aux défis associés, tels que : la réglementation, la sécurité des données et la formation.
 

Recueillis par Safaa KSAANI

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