Interview avec Dalila Ennaciri : « La gestion des syndics est encore en phase de structuration »

Dalila Ennaciri a insufflé un vent de fraîcheur dans le secteur de la gestion de syndics au Maroc. Fondatrice de GESTIS, elle nous parle de son parcours, des défis rencontrés et de sa vision pour l’avenir de la copropriété.

Face aux mutations sociétales et à l’évolution de l’immobilier au Maroc, la gestion de syndics est aujourd’hui une nécessité. D’abord, quel état des lieux dressez-vous de la gestion de syndics au Royaume ? 

La gestion des syndics au Maroc est encore en phase de développement et de structuration. Bien que des avancées notables aient été réalisées ces dernières années, notamment grâce à une sensibilisation accrue des copropriétaires et à l’évolution du cadre législatif, plusieurs défis subsistent. Parmi eux, la mise en œuvre effective des règlements de copropriété et le recouvrement des charges restent des points de tension récurrents. De plus, la formation et la qualification des syndics ne répondent pas toujours aux exigences croissantes du secteur, ce qui peut entraîner des lacunes dans la gestion et l’entretien des résidences.

Pour améliorer la situation, il est indispensable de professionnaliser davantage la filière, en instaurant des certifications obligatoires et en renforçant les contrôles. Une meilleure coordination entre les acteurs du secteur, notamment les promoteurs, les syndics et les copropriétaires, serait également bénéfique pour garantir une gestion efficace et durable des copropriétés.
 

C’est ce qui vous a motivé à créer en 2016 la GESTIS, une société de gestion immobilière et de services ?

Quand je suis rentrée au Maroc en 2013, après plusieurs années passées à l’étranger, j’ai découvert avec surprise et une certaine stupéfaction la réalité du métier de syndic dans mon pays. Le contraste était frappant : alors que la valeur du mètre carré ne cessait de grimper, l’organisation et la qualité de la gestion de syndics semblaient rester figées dans un cadre désordonné et souvent informel.

C’est à ce moment-là que l’idée de créer GESTIS a commencé à germer. Je voulais contribuer à combler ce fossé, non seulement en professionnalisant ce secteur, mais aussi en redéfinissant les attentes des copropriétaires. En 2016, GESTIS a vu le jour avec une mission claire : instaurer une gestion éthique, rigoureuse et surtout transparente.

Nous avons fait le pari d’une communication proactive, d’une clarté totale des comptes et d’une réactivité sans faille. Chaque résidence que nous gérons devient une véritable communauté où les copropriétaires se sentent écoutés et accompagnés. GESTIS, ce n’est pas seulement une entreprise, c’est la concrétisation d’une vision : celle de donner aux copropriétés marocaines la gestion qu’elles méritent, au service d’un habitat durable et harmonieux.
 

Quelle lecture faites-vous des principales lois et réglementations régissant la copropriété au Maroc ?

Les deux principales lois qui encadrent la copropriété au Maroc sont la loi 18-00 et la loi 25-90. La loi 18-00 concerne principalement les copropriétés verticales, tandis que la loi 25-90 s’applique aux résidences horizontales. Ces textes offrent une base légale essentielle pour organiser la vie en copropriété, notamment en ce qui concerne les assemblées générales, les règles de majorité et les responsabilités du syndic.

Cependant, leur application sur le terrain reste un défi. Il est crucial d’encourager une meilleure compréhension de ces lois parmi les copropriétaires et d’instaurer des mécanismes pour garantir leur respect et efficacité. Je pense par exemple à l’obligation de notification du débiteur pour obtention d’une injonction de paiement. Ceci pénalise la caisse du syndicat et prolonge les délais de recouvrement puisqu’on passe d’une procédure en référé à un procès dans le fond. 
 

Quels sont les principaux enjeux de la gestion d’une copropriété ?

Les enjeux sont nombreux et touchent plusieurs aspects. Tout d’abord, il y a la gestion financière, qui nécessite une rigueur absolue pour assurer une transparence totale et éviter les déficits budgétaires. Ensuite, la communication est essentielle pour garantir une relation de confiance entre le syndic et les copropriétaires. 

Enfin, l’entretien des espaces communs et la résolution des litiges sont des défis quotidiens. Un autre enjeu, souvent sous-estimé, est la sensibilisation des copropriétaires à leurs droits et devoirs, car une copropriété bien gérée repose aussi sur leur implication active.

  Quels sont les types de litiges les plus fréquents en copropriété au Maroc ?

Les litiges liés à la gestion financière restent parmi les plus sensibles, car ils touchent directement à la confiance envers le syndic et à la pérennité des services de la copropriété. Par ailleurs, des tensions naissent souvent lorsque des copropriétaires perçoivent une inégalité dans l’application des règles ou une absence de fermeté face aux manquements. Enfin, la méconnaissance des lois et règlements par certains copropriétaires aggrave parfois les conflits, rendant leur résolution plus complexe. Une gestion rigoureuse et une communication proactive sont essentielles pour limiter ces situations.
 

Des conflits entre copropriétaires, il y en a presque quotidiennement. Quelles sont les procédures à suivre pour résoudre un conflit entre copropriétaires ?

La gestion des conflits entre copropriétaires repose sur une approche structurée et professionnelle. Tout d’abord, il est essentiel d’établir un diagnostic précis de la situation en recueillant les faits et en écoutant les différentes parties concernées. Une fois les causes identifiées, le syndic peut organiser une réunion de conciliation pour favoriser un échange constructif, en veillant à respecter les droits de chacun. Si aucune solution amiable n’est trouvée, une assemblée générale peut être convoquée afin que les copropriétaires puissent voter sur des résolutions claires. 

Autrement dit, en cas d’impasse, le recours à un médiateur agréé ou à une procédure judiciaire peut être envisagé. Toutefois, l’objectif reste toujours d’encourager des solutions collaboratives et rapides, dans le respect du règlement de copropriété et des lois en vigueur. Une gestion proactive et transparente est la clé pour éviter que ces conflits ne perturbent durablement la vie en copropriété.
 

Recueillis par
Safaa KSAANI

Dalila Ennaciri, une visionnaire de la gestion immobilière au Maroc
Dalila Ennaciri est une figure marquante de la gestion immobilière au Maroc. De retour au Royaume après plusieurs années passées à l’étranger, Dalila Ennaciri a été frappée par le décalage entre la croissance du marché immobilier et la qualité de la gestion des copropriétés. Ce constat l’a profondément marquée et a suscité en elle une volonté de changer les choses. C’est dans ce contexte qu’en 2016, sa société GESTIS a vu le jour. Pour Dalila Ennaciri, il ne s’agissait pas simplement de créer une nouvelle entreprise de gestion immobilière, mais de porter une vision, celle d’une copropriété où les résidents se sentent écoutés, où la transparence est la règle et où la gestion est rigoureuse. En créant GESTIS et en présidant l’Association Marocaine de la copropriété (AMCOP), Dalila Ennaciri a souhaité offrir aux copropriétés marocaines une gestion de qualité, à la hauteur de leurs attentes. Son ambition est de contribuer à l’amélioration du cadre de vie des Marocains et de faire de la copropriété un modèle de vie harmonieuse et durable.

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