Mais le Maroc n’est pas la France. Et s’il est légitime de s’informer des démarches étrangères, il est tout aussi essentiel de rappeler que notre pays dispose de repères propres – constitutionnels, culturels, juridiques et spirituels – pour définir son propre chemin.
Un modèle d’ailleurs, une vision d’ici
Le rapport de la Cour de cassation française propose des pistes intéressantes sur le plan de la structuration des données judiciaires, de la recherche documentaire automatisée ou encore de l’assistance à la rédaction. Mais il insiste également sur des principes de fond : transparence, frugalité technologique, maîtrise humaine et respect des droits fondamentaux.
Ces principes font écho à certaines aspirations partagées. Pourtant, le Maroc ne peut ni ne doit transposer des dispositifs sans les contextualiser. Car notre justice repose sur des fondements spécifiques :
– Une Constitution qui articule droits universels et constantes nationales ;
– Une culture juridique nourrie par la pluralité des sources du droit ;
– Et une éthique publique en dialogue permanent avec les principes de l’islam, éclairés par les conseils des oulémas.
Un socle marocain pour une IA judiciaire éthique
Dans un article précédent, nous avions proposé que la Cour des comptes du Maroc puisse initier une évaluation des politiques publiques d’intelligence artificielle. Il s’agissait d’une proposition d’anticipation, destinée à poser les bases d’un audit souverain, progressif et éthique de l’IA dans les institutions.
Dans le champ judiciaire, la même logique pourrait s’appliquer, avec encore plus de rigueur et de vigilance. Car il ne s’agit pas ici de gagner en productivité, mais de préserver les équilibres du procès équitable, la légitimité du juge, et la confiance des citoyens dans le système judiciaire.
Cinq pistes pour une approche marocaine
1. Créer une cellule de veille et d’éthique sur l’IA judiciaire, rattachée à la Cour de cassation marocaine ou au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
2. Définir une charte marocaine d’usage de l’IA en justice, en dialogue avec les valeurs de l’islam, les exigences de transparence et les impératifs de souveraineté.
3. Former les magistrats aux enjeux de l’IA : non pour les transformer en techniciens, mais pour leur permettre de garder la main, en connaissance de cause.
4. Éviter toute forme de délégation de la décision judiciaire à une IA, quelle que soit sa sophistication.
5. Favoriser un débat national pluraliste, associant juristes, informaticiens, sociologues, oulémas et citoyens.
S’inspirer d’autres modèles, comme celui de la Cour de cassation française, peut être utile. Mais l’essentiel est de rester fidèle à notre propre vision de l’humain, du droit et du vivre ensemble.
L’IA peut devenir un outil de service public. À condition de rester à sa juste place.