L’intelligence artificielle, catalyseur de réinvention de l’action publique au Maroc

Lors des premières Assises nationales de l’intelligence artificielle tenues à Rabat, Amine El Mezouaghi, directeur général de l’Agence de Développement du Digital (ADD), a livré une intervention marquante sur le rôle stratégique de l’IA dans la transformation de l’administration publique. Plus qu’un outil technologique, l’intelligence artificielle y a été pensée comme un levier de réinvention de l’action publique, une vision que je partage pleinement et que je développe dans mes récents travaux sur la gouvernance systémique de l’IA.

À travers son propos, El Mezouaghi a clairement affirmé une conviction : l’IA n’est pas une fin, mais un moyen. Un moyen de bâtir une administration plus agile, plus équitable, plus réactive aux attentes citoyennes. Ce positionnement s’inscrit dans une logique de valeur publique augmentée, que j’ai décrite comme l’une des clefs de la souveraineté numérique marocaine. La transformation numérique de l’État ne se limite pas à la dématérialisation des procédures : elle suppose une redéfinition du lien entre administration et société, dans une logique de co-construction.
L’intelligence artificielle, bien utilisée, permet de simplifier les démarches, personnaliser les services, anticiper les besoins des citoyens, mais surtout de fluidifier une relation trop souvent verticale et cloisonnée. Cette dynamique nécessite cependant un socle de données publiques de qualité, interopérables, éthiques et gouvernées de façon souveraine. C’est l’un des piliers de ce que j’appelle dans mon livre « Gouverner l’IA » le modèle MrabaData : un modèle de gestion informationnelle ancré dans les réalités locales et respectueux des droits fondamentaux.

Le directeur de l’ADD a aussi insisté sur la montée en compétences des agents publics. Cette dimension est essentielle : il ne peut y avoir de transformation sans appropriation humaine. L’IA ne remplace pas l’humain, elle le prolonge. Mais ce prolongement suppose des investissements massifs dans la formation continue, le renforcement des capacités et l’intelligence collective. Il ne s’agit pas uniquement de former des techniciens, mais des agents capables de comprendre les implications éthiques, organisationnelles et sociales de l’IA dans leur métier quotidien.

Cette approche s’aligne avec l’épistémologie systémique que je propose dans mes écrits, en particulier dans « L’intelligence artificielle au Maroc – Souveraineté, inclusion et transformation systémique ». La transformation numérique ne se décrète pas : elle se conçoit comme un processus systémique d’apprentissage, d’expérimentation et de co-évolution, dans lequel l’administration, le citoyen, les territoires et les technologies dialoguent continuellement.

Ainsi, cette intervention vient confirmer que le Maroc avance vers une vision responsable, inclusive et stratégique de l’intelligence artificielle dans la sphère publique. À condition de ne pas tomber dans le piège de l’automatisation aveugle ou du solutionnisme technologique. L’IA ne vaut que par les valeurs et les finalités qu’elle sert. Elle peut devenir un formidable vecteur de justice sociale, de simplification des rapports aux institutions, et de renforcement de la confiance dans l’action publique – à condition d’être gouvernée avec lucidité, éthique et courage.

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