​M. Abdellatif Jouahri : un diagnostic lucide et une vision ambitieuse pour l’économie marocaine

Dans le cadre de l’audience royale solennelle tenue au Palais Royal de Tétouan en juillet 2025, M. Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, a présenté à Sa Majesté le Roi Mohammed VI le rapport annuel relatif à la situation économique, monétaire et financière du Royaume pour l’exercice 2024. Fidèle à une tradition d’excellence et de rigueur, ce discours se distingue par la profondeur de son analyse et la clarté de ses orientations stratégiques. M. Jouahri dresse un diagnostic économique précis et réaliste tout en esquissant une feuille de route pour une croissance durable, résiliente et inclusive, dans un contexte mondial en pleine évolution.

1. Un diagnostic économique nuancé et réaliste
M. Jouahri ouvre son intervention en soulignant la complexité du contexte international qui demeure marqué par une volatilité économique exacerbée, aggravée par des perturbations géopolitiques persistantes et des conditions climatiques défavorables, notamment une série de sécheresses sévères impactant durablement le secteur agricole. Malgré ces vents contraires, l’économie marocaine a réussi à afficher une croissance solide de 3,8 % en 2024, résultat remarquable dans un environnement exogène difficile.

Cette croissance est largement tirée par la diversification productive, notamment le secteur non agricole qui a progressé de 4,8 %, reflet d’une stratégie économique volontariste de réduction de la dépendance aux secteurs traditionnels. La dynamique du secteur industriel, notamment l’automobile et l’aéronautique, conjuguée à la vigueur des services, illustre la montée en gamme de l’économie marocaine.

Par ailleurs, la maîtrise de l’inflation à un niveau historiquement bas de 0,9 % atteste de la prudence et de l’efficacité de la politique monétaire conduite par Bank Al-Maghrib. Cette maîtrise a permis deux baisses successives du taux directeur, visant à stimuler l’investissement et la consommation sans compromettre la stabilité financière ni alimenter des pressions inflationnistes, dans un cadre macroéconomique sain.
 

2. Des défis persistants sur le marché du travail
Malgré la création de 82 000 emplois en 2024, la situation sur le marché du travail reste préoccupante. Le taux de chômage, à 13,3 %, demeure élevé, notamment chez les jeunes diplômés et les populations urbaines en expansion. Ce déséquilibre structurel entre offre et demande d’emploi souligne la nécessité impérative de renforcer les politiques d’emploi, en mettant l’accent sur la formation professionnelle, la montée en compétences et l’émergence de nouveaux secteurs porteurs.

Cette tension sur le marché de l’emploi reflète une double exigence : d’une part, accélérer la transformation du tissu productif vers des secteurs à forte valeur ajoutée et, d’autre part, favoriser l’inclusion sociale pour éviter les fractures socio-économiques.
 

3. Des finances publiques sous contrôle, condition sine qua non de la stabilité
Le rapport met en lumière une gestion budgétaire rigoureuse, avec un déficit public contenu à 3,9 % du PIB, une performance saluée dans un contexte mondial difficile. Cette gestion est le fruit d’une politique fiscale dynamique et de l’exploitation de mécanismes innovants de financement, permettant d’améliorer l’efficience des dépenses publiques tout en préservant des marges de manœuvre.

La consolidation des finances publiques est un pilier essentiel pour maintenir la confiance des investisseurs et soutenir la stabilité macroéconomique du pays, surtout dans un environnement mondial caractérisé par des tensions inflationnistes et des hausses des taux d’intérêt.
 

4. Equilibres extérieurs résilients et réserve stratégique solide
M. Jouahri insiste sur la résilience des équilibres extérieurs du Maroc, avec un déficit du compte courant limité à 1,2 % du PIB. Cette performance repose sur une diversification accrue des sources de devises : exportations industrielles, phosphates et dérivés, recettes touristiques, ainsi que les transferts des Marocains Résidant à l’Étranger (MRE).

Le renforcement remarquable des réserves de change,  qui dépassent désormais 375 milliards de dirhams, soit près de six mois d’importations, constitue un atout stratégique majeur. Cette position de liquidité confortée offre au Royaume une capacité accrue à absorber les chocs externes et à sécuriser son financement extérieur face aux incertitudes globales.
 

5. Une vision stratégique ancrée dans la réforme et l’innovation
Le Gouverneur rappelle que la transformation économique du Maroc repose depuis deux décennies sur une Vision Royale ambitieuse, visant à engager des réformes institutionnelles, économiques et sociales profondes. L’investissement massif dans les infrastructures modernes, l’accélération de la digitalisation et la diversification sectorielle illustrent cette stratégie nationale intégrée.

Cependant, les chocs exogènes successifs, tels que la crise sanitaire, les fluctuations des marchés mondiaux et les conditions climatiques extrêmes, ont mis en évidence l’urgence d’accélérer les réformes, notamment celles relatives à la souveraineté énergétique, hydrique et alimentaire du pays. Ces priorités doivent s’inscrire dans une logique d’adaptation proactive face aux défis contemporains.
 

6. Un appel à l’action publique dynamique et ciblée
Pour garantir la pérennité de la dynamique économique, M. Jouahri a mis en avant trois priorités essentielles :

❖ Renforcer la résilience face aux chocs externes en améliorant la gouvernance et en consolidant le tissu productif national.
❖ Assurer l’agilité des politiques publiques, via un suivi rigoureux et une évaluation continue des réformes.
❖ Préserver les équilibres macroéconomiques grâce à une réforme budgétaire et une réforme des régimes de retraite.
Cet appel à la mobilisation collective et à une coordination renforcée montre une compréhension fine des enjeux et la nécessité d’un engagement cohérent de toutes les parties prenantes, qu’elles soient publiques ou privées.

 

7. Une confiance affirmée dans l’avenir et la stabilité institutionnelle
Le discours se conclut sur une note optimiste, en soulignant la stabilité politique et institutionnelle du Maroc, véritable pilier de son attractivité sur la scène internationale. La clarté et l’ambition de la Vision Royale, alliées à la crédibilité croissante du Royaume, sont présentées comme les fondations sur lesquelles s’appuie une croissance soutenue, inclusive et durable.

L’objectif fixé est ambitieux : faire du Maroc un pays à revenu intermédiaire supérieur d’ici 2030, en transformant les défis économiques et géopolitiques en opportunités de développement.
 

L’intervention  de M. Abdellatif Jouahri devant Sa Majesté le Roi Mohammed VI représente un diagnostic lucide et rigoureux de l’économie marocaine, et une feuille de route claire pour l’avenir. Il met en lumière une économie résiliente, capable de croître malgré un contexte mondial incertain, tout en appelant à intensifier les réformes structurelles et à mobiliser pleinement les forces productives du Royaume.

La croissance de 3,8 %, l’inflation maîtrisée à 0,9 %, ainsi que les équilibres budgétaires et extérieurs sous contrôle témoignent de la solidité des fondamentaux macroéconomiques. Cependant, les tensions persistantes sur le marché du travail et les défis sociaux exigent des réponses ciblées et immédiates, en matière de formation, d’innovation et d’emploi.

La politique monétaire prudente, la discipline budgétaire et la gouvernance stratégique renforcent la crédibilité du Royaume. L’alignement sur la Vision Royale permet d’envisager un développement inclusif, durable et souverain. À l’horizon 2030, le Maroc dispose des atouts nécessaires pour figurer parmi les économies émergentes les plus solides, à condition de poursuivre les réformes et de transformer chaque défi en une opportunité de transformation.

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