Goal revient sur ce qu’il considère comme une erreur de communication du PSG concernant le choix d’afficher la position officielle du club en faveur de Dembélé dans la course au Ballon d’Or 2025, sous le titre : « La couronne et le collectif : le faux pas du PSG dans la course au Ballon d’Or ». Une analyse jugée très pertinente, que L’Opinion Sports partage avec ses lecteurs en la rapportant textuellement et dans son intégralité.
Au sommet de son art, porté par une saison historique qui l’a vu conquérir l’Europe, le Paris Saint-Germain semblait avoir enfin trouvé la formule du succès durable. Le club, après des années de tâtonnements, avait troqué les paillettes pour la cohésion, l’individualisme pour l’harmonie. Alors que se profilait la consécration ultime, à savoir un premier Ballon d’Or pour l’un de ses artisans, il a pourtant commis une faute non forcée. En décidant de mener une campagne univoque pour Ousmane Dembélé, le président Nasser Al-Khelaïfi a créé une polémique interne avec Achraf Hakimi et, plus grave encore, a semblé renier les principes mêmes qui ont porté son équipe au firmament. La quête d’une couronne individuelle valait-elle de risquer l’âme du collectif ?
Luis Enrique, architecte du succès, fut le premier à mettre en avant la candidature d’Ousmane Dembélé, louant son exemplarité et son rôle de leader. Ce soutien technique, logique, a basculé dans une autre dimension avec l’intervention de Nasser Al-Khelaïfi. En marge de la Coupe du Monde des Clubs, sa déclaration « Si Ousmane Dembélé ne gagne pas le Ballon d’Or, il y a un problème » a transformé la campagne en un décret présidentiel. Mais cette stratégie ignorait une évidence : Dembélé n’était pas le seul héros de la saison. La sortie médiatique d’Achraf Hakimi sur Canal +, affirmant avec franchise « Je pense que je le mérite aussi », n’était pas un acte de défiance, mais la réaction prévisible d’un joueur marginalisé par la communication de son propre club. La direction, qui aurait tenté selon L’Équipe de museler cette interview, a pris conscience de son erreur, tentant un rétropédalage tardif. Ce faisant, elle a confirmé que la crise n’était pas un accident, mais le résultat d’un calcul qui a mal tourné.
L’erreur de jugement est d’autant plus flagrante que les deux dossiers étaient parfaitement défendables. La candidature d’Ousmane Dembélé reposait sur des statistiques de premier plan et un rôle de catalyseur offensif, décisif dans les moments les plus cruciaux. Il était l’incarnation de la philosophie de jeu de son entraîneur. De son côté, Achraf Hakimi présentait un argumentaire unique et historique, en plus d’être le meilleur latéral au monde. En marquant en quart, en demi-finale et en finale de la Ligue des champions, il a accompli ce qu’aucun défenseur n’avait fait à l’ère moderne de la compétition. Sa saison, hors du commun, redéfinissait les limites de son poste. La sagesse aurait été de célébrer la présence de deux candidats exceptionnels, symboles de la richesse et de la force du collectif parisien. En choisissant de mettre un seul en avant, la direction n’a pas seulement privé Hakimi d’un soutien légitime ; elle l’a involontairement positionné en rival, créant une opposition stérile là où la célébration aurait dû prévaloir.
Le mirage madrilène : quand Paris tente d’imiter le Real
Dans sa volonté de sécuriser le prestigieux trophée, le PSG a cru bon de s’inspirer du Real Madrid et de sa redoutable machine de lobbying. Mais cette stratégie est une greffe qui ne pouvait prendre. Paris n’est pas Madrid. L’ADN du club merengue est historiquement lié au culte des stars, où le prestige individuel valide la grandeur institutionnelle. Le PSG, lui, venait de gagner en faisant précisément le chemin inverse : mettre fin à la politique du « bling-bling » pour construire un projet autour de la force du groupe. Tenter d’importer la « doctrine Pérez » au moment même où la « philosophie Enrique » triomphait est une profonde erreur de jugement. C’est une contradiction qui révèle une hésitation sur la véritable identité du club. Dès qu’un prix individuel suffisamment prestigieux est apparu à portée de main, la vieille mentalité du « star-system » a refait surface au plus haut niveau de l’organigramme.
Le rôle d’un président est d’incarner l’unité et de se situer au-dessus de la mêlée. En prenant publiquement et avec véhémence parti pour Ousmane Dembélé, Nasser Al-Khelaïfi a failli à cette mission. Il a cessé d’être le président de tous ses joueurs pour devenir l’agent de l’un d’entre eux. Ce faisant, il a créé une hiérarchie implicite au sein de son propre effectif et envoyé un message troublant à l’ensemble du vestiaire. Dans une famille, on ne choisit pas son enfant préféré. Dans un club qui se veut uni, le président doit être le garant de l’équité et de la reconnaissance pour tous ceux qui ont contribué au succès. La neutralité n’était pas une option, c’était un devoir. Cette campagne présidentielle est un affront direct à l’œuvre de Luis Enrique, qui s’est évertué à déconstruire une culture de l’individualisme pour forger une mentalité de sacrifice et de cohésion.
La crainte de la dispersion des voix, bien que fondée sur des précédents historiques, ne justifie pas une telle offensive. Le règlement du Ballon d’Or a évolué, son jury a été resserré aux journalistes des 100 premiers pays du classement FIFA pour garantir une plus grande expertise. Mener une campagne de lobbying aussi appuyée, c’est signifier à ces 100 spécialistes qu’on ne fait pas confiance à leur jugement. Cette démarche, paradoxalement, dévalorise le trophée que l’on convoite tant. Un grand club, sûr de sa force et de la valeur de ses joueurs, devrait avoir la sérénité de laisser les performances parler d’elles-mêmes. Le lobbying forcené est souvent l’apanage de ceux qui doutent. En affichant cette fébrilité, le PSG a projeté une image d’insécurité, bien loin de la stature de géant européen qu’il aspire à incarner.
Au final, cette polémique dépasse la simple question de savoir qui remportera le Ballon d’Or. Elle interroge l’identité profonde du Paris Saint-Germain. Le club est-il sincèrement engagé dans la révolution culturelle prônée par son entraîneur, ou la philosophie du collectif n’est-elle qu’un outil opportuniste, que l’on peut mettre de côté lorsque la perspective d’une récompense individuelle prestigieuse se présente ? La véritable victoire pour le PSG ne réside pas dans l’obtention d’un trophée, aussi doré soit-il. Elle réside dans la capacité à rester fidèle aux principes qui l’ont mené au succès. La plus grande confirmation de sa nouvelle ère aurait été de rester uni et neutre, de célébrer son triomphe collectif, quitte à risquer de voir la couronne lui échapper. Car une récompense individuelle, si elle est gagnée au prix d’une fracture interne et d’un reniement de ses propres valeurs, a un goût bien amer.